23 Décembre 1955. Après avoir affronté le Maître de l’Atome, Guy Lefranc retrouve son ami l’inspecteur Renard dans une localité minière entre Lens et Marchiennes, dans le bassin houiller du Nord-Pas-de-Calais.
Le journaliste vient couvrir un évènement dramatique : une tentative désespérée de sauver d’un incendie des mineurs bloqués par plus de 900 mètres de fond. Quant au policier, en mission pour Interpol, il est venu arrêter un redoutable terroriste qui se cache parmi le personnel de la mine. Les circonstances vont générer un dilemme inattendu : cet homme représente le seul espoir de sauver les mineurs coincés sous terre !
Une course contre la montre s’engage. Dans le labyrinthe des galeries dévastées, les courageux volontaires, dont Lefranc et le supposé terroriste, vont livrer une terrible bataille contre le temps et les centaines de mètres de rochers qui peuvent s’abattre à tout instant sur leurs têtes. Chacun a rendez-vous avec ses propres démons dans l’enfer suffocant des chaleurs de la terre.
Après la réussite du Maître de l’Atome, un des albums les plus vendus depuis la reprise des Lefranc, on attendait impatiemment le nouveau scénario de Michel Jacquemart. En lieu et place d’une intrigue scientifique tonique, il nous plonge dans le contexte historique des charbonnages du bassin du Nord, et de leurs difficiles conditions de vie.
Après une introduction fort instructive sur le contexte des mineurs en cette époque, le récit débute dans un aspect documentaire, expliquant le quotidien des ’gueules noires’ et de leur famille. Cette particularité donne toute la beauté, et dans le même temps, constitue le piège de cet album. Sa première moitié est redoutablement évocatrice, et l’on sent comme l’auteur s’est investi pour transmettre au lecteur les difficiles conditions de travail des mineurs. Malheureusement, cela se fait un peu aux dépens de l’intrigue qui s’enfonce comme cette compagnie de sauveteurs tentant de dénicher quelques rescapés, et les parlers italien et ch’ti ne font que renforcer cet état d’esprit.
Heureusement, la seconde partie inclut de nombreux flashes-backs permettant de varier le cadre, tout en renforçant (enfin) les enjeux des protagonistes coincés dans les veines de charbon. Continuant cette inexorable montée en suspense, les dernières pages sont d’une profonde sensibilité, une ode à la cruauté de la passion humaine, une tragédie qui mêle accident public et effondrement privé.
Malgré sa lourdeur documentaire, Noël noir n’en reste pas moins un très bon album de Lefranc, mais surtout une superbe évocation du quotidien des Corons. Un récit qu’on pourra lire à part des autres, et qui trouvera une place justifiée en-dessous des sapins de ceux qui ont vécu cette période, marquée dans leur esprit comme dans leur chair.
Malgré quelques visages du héros qui laisse à désirer dans les premières pages de l’album, Régric peut se satisfaire de la réussite de sa première aventure de Lefranc, après avoir dessiné la trilogie l’aviation, dans les Voyages du reporter. On attend donc avec impatience son prochain album, afin de constater qu’il s’en tire aussi bien dans un découpage à l’air libre.
Il faut avouer que la valse des dessinateurs n’est pas toujours facile à suivre. Après que Carin soit définitivement mis hors-course, les prochaines aventures devraient être les Enfants du Bunker [1], réalisé par Alain Maury, puis Le Châtiment scénarisé par Patrick Delperdange et dessiné par André Taymans. Ce dernier récit se déroulera à Hollywood à la fin des années 1950 durant la cérémonie des Oscars !
Après ces deux albums devant paraître en 2010, c’est encore une nouvelle équipe qui proposera une nouvelle aventure de Lefranc. Le scénariste Thierry Robberecht nous entrainera dans le Japon de l’après-guerre.
En attendant ces futures parutions, les fans patienteront avec la sortie d’un fac-similé d’une des premières aventures du reporter, le Repaire du Loup, dessiné en son temps par Bob de Moor. On y retrouvera entre autres un dossier spécial de 16 pages, contenant diverses annonces issues du journal Tintin, un essai inédit consacré aux sources et implications de l’œuvre, ainsi que les différents projets de couverture imaginés à l’époque par Jacques Martin. On est justement étonné par la couverture de ce fac-similé, diamétralement opposée à l’originale !
(par Charles-Louis Detournay)
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Lefranc, sur ActuaBD, c’est aussi :
T17 le Maître de l’Atome
T18 la Momie Bleue
T19 Londres en Péril
[1] On peut supposer qu’il s’agit du scénario intitulé précédemment Réseau Swatiska, qui devait être dessiné par André Taymans, mais ce dernier s’opposant à certaines clauses du contrat, il atterrit chez Maury en attendant que ce problème se résolve, ce qui semble être le cas actuellement.
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