Hektor Kanon est le type qu’on aimerait connaître mais jamais fréquenter ! Un déjanté pur et dur qui pense toujours avoir trouvé l’idée du siècle, le plan parfait auquel personne d’autre n’aurait pensé : vendre des saris avec nichons imprimés dessus, acheter du Saint-Émilion de Picardie à bas pris, ou écrire une biographie scatologique. Branché, il croit devancer la mode et être à la pointe de la pensée culturelle, mais comme toujours, ses plans foireux tombent à l’eau : il répare son pantalon à 400 € avec des cure-dents, et file la chiasse a Iggy Pop pour avoir abusé du champagne surprise de Jim Morrison. Ses plans drague sont tout aussi vaseux, car à force de côtoyer l’excès, il collectionne les râteaux.
"Qu’est-ce qu’il i bon ce Libon !" Roi du calembour pourri, Libon parvient à déclencher sa mini-révolution en bande dessinée. Les lecteurs de Spirou profitaient déjà de sa chronique hebdomadaire, Animal Lecteur, la BD dont vous êtes le héros, et de Jacques le petit lézard géant [1] tandis que dans Fluide Glacial, on s’esclaffait face aux bourdes d’Hektor.
En une dizaine de petites histoires, Libon égratigne férocement la société bien-pensante : qui peut se targuer d’être plus intelligent ou d’avoir plus de goût que les autres ? Hetor Kanon sûrement, mais dans un monde qui cultive la différence pour se faire remarquer, pour exister à travers les yeux de autres, il nous est déjà tous arrivé de tomber dans ce panneau. Et cette distante identification à l’anti-héros qu’est Hektor, nous permet d’éclater de rire à la lecture de ses frasques. Si certains gags sont très en dessous de la ceinture, c’est que Libon brasse large : évitons les tabous, car avec un personnage aussi culotté, on peut se moquer de tout ! Le pari est payant : certains gags sont à pleurer de rire !
Côté dessin : Libon vise l’efficacité. Dans le registre humoristique, il faut diriger habilement le lecteur. Il privilégie donc l’avant-plan pour juste esquisser, ou laisser dans l’ombre le décor. C’est surtout dans les trognes de ses personnages qu’il faut chercher l’originalité de ce jeune auteur : les visages, expressifs au possible, sont surdimensionnés et affublés de mâchoires d’hippopotame. Entre le dessin réaliste et la caricature, le faciès de chaque personnage indique directement sa personnalité : le chieur, l’intello, le rabat-joie, la fille canon, ou le thon rasoir. Cette facilité de discerner le rôle de chacun permet de centrer les dialogues sur l’effet comique sans insister sur la mise en situation. Percutant !
Une excellente découverte pour toutes celles et ceux qui voudrait s’en payer une bonne tranche. On en redemande ...
(par Charles-Louis Detournay)
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Toutes les illustrations sont © Libon/Fluide Glacial
[1] En attendant l’album qui va prochainement sortir chez Dupuis, découvrez les premières aventures d’un lézard pas comme les autres.