Hendrix en célébrations

Par David TAUGIS le 27 octobre 2022

Lien

Le neuvième art évoque la vie du guitar hero ultime, celui qui a posé les bases du mythe. En deux traitements très différents, ces deux albums permettent d'entrer en détail dans la carrière d'Hendrix, et fourmillent de faits précis et souvent méconnus. En rappelant l'évidence : outre le musicien pionnier et virtuose, sa vie était bel et bien un roman.

Deux albums - sûrement pas les derniers - mettent en image la vie et la carrière du plus grand guitariste rock de tous les temps. Qui aurait eu 80 ans en novembre 2022. Un anniversaire "virtuel" quelque peu tiré par les cheveux, tout comme les commémorations des mois de septembre qui elles célèbrent la date de son décès (en 1970).

Ces deux albums très différents évoquent en fait la même chose : l’homme derrière le musicien. Dans les deux cas, un spécialiste a veillé au contenu : Yazid Manou, fan et exégète reconnu depuis plus de 30 ans, dans l’hexagone et même au-delà. Mais là où Jimi Hendrix en BD (réédition d’un recueil paru en 2010) présente des épisodes chronologiques, Kiss the sky plonge dans sa vie surtout côté coulisses. Comme toujours dans la collection Docu BD de Petit à Petit, les épisodes illustrés alternent avec des pages narratives, et tous les dessinateurs sont différents. Le graphisme ne cherche pas à coller à la réalité, l’interprétation des artistes s’affranchit du souci de ressemblance. Le niveau de précision scénaristique et factuel est lui irréprochable. Et les sources sélectives de fin de volume s’avèrent précieuses. En revanche le final sur le désormais rituel (et pénible) rappel du groupe des 27 (stars du rock morts à 27 ans) tombe comme un cheveu dans la soupe.


un extrait du tome 1 de Kiss the sky (Glénat)

Pour Mezzo, et son dessin en noir et blanc d’une densité spectaculaire, il est surtout question de comprendre le contexte familial, et d’évoquer des parents plus que difficiles. Le scénario de J.M. Dupont évoque régulièrement les racines cherokee de Jimi, et sa lutte farouche pour imposer un style d’abord moqué avant d’être admiré, notamment par les Britanniques. Mais le volume 1 s’arrête dans l’avion qui mène le guitariste à Londres, là où tout va commencer...

Précis et informatif, Jimi en BD souffre un peu de ces dessins trop libres. On aimerait reconnaître un peu mieux les personnages, y compris les seconds rôles comme les membres de l’Experience (Mitch Mitchell et Noel Redding) ou le premier manager Chas Chandler [1]. Kiss the sky, dans son format carré -hommage au disque vinyle- et sa couverture toilée, revendique un statut semi-luxueux qui lui sied plutôt bien. Mais l’avalanche de scènes de lit et une tendance au misérabilisme ne s’imposait peut-être pas. Savoir que Jimi était un bon coup éclaire-t-il ses talents à la six-cordes ? Mais l’album reste poignant. La sensualité du trait, la sensibilité du propos -qui montre Hendrix en mélomane ultime, vénérant son art- et l’acuité du regard de Mezzo sur l’Amérique des années 1960 imposent le respect.

On peut parfaitement lire ces deux récits, à la suite, même si on pense connaître la carrière de Jimi Hendrix sur le bout des cases. Et les amateurs éclairés, musiciens ou non, seront surpris d’en apprendre autant sur la légende, dont quasiment toute l’œuvre inédite a désormais été publiée.

(par David TAUGIS)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.