Hellboy a sauvé le monde mais en a payé le prix : le voilà mort et condamné aux enfers, où les affaires familiales se bousculent pour notre démon qui aurait pourtant bien voulu rompre avec toutes ces pesantes et sordides histoires d’héritage, de filiation et de destinée. Las ! Le voilà encore embarqué dans plus qu’il n’aurait souhaité.
Aidé dans son périple par un très sérieux, très impliqué, et néanmoins très mystérieux adjuvant ("le type qui vole à poil" comme le reconnait immédiatement notre distingué héros), Hellboy demeure cependant en toute circonstance détaché de ce qui lui tombe dessus, de tout ce qui incombe à son rang, de tout ce qu’implique son statut.
Et rien d’y fera, qu’il s’agisse du retour fracassant d’Eligos ("on s’est déjà croisés. Il a pas mal changé mais je me souviens de son marteau"), des retrouvailles musclées avec ses frères jaloux et son oncle frustré, ou encore de la présence en arrière-plan de Satan : Hellboy reste ce cogneur simple et direct en rupture de ban avec l’aristocratie infernale.
À la limite blasé, revenu de tout alors que pas encore arrivé, Hellboy jure, désamorce et ironise pendant que les autres pontifient et prophétisent. Il n’y a guère que la découverte d’une toile obscure, La Mort à dos d’éléphant, pour le sortir de sa torpeur. Et c’est comme si là, à ce moment du récit, se révélaient non seulement la présence du héros mais aussi, à travers elle, celle de son auteur.
Dans Hellboy en enfer, Mike Mignola renoue avec ses crayons et met tout le monde d’accord. Les (très) sombres aplats structurent la planche, la composent autant qu’ils la décomposent, la découpent et l’ordonnent. Une vibrante énergie émane de ces pourtant désolées contrées où nous entraîne l’auteur tandis que les pages de crayonnés en fin de volume témoignent de l’enthousiasme du dessinateur à effectuer recherches et essais autour des décors posés, des créatures imaginées.
Quel plaisir de retrouver Hellboy dans un retour aux sources qui touche aussi bien ses univers graphique que narratif. Le héros atteint enfin pleinement le monde dont il est issu et autour duquel sa quête a sans cesse jusque-là gravité. Plongé en son cœur, il va devoir sérieusement l’explorer. Il donne le sentiment de le faire par obligation, presque malgré lui, et c’est ironiquement tout l’inverse du lecteur !
(par Aurélien Pigeat)
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Hellboy en enfer T1 : "Secrets de famille". Par Mike Mignola. Traduction Anne Capuron. Delcourt. Sortie le 2 avril 2014. 160 pages. 15,95 euros.
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un article autour du film de 2004 par Guillermo del Toro
la chronique du tome 2 du BRPD
celle de Lobster Johnson T1
et celle de Witchfinder T1