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Heavy Metal, la machine à rêver américaine de Métal Hurlant

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 23 février 2017                      Lien  
Il y a 40 ans, la bande dessinée faisait sa révolution des deux côtés de l’Atlantique. Les Américains découvraient Moebius et Druillet. Les Français découvraient Vaughn Bodé et Corben. Un mélange de mauvais genre fait de SF, de sexe et de Rock ‘n Roll. Une étude universitaire à paraître en mars prochain, pour une fois passionnante et bien écrite, en raconte l’aventure et analyse pour la première fois les relations tumultueuses entre Métal Hurlant et son « clone » américain Heavy Metal.
Heavy Metal, la machine à rêver américaine de Métal Hurlant
Heavy Metal : L’autre Métal Hurlant – Par Nicolas Labarre – Presses universitaires de Bordeaux. Disponible à partir de mars 2017.

Dans le domaine de l’histoire culturelle, la diffusion de la bande dessinée franco-belge est un sujet peu traité. Et pourtant, cela a un intérêt de savoir que les planches d’Épinal ont été traduites en Hollande ou aux Amériques, que le Journal de Spirou a connu une version portugaise dans les années 1960 et que le Journal Tintin a connu une version allemande sous le titre MV, -MV comme Michel Vaillant- et que ces pages se sont aussi retrouvées traduites en Scandinavie comme en Turquie, en Italie comme au Brésil. L’économie est souvent laissée de côté par les historiens et pourtant, comment peut-on comprendre le rayonnement d’une culture sans ces paramètres ?

C’est ce qu’a entrepris Nicolas Labarre en se penchant sur un des miracles de l’histoire des années 1970 : la naissance de Métal Hurlant et surtout son rayonnement aux USA dont on mesure mal l’impact qu’il a eu sur une génération de créateurs : de Georges Lucas à Paul Pope, de Guillermo del Toro à Charles Burns

Le N°1 de Heavy Metal (1976)

Le point de contact a lieu en 1975, année-clé pour les relations transatlantiques de la BD puisque Will Eisner, cornaqué par Claude Moliterni et David Pascal, reçut cette année-là le second Grand Prix d’Angoulême, précisément au moment où paraissait, en janvier 1975, le premier numéro de Métal Hurlant. « La Machine à rêver » finit par tirer l’œil de Len Mogel et de Kevin Eastman, l’un des créateurs des Tortues Ninjas qui lancèrent le projet. Sean Kelly, premier rédacteur en chef chez National Lampoon constatait l’enthousiasme de ses rédacteurs pour ce journal bizarre où « Le Seigneur des anneaux rencontre Star Trek et Led Zeppelin…  » Une émergence de la culture pop de son temps.

Une équipée unique

Heavy Metal, lancé en avril 1977, qui publie essentiellement du matériel issu des Humanoïdes Associés mais aussi de Pilote, au gré des relations tumultueuses entre l’éditeur français et son complice américain. Car l’expérience ne se passe pas seulement dans le sens Paris/New-York : alors que Moebius, Druillet, Bilal, Schuiten, Tardi, Chaland, Caza, Jeronaton, Macedo, Frank Margerin, Serge Clerc ou Chantal Montellier –bonjour l’éclectisme- trouvent une audience américaine, de grands auteurs de comics, avec Richard Corben en figure de proue, font leur irruption dans les pages de Métal.

Le N°4 de Heavy Metal (1977)

Une incroyable idylle

Les tirages respectifs indiquent assez vite le destin de cette équipée : Heavy Metal tire quatre fois plus que sa source française : 250.000 exemplaires aux USA contre 70.000 en France. Jamais la bande dessinée franco-belge, à l’exception des Smurfs, n’auront eu une aussi grande pénétration aux États-Unis, alors que les Anglais et les Espagnols –plus précisément même : les Catalans- y sont présents depuis déjà un certain temps.

