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Guy Delisle : "Ce dont le régime birman a le plus peur, ce n’est pas de la population mais du régime lui-même !"

Par Laurent Boileau le 19 novembre 2007                      Lien  
Accompagnant son épouse, administratrice de Médecins sans frontières, pendant un an en Birmanie, Guy Delisle en revient avec un documentaire graphique passionnant.

Chroniques birmanes se présente comme le troisième volet de la série d’ouvrages que Guy Delisle a consacrée à ses séjours en Asie. Témoin curieux au regard aiguisé, l’auteur mélange les histoires, la sienne bien sûr mais aussi celle du pays. Avec une bonne dose d’autodérision, il confronte ses préoccupations dérisoires d’Occidental aux difficultés que traversent les habitants d’un pays pauvre sous le joug d’une dictature militaire.

Chroniques Birmanes est-il un livre 100% autobiographique ?

C’est à la fois romancé et autobiographique. En fait, je prends des notes sur place sur ce que je vis au quotidien.Une fois rentré au pays, je mets de côté les anecdotes inintéressantes sorties du contexte. C’est aussi romancé car bien souvent je retravaille les chutes et surtout je modifie la chronologie des faits pour assurer une dramaturgie au livre. Je veux que ça soit de la chronique du quotidien mais il faut aussi que les lecteurs puissent s’identifier, que ça soit cocasse, croustillant et passionnant comme moi je l’ai vécu.

Chacun de vos voyages débouche-t-il sur un livre ?

J’ai passé un an en Ethiopie et j’ai aussi travaillé au Vietnam sans pour autant réaliser des chroniques. Ce n’est pas parce que je vais dans un pays que j’ai nécessairement envie de faire un bouquin. Pour la Birmanie, il y avait une certaine logique à le faire. Ce livre formait une trilogie avec Shenzen et Pyongyang, deux carnets de voyage sur la Chine et la Corée du Nord.

Guy Delisle : "Ce dont le régime birman a le plus peur, ce n'est pas de la population mais du régime lui-même !"
Ces deux livres ont été publiés à L’Association. Pourquoi pas Chroniques birmanes ?

J’ai présenté ce projet à L’association. La personne qui dirige maintenant seule la structure a lu le premier tiers et ça ne lui a pas plu. Je suis donc allé voir ailleurs…

Cet automne, la Birmanie s’est retrouvée sous les feux des projecteurs…

J’étais en Birmanie en 2005 et c’était impossible de prévoir ce qui vient de se passer. La population était très calme. D’après les analystes qui connaissent bien le pays, ce sont les militaires entre eux qui se mettent des bâtons dans les roues. Il existe des factions différentes qui sont toujours en train de se tirer dans les pattes. C’est étrange de voir que ce dont le régime a le plus peur, ce n’est pas de la population mais du régime lui-même ! Je trouve tout cela curieux et passionnant et cela suffit à me donner envie de le raconter.

Vos chroniques alternent entre le didactique et l’anecdotique…

Quand il y a une bombe qui explose, je cherche à ce que l’on m’explique ce qui se passe et j’ai ensuite envie de l’expliquer à mon tour au lecteur. Je peux être didactique et je n’ai pas peur de prendre deux pages pour expliquer quelque chose. Par contre, je fais attention de poser avant les jalons qui vont faire que le lecteur aura envie d’avoir cette explication. Je peux aussi raconter une anecdote rigolote qui se passe au coin de la rue avec mon voisin essayant d’apprendre à dire bonjour à mon fiston. Si je trouve cette histoire digne d’intérêt, je la mets dans le livre. L’ensemble est un patchwork qui se lie par le rythme et par la chronologie d’une année qui passe.

A certains moments, vos chroniques changent de style narratif et des intermèdes muets en petites cases apparaissent. Pourquoi ?

C’est une façon de rythmer le récit de la même manière que ces "intermèdes" ont rythmé ma vie sur place. De temps en temps nous laissions le fiston avec sa nounou pour faire un peu de tourisme. Raconter une escapade touristique en disant que c’était magnifique, est difficile pour moi. Je n’arrive pas à le transmettre correctement en bande dessinée en mettant du texte et des belles images. Les 3000 temples de Bagan au coucher du soleil, c’est à couper le souffle. Mais en bande dessinée, ce ne sera pas à couper le souffle. Alors, je préfère montrer cet épisode avec un concentré de vignettes qui se succèdent. Je voulais donner un rythme différent, faire une pause comme cela l’a été pour nous.

Votre regard d’étranger s’amuse ou s’interroge beaucoup des différences sociales et culturelles. Pourquoi ?

Je n’aime pas les gens qui, parce qu’ils sont allés un mois en Afrique, racontent comment les Africains fonctionnent. Connaître une culture prend un temps fou et je n’ai pas cette prétention. Je n’ai pas envie de juger mais plutôt de regarder et de m’en amuser car c’est difficile de na pas appliquer sa grille de lecture occidentale quand on est dans un pays étranger. J’aime bien montrer les différences culturelles et je serai passionné de voir comment un Birman à Paris voit la France.

(par Laurent Boileau)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Photo © L. Boileau
Illustrations © Delisle/Delcourt

 
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