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Henri Filippini rappelle l’histoire de la BD à quelques jeunes auteurs oublieux

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 5 septembre 2006                      Lien  
Dans {Suprême Dimension} (N°7, jusque fin septembre en kiosque), l'éditeur et spécialiste de la BD Henri Filippini appelle à une valorisation de la bande dessinée pour la jeunesse et, au passage, donne une leçon d'histoire aux dessinateurs de (feu) {Capsule Cosmique}.
Henri Filippini rappelle l'histoire de la BD à quelques jeunes auteurs oublieux
Suprême Dimension N°7
Editions Soleil

Intéressante interview d’Henri Filippini à propos de son Guide de la bande dessinée jeunesse (Editions Bordas) que nous avions chroniqué un peu sévèrement dans ces pages. Notre confrère Nicolas Fréret en profite pour recueillir l’impression de cet expert de la BD qui en accompagne le développement depuis quarante ans, notamment en lançant Pieds Nickelés Magazine à la SPE, puis Vécu chez Glénat, dont il a été longtemps le bras droit, lançant par exemple Les Passagers du Vent de Bourgeon ou encore Les 7 vies de l’épervier de Cothias et Juillard. Il est également l’auteur d’un Dictionnaire de la bande dessinée chez Bordas.

« L’erreur a été de marginaliser la bande dessinée pour enfants »

Comme explication au phénomène des mangas, Filippini pointe l’abandon par les éditeurs de la bande dessinée jeunesse, dans les années 1980-2000, au profit d’une bande dessinée pour les adultes boostée par l’effervescence de Pilote, de Métal Hurlant ou de (A Suivre). « L’erreur, dit-il, est [...] de marginaliser [La bande dessinée] destinée aux enfants. De faire des dessinateurs de ces journaux des sous-dessinateurs, de les observer de haut dans les salons, de les oublier dans la distribution des distinctions, de contribuer à la paupérisation du secteur.

Capsule Cosmique
aux éditions Milan

Auteurs et éditeurs en sont pour beaucoup responsables, rendus aveugles par la médiatisation de la BD devenue adulte. » Filippini poursuit l’analyse en inventoriant les éditeurs qui ont fait bouger les choses dans ce secteur : Glénat avec Titeuf et la bande à Tchô, avec le succès que l’on sait, Dutto, Bianco et Will, Arleston qualifié d’ "héritier de Goscinny" chez Soleil et évidemment, Spirou qui n’a pas perdu la main avec des séries à succès comme Tamara, Violine, les Nombrils..., classiques tout en étant capables de « casser le moule ». Il n’oublie pas de mentionner Bayard Presse qui a lui aussi réussi à se tailler son petit succès.

Des histoires d’adultes

Revenant sur l’aventure de Capsule Cosmique, la revue de Milan qui a sombré corps et biens, il explique que « C’est justement [la] trop brutale rupture avec les conventions qui a causé la perte de « Capsule cosmique ». Excepté Pipit Farlouse de Riad Sattouf et Esteban de Mathieu Bonhomme, la plupart des histoires proposées par ce mensuel sont des histoires d’adultes qui ont voulu se faire plaisir ».

Même si nous avons déjà signalé par ailleurs, la lecture par trop conservatrice d’Henri Filippini, trop souvent enclin à prêcher pour sa chapelle, son analyse nous semble intéressante pour la confronter à la version avancée par les auteurs de Capsule Cosmique dans L’Eprouvette de L’Association. Sur quarante huits pages, les auteurs de Capsule, dont nous avions en son temps souligné les mérites, règlent leurs comptes avec leur ancien éditeur.

L’Eprouvette N°2
L’Association

Dans l’introduction du dossier intitulé « Capsule Tragique », la rédaction de L’Eprouvette stigmatise comme une « décision absurde » l’arrêt, de la part de Milan, de ce mensuel que cet éditeur a pourtant publié pendant deux ans en accumulant les pertes.

Dans un article vengeur intitulé « La conjuration des imbéciles », Appolo fait l’examen de l’aventure de ce mensuel qu’il qualifie de « journal d’auteurs » en rappellant aux lecteurs que ce sont les créateurs qui ont fait avancer la bande dessinée ces dernières années : Goscinny et Charlier avec Pilote, les Humanoïdes Associés pour Métal Hurlant [1]. Si cette assertion est parfaitement vraie, l’analyse qui suit fait malheureusement l’économie d’un examen des causes qui ont mené à l’échec du journal. Elle oublie que Pilote, financièrement exsangue au bout d’un an, a été racheté pour un franc symbolique par Georges Dargaud et que les Humanoïdes Associés n’ont pu prolonger leur aventure qu’en procédant à une fuite en avant aboutissant à leur rachat par Hachette [2].

Le Guide de la Bande dessinée pour la Jeunesse
par Henrui Filippini (Editions Bordas).

La BD d’auteur inconciliable avec la BD jeunesse ?

Filippini vient rappeler à juste titre que ces deux expériences « révolutionnaires » étaient destinées exclusivement au public adulte et que, jusqu’à présent, les grandes réussites dans les revues pour enfants ont toujours été le fait d’opérateurs industriels, comme Disney Presse/Hachette quand ils ne sont pas inféodés à une obédience politique (Pif Gadget) ou confessionnelle (Fleurus Presse : Cœurs Vaillants, Fripounet, Perlin..., Bayard Presse : Je Bouquine, Okapi...). L’aventure de Milan était en soi originale puisqu’il s’agissait d’un groupe laïque, finalement racheté par les Assomptionnistes de Bayard Presse.

La BD d’auteur est-elle inconciliable avec la BD jeunesse ? Non, les classiques franco-belges (Spirou, Les Tuniques bleues, Lucky Luke...), Titeuf et la Bande à Tchô, de même que Lanfeust de Troy ont prouvé le contraire. La tentative d’adapter à la presse une démarche conceptuelle présente dans le livre pour enfants, comme l’ont fait la revue Dada, L’Art pour les enfants chez Mango ou encore Capsule Cosmique n’a pas encore trouvé son public. En attendant une prochaine tentative...

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

En médaillon : Henri Filippini. Photo : Didier Pasamonik.

[1Il aurait pu ajouter le Professeur Choron, Delfeil de Ton, et Wolinski pour Charlie Mensuel, Mandryka, Gotlib et Brétécher pour L’Echo des Savanes ou encore Gotlib pour Fluide Glacial.

[2Sans compter le rachat de Charlie Mensuel par Dargaud, L’Echo par Albin Michel et Fluide par Flammarion.

 
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