Gung Ho T2 - Par von Eckartsberg et von Kummant - Editions Paquet

Cette communauté aux allures de camp scout, en plus rigide, est confrontée à une nature hostile, dont les monstrueux rippers, sorte de primates agressifs et dangereux demeurent les plus redoutables représentants.

À Fort Apache, des familles et des petits clans d’ados cohabitent sous l’autorité de la mystérieuse madame Kingsten. Ici, les adultes sont amenés à gérer non seulement l’univers menaçant situé au-delà des murs, mais aussi les démarches provocatrices d’ados rebelles, comme Zack et Archer. Les rivalités quotidiennes exacerbent les passions de cette société placée en autarcie.

La maîtrise des couleurs et des lumières souligne l’originalité de cette série.

Avec ce nouvel épisode, débarque Yuki, la fille du nouveau prof d’arts martiaux. La jeune fille et son père vont être à l’origine de rebondissements plus ou moins heureux. Une occasion pour Zack, sensible aux charmes de la jeune nippone, de mettre à l’œuvre son esprit rebelle.

Un état d’esprit particulièrement cultivé par les deux nouveaux venus qui passe bien avant les dangers qui menacent ce curieux refuge et qui va vite s’avérer facteur de troubles pour la communauté. Les manquements aux règles édictées par les adultes comme sortir du camp, boire de l’alcool… sont de moins en moins tolérés et donc de plus en plus durement réprimés. De part et d’autres des palissades, la tension monte encore un peu plus.

« - Il y a bien des moments où l’on peut se laisser aller, non ? »... « - Nous vous fouettons parce que nous vous aimons ! » Les deux formules résument assez bien l’ambiance de cette histoire. D’un côté, l’insouciance adolescente, provocatrice et rebelle ; de l’autre, l’intransigeance brutale des adultes.

Alors que le danger rôde en permanence, la narration s’attarde encore davantage dans cette seconde partie sur les relations entre ados, leurs rivalités et leurs jeux de plus en plus dangereux. Une attitude qui va justifier la sévérité des répressions fixées par les adultes, en principe garantes de la survie de la communauté.

Après une école de mode, Thomas von Kummant est passé par la publicité pour s’orienter vers la bande dessinée avec notamment la série « Chronique des immortels ». Faut-il voir dans ce parcours singulier les raisons de son attention particulière aux couleurs et aux lumières ? On serait tenté de ne voir dans ce traitement graphique qu’une manière de privilégier le look, une esthétique clinquante presque fluo (particulièrement sensible sur les couvertures, par exemple) au détriment d’un discours plus ambitieux. Ce serait oublier que le dessinateur bavarois réussit, à partir d’une large variété d’ambiances, à rendre parfaitement vraisemblable l’univers si particulier dans lequel évoluent ses personnages.

Une description des relations ados-adultes plus qu’un récit post apocalytique.

En ayant recours à un dessin réaliste, il s’affranchit des facilités de la palette graphique pour nous proposer un univers personnel et unique.
En cela, il soutient efficacement le propos de cette chronique à peine futuriste écrite avec son compère Benjamin von Eckartsberg, rendant ce monde fascinant, crédible et très... inquiétant.

On perçoit vite que l’essentiel se joue dans les rapports entre les différents protagonistes. Conflits avec une nature hostile, conflit de génération, conflits entre ados, la violence des relations fait écho à celle de cette nature à la fois chatoyante mais dangereuse et menaçante. Bien qu’attachants ces ados font figure de sales gosses cyniques et incontrôlables tandis que les adultes s’emmêlent dans leurs contradictions, mélange d’ambitions communautaires quasi baba-cool et de principes boy-scouts presque fascisants. Plus que des monstres poilus qui assiègent le fort, la vraie menace ne viendrait-elle pas plutôt de l’intérieur ? Les auteurs ont choisi de prendre leur temps pour répondre à cette question.

Ils s’efforcent de distribuer avec parcimonie les éléments d’un puzzle aux allures de parabole sur notre société. Après Brebis galeuses, leur premier album promettant l’immersion du lecteur au cœur de cet univers tendu et inquiétant, les auteurs disposent maintenant de quoi maintenir l’attention jusqu’au bout de cette saga prévue en cinq tomes.

À noter que chaque album est publié en deux parties et en grand format. Ces versions « de luxe » sont agrémentés de bonus dotés de beaux cahiers graphiques.