Richard Corben a marqué les pages de Heavy Metal mais aussi celles de Métal Hurlant

Les problèmes éditoriaux des Français, leur amateurisme à tout dire, mais aussi une exigence éditoriale de voir davantage de création américaine dans le journal vont réduire drastiquement la présence franco-belge dans le titre US. La « génération Star Wars » des créateurs US finit par supplanter l’effet de nouveauté et de surprise suscité par les Français.

Heavy Metal –qui fit même l’objet d’un film éponyme (1981) où plusieurs créateurs du magazine français collaborèrent- survivra à la disparition de Métal Hurlant (1987) jusqu’à aujourd’hui, comme les derniers feux d’une étoile morte, du moins quelques mois dans la forme mensuelle originelle pour devenir ensuite un trimestriel qui subsiste jusqu’à aujourd’hui mais qui n’a plus rien à voir avec sa source d’origine. Son souvenir reste cependant vivace des deux côtés de l’Atlantique.

Le N°2 de Heavy Metal (1977)

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Heavy Metal : L’autre Métal Hurlant – Par Nicolas Labarre – Presses universitaires de Bordeaux. Préface de Gilles Poussin. Disponible à partir de mars 2017.

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7 Messages :
  • En écho
    23 février 2017 10:32, par Nick Tyler

    Et ainsi, pendant des siècles et des siècles, le nom du journal et ceux de ses prestigieux collaborateurs resplendiront dans la galaxie, tout comme ces fameuses étoiles, éteintes depuis des millénaires et qui pourtant continuent de briller...
    (Chaland, Jeune Albert, MH 135, 1987)

    Répondre à ce message

    • Répondu par Jean-Pierre le 23 février 2017 à  22:31 :

      ...quelle merveilleuse page bd extraite de l’édito du dernier Metal Hurlant !!! il faut voir ce texte avec ses images..!!

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      • Répondu par MD le 23 février 2017 à  22:57 :

        Un nouvel Heavy Metal a ressurgi l’an dernier : rédac-chef Grant Morisson !

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  • Heavy Metal, la machine à rêver américaine de Métal Hurlant
    26 février 2017 18:32, par Gilles Poussin

    Deux petites corrections, le premier numéro de "Heavy Metal" est sorti en avril 1977 (et pas en septembre 1976), "Métal Hurlant" (première version) a disparu en 1987 (et pas en 1986). Merci pour l’article.

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 28 février 2017 à  09:13 :

      C’est corrigé. Merci Gilles. Didier

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  • Heavy Metal, la machine à rêver américaine de Métal Hurlant
    28 février 2017 12:23, par François Bourdages

    Les Métal Hurlant et les Heavy Metal étaient tous deux disponibles dans les kiosques à journaux au Québec. Métal Hurlant, car la bande dessinée francophone était bien présente, mais aussi les Heavy Metal en raison de la proximité et de l’influence du comic book américain sur notre marché. Pour ma part, j’ai acheté les 2, mais j’avais un faible pour les numéros en français, que j’ai toujours d’ailleurs.

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  • "Il y a 40 ans, la bande dessinée faisait sa révolution des deux côtés de l’Atlantique(...) avec un mélange de mauvais genre fait de SF, de sexe et de Rock ‘n Roll."

    Les années passent ,le sémillant Philippe Manoeuvre ,la caution "Rock ‘n Roll" du duo de rédacteurs en chef de Métal Hurlant qu’il composait avec Jean Pierre Dionnet "on était en osmose. Je collectionnais des disques et lui des livres, on n’était pas exactement les mêmes, mais on se complétait parfaitement." se range des voitures et prend sa retraite à 62 ans :http://culturebox.francetvinfo.fr/musique/rock/philippe-manoeuvre-prend-sa-retraite-et-quitte-rockfolk-l-interview-du-20h-252711

    "L’ Enfants du Rock " veut maintenant devenir un "papa du Rock".

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