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Grendel : L’Enfant du Démon - par Diana Shutz, Tim Sale et Teddy Kristiansen - Sémic

Par François Peneaud David TAUGIS le 27 octobre 2007                      Lien  
Démon de la médiocrité de la société, comme le désigne son créateur Matt Wagner, le personnage de Grendel est à nouveau exploré brillamment par un trio qui dépasse l'exercice de style.

Grendel a été créé au début des années 80 par Matt Wagner [1], alors jeune auteur, pour une histoire au titre évocateur : Grendel : Devil by the Deed [2]. Tout d’abord simple déguisement adopté par Hunter Rose, un criminel contemporain de très haut vol (et totalement humain), il traversa les époques au fil de la série des 40 numéros publiés par le défunt éditeur Comico, pour petit à petit devenir une sorte d’entité indéfinie, incarnation de l’agressivité humaine. Sur plus de 500 ans, diverses personnes l’incarnent, et Wagner, avec l’aide de divers dessinateurs comme John K. Snyder III, Tim Sale ou Pat McEown, chronique les évolutions de la société humaine, en mêlant réflexions politico-religieuses (le Vatican du XXVIème siècle se situe en Californie) et éléments fantastique (comme la présence d’une société de vampire).

Suivront la mini-série Grendel : War Child, elle aussi située dans le futur et publiée chez Dark Horse, le désormais éditeur du personnage, puis des mini-séries groupées sous l’intitulé Grendel Tales, situées dans le futur inventé par Wagner et écrites et dessinées par divers auteurs, dont Teddy Kristiansen (Le Carnet Rouge). Certaines de ces séries ont d’ailleurs été traduites en France [3], alors que le personnage était inconnu en France [4].

Deux rencontres avec Batman (l’une avec la version Hunter Rose, l’autre avec le cyborg Grendel Prime, un des personnages principaux de War Child) ont été écrites et dessinées par Matt Wagner, qui, en dehors de leurs qualités propres, a réussi à les faire compter dans l’histoire de son personnage, alors que 99% des crossovers entre personnages de compagnies différentes n’ont aucune importance pour leurs séries respectives.

Plus récemment, Wagner est revenu à Hunter Rose, racontant en deux séries d’époustouflantes histoires courtes [5], illustrées par une pléiade d’artistes de haut niveau, des épisodes inconnus de la vie de son personnage. Grendel est peut-être le démon de la médiocrité, mais le travail de Matt Wagner est d’un niveau souvent exceptionnel.

Aujourd’hui arrive donc en VF une autre mini-série datant de 1999, située quelques décennies après le cycle autour de Hunter Rose, le Grendel originel, et retraçant le destin tragique de Stacy, la fille adoptive du « démon », qui, encore enfant, joua un rôle décisif dans les événements qui amenèrent à la disparition de Hunter Rose.

D’abord suivie par un psychiatre durant l’adolescence après la mort de Rose, Stacy finira par devenir sa maîtresse, se prêtant même à des jeux sado-maso. De cette union naît une fille, qui cherche à revoir sa mère, désormais internée dans un autre hôpital psychiatrique.

Du début à la fin, cet album explore la noirceur du personnage manipulateur et schizophrène qu’est Grendel (en laissant toujours une certaine ambiguïté sur sa réalité). Sous différents noms, différents rôles, il parvient toujours à posséder une victime choisie pour l’amener à l’aliénation. La fille de Stacy est d’ailleurs l’incarnation suivante de Grendel, son histoire ayant été racontée au début de la série Comico.

Outre une grande finesse dans la description des mécanismes psychologiques de domination, Diana Shutz [6] et Tim Sale rendent Stacy, femme dominée et humiliée, totalement fascinante, et la dépeignent tentant de garder des valeurs humaines, bien que privée de tout avenir.

Confronté à ce graphisme anguleux et sobre, et à des cadrages sombres jouant de l’alternance gros plan/plongée ou contre-plongée, le lecteur ne peut échapper au climat de noirceur. La couleur noire employée massivement voisine avec un vert glacial, dans des scènes nocturnes souvent cauchemardesques. À ce propos, il faut signaler la contribution comme peintre de Teddy Kristiansen, qui compléte le travail du dessinateur. Certaines scènes très crues et parfaitement découpées égalent les meilleurs œuvres d’épouvante. Au-delà du comic de genre, L’enfant du démon a de quoi convaincre tout amateur de BD. Du grand art.

(par François Peneaud)

(par David TAUGIS)

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[1Dont le superbe Batman et les Monstres vient d’être publié chez Panini.

[2Quelque chose comme Les Exploits du Diable ou Le Diable en ses Actes.

[3Voir l’entrée « Grendel » du site comicsvf.com.

[4War Child avait été partiellement traduit en 1993.

[5Grendel : Black, White and Red et Red, White and Black, 1998 et 2002.

[6Par ailleurs belle-soeur de Wagner, et seule personne en dehors de celui-ci à avoir écrit les personnages des débuts de la saga, que Wagner se réserve habituellement.

 
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