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Guin : mangas adaptés d’une saga entêtante

Par Florian Rubis le 30 avril 2010                      Lien  
Milady Graphics (Bragelonne) publie l’une des versions en mangas de {Guin Saga}. Soutient-elle la comparaison avec cette série littéraire majeure de l’{Heroic Fantasy} au Japon et phénomène d’édition à mettre au crédit de {{Kaoru Kurimoto}}, disparue en 2009 ?

Guin Saga, la plus célèbre épopée d’Heroic Fantasy au Japon, était devenue un phénomène d’édition à la disparition de Kaoru Kurimoto (1953-2009). Lorsqu’elle meurt d’un cancer du pancréas, dans un hôpital de Tôkyô, sa série principale, qui devait totaliser à l’origine, selon ses prévisions, cent romans, s’approchait en définitive des cent trente, sans parler de dizaines de gaiden ou récits parallèles, le tout vendu aussi à des dizaines de millions d’exemplaires, avec des traductions en dix langues. Quelques-uns sont disponibles en français, à commencer par le premier paru dans l’Archipel, en 1979 : Le Masque du léopard (Fleuve noir, 2006).

Guin : mangas adaptés d'une saga entêtante
Guin, roi à tête de léopard de Cheironia, doit combattre les sortilèges d’une énigmatique peste.
© Kaoru Kurimoto, Kazuaki Yanagisawa & Milady Graphics (Bragelonne), 2010.

Une spécialiste des littératures de genre

Kaoru Kurimoto pouvait se prévaloir d’une bibliographie très prolifique d’environ quatre cents ouvrages, même s’ils correspondent souvent au standard de la nouvelle longue, privilégiée dans les lettres nippones au détriment du roman. De son vrai nom Sumiyo Imaoka, elle a publié sous divers pseudonymes. En tant qu’Azusa Nakajima, elle s’est faite connaître également, en particulier, comme critique et compositrice. Du reste, elle fut lauréate du prix de la critique pour les jeunes écrivains Gunzo (1977), voire de la récompense littéraire (1978) appelée d’après Ranpo Edogawa (Tarô Hirai, dit…), fameux émule japonais d’Edgar Allan Poe, l’inventeur américain du roman policier.

Kaoru Kurimoto, spécialiste des littératures de genre, prisées dans son pays tout comme le film de genre l’est dans son cinéma, y a contribué, entre autres, à la reconnaissance du Yaoi, traitant d’amours homosexuelles. Cette implication lui viendrait de son intérêt pour l’œuvre de Mari Mori (1903-1987), elle-même fille du grand écrivain Ôgai Mori (Rintarô Mori, dit…). Après le décès de la conceptrice de Guin Saga, la Science Fiction and Fantasy Writers of Japan Association l’a en outre honorée à titre posthume.

Chez elle, on peut déceler l’influence du Conan de Robert E. Howard et, dans les portraits psychologiques plus élaborés, voire tourmentés, de ses personnages, celle de la New Wave façon Elric le Nécromancien de Michael Moorcock. Kentarô Miura, créateur en 1989 de Berserk (Glénat, 2004), est souvent cité comme un mangaka emblématique de ceux qui déclarent avoir été inspirés par Guin Saga. Cette profession, Kaoru Kurimoto aurait rêvé, dit-on, de la faire sienne dans sa jeunesse.

Mangas et autres déclinaisons de la saga

Hormis une série d’animation télévisuelle due à Atsushi Wakabayashi et au studio Statelight (vingt-six épisodes, 2009), ou des jeux vidéo, Guin Saga a fait l’objet de deux versions en mangas. L’une, de titre identique, dessinée par Hajime Sawada, a été éditée par Asuka, en 2009 (Jive Ltd, 2007, quatre tomes). Elle se rattache à la série principale, dont le personnage charismatique, Guin, un puissant guerrier amnésique, se distingue par un masque de léopard fixé par magie sur son visage.

Dans sa quête pour retrouver la mémoire, il vient à la rescousse de Linda et Remus, jumeaux royaux menacés. Guin Saga : Les Sept Mages, publiée par Milady Graphics (Bragelonne), illustrée cette fois par Kazuaki Yanagisawa (Shin Megami Tensei : Kahn, Ki-oon, 2006), constitue chronologiquement, bien que fondée sur un gaiden, la première adaptation en manga de la série (Media Factory, 2001, trois tomes). Guin, comme Conan devint roi d’Aquilonia, y est monté sur le trône de Cheironia. Mais il doit protéger son royaume contre une peste à la provenance surnaturelle, à laquelle sont liés les mages de la mystérieuse Allée des Charmes, sise dans sa capitale.

Guin Saga : Les Sept Mages sait mettre en avant certains atouts.
© Kaoru Kurimoto, Kazuaki Yanagisawa & Milady Graphics (Bragelonne), 2010.

Peste domestique

Les deux mangas, ne comptant qu’un nombre plus restreint de volumes, ne proposent qu’une vision forcément synthétique de la saga littéraire dont ils sont issus. Ils ne peuvent prétendre restituer entièrement la richesse de l’univers développé au gré de ses nombreuses pages ou, vraisemblablement, contenter pleinement ses lecteurs les plus puristes. En revanche, ils offrent un moyen satisfaisant de s’y initier. Guin Saga : Les Sept Mages, en dépit d’un graphisme moins aventureux que son protagoniste et de décors plus kitschissimes que pseudo-médiévaux, permet ainsi néanmoins, par exemple, de se rendre compte de la profondeur psychologique du monarque de Cheironia, très marquée par la SF New Wave : maître en son royaume, il l’est moins des sentiments de sa peu amène épouse, à qui sa tête de félin ne revient pas !

Au vu des scènes de combat, agrémentées de décapitations, ou des généreux appas féminins représentés, s’apparentant à du fan service, cette bande dessinée s’adresse en priorité à un public plus mûr (seinen). Espérons que, dans sa suite, l’attirail classique de la Sword and sorcery de type occidental se trouve mélangé à de plus intéressantes réminiscences du patrimoine nippon shintoïste ou animiste, rendant les Japonais spécialement légitimes pour traiter de ce genre. D’autant qu’au pays du Soleil Levant, depuis l’ère Meiji (1868) et plus qu’ailleurs, les survivances du passé se sont heurtées avec acuité à son ouverture à la modernité. Elles y entretinrent des rapports conflictuels avec cette dernière, au demeurant brillamment analysés dans leurs écrits par Ôgai Mori ou son confrère Sôseki Natsume.

(par Florian Rubis)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Guin Saga : Les Sept Mages T1 : - Par Kaoru Kurimoto & Kazuaki Yanagisawa – Milady Graphics (Bragelonne) – 176 pages, 9,90 euros

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