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Hervé Tanquerelle : "Les BD d’Hergé ont été mes inspirations premières pour cet album"

Par Christian MISSIA DIO le 25 février 2017                      Lien  
Pour son nouvel album, "Groenland Vertigo", Hervé Tanquerelle a mis en scène un récit dépaysant et plein d'humour, inspiré par ses souvenirs d'une expédition dans les contrées de l'océan Arctique. Un album savoureux publié sous le label Casterman.
Hervé Tanquerelle : "Les BD d'Hergé ont été mes inspirations premières pour cet album"
Groenland Vertigo
Hervé Tanquerelle (c) Casterman

Dans ce nouvel album intitulé Groenland Vertigo, votre héros se rapproche plus des Dupondt que de Tintin, vu sa maladresse.

Hervé Tanquerelle : Oui, mais j’irais plus loin : tous mes personnages s’inspirent plus des personnages secondaires que de Tintin, qui n’est pas forcément présent ou incarné dans un personnage. C’est aussi sur eux que repose les intrigues et tous les ressorts comiques que l’on retrouve dans l’œuvre d’Hergé. J’adore l’humour d’Hergé. C’est quelque chose que me fait autant rire aujourd’hui que lorsque j’étais enfant.

Comment est né ce projet ? L’amorce de l’histoire est-elle authentique ou bien, l’avez-vous inventée ?

Une grosse partie de l’histoire est authentique, en effet. Il s’agit d’un voyage que j’ai fait au Groenland en 2011. Il y a quelques années, j’ai adapté en BD avec Gwen de Bonneval, Les Racontars arctiques de Jørn Riel, un auteur danois. Il s’agit d’un vieux monsieur de 85 ans, toujours vivant, bon pied bon œil. Il n’est pas exactement comme Jørn Freuchen, l’écrivain dans ma BD mais je me suis quand même beaucoup inspiré de lui.

J’ai été invité à participer à une expédition danoise à ses côtés, qui a duré quasiment un mois. Et je suis revenu de cette expérience, ravi car il s’agissait là d’une très belle opportunité. Mais de l’autre côté, j’étais frustré car je n’avais pas pu avoir de conversations très poussées avec les gens. Ils parlaient tous, soit danois ou anglais alors que je ne suis pas très bon en langues étrangères. Même mon anglais est trop hésitant, trop ancien pour que je puisse avoir des conversations poussées, ce qui fait que je suis revenu avec peu de matériel à exploiter pour faire un carnet de bord. Plusieurs années après, l’idée d’en faire une fiction a petit à petit fait son chemin, grâce aux suggestions de mes collègues et amis, Brüno et Gwen de Bonneval. J’ai été séduit par leur idée mais l’écriture de la BD ne s’est pas faite aussi aisément que je l’aurais souhaité. Il fallait recoller les morceaux du récit et en faire une histoire qui tienne la route.

Dans le communiqué de presse, vous avez comparé cet album à L’Étoile mystérieuse mais nous aurions plus tendance à le comparer aux Bijoux de la Castafiore à cause du ton que vous avez utilisé. C’est léger, comique.

Votre réflexion me fait plaisir. Effectivement, j’ai comparé cet album à L’Étoile mystérieuse à cause du contexte de l’histoire : une expédition scientifique en bateau. D’ailleurs, nous sommes même passés à Akureyri en Islande, qui est aussi référencé dans l’album d’Hergé, ce qui rajoute à la comparaison. Mais c’est vrai que j’aime énormément Les Bijoux de la Castafiore. C’est un des albums qui me fait le plus rire.

La question environnementale était-elle aussi importante pour vous dans cet album ?

Oui, même si mon album n’est pas du tout une BD engagée mais j’en parle car ce sont des choses qui m’intéressent. Mais bon, je n’avais pas envie d’en faire le sujet principal. J’y suis allé par petites touches. Par exemple, la séquence avec l’iceberg a été introduite surtout dans un souci de faire rebondir l’histoire.

Êtes-vous aussi doué sur un bateau que votre personnage, surtout pour enfiler la tenue de marin ?

Je l’avoue, la séquence avec la tenue de marin est une histoire vraie (rire). En fait, la personne qui m’avait donné la tenue à enfiler, j’ai cru que ses chaussures étaient au dessus du pantalon car ça lui faisait des énormes pieds. J’en ai donc conclu qu’il fallait plutôt mettre le pantalon dans les chaussures. J’ai donc essayé vainement d’enfiler ma tenue mais je n’y arrivais pas et je ne comprenais pas pourquoi. C’est un peu comme lorsque l’on essaie d’ouvrir une porte et qu’on la tire plusieurs fois, avant de se rendre compte qu’il fallait juste pousser... C’était aussi bête que ça. C’était vraiment une anecdote que j’avais envie de replacer car sur le moment, je m’étais senti très couillon dans mon approche de l’ensemble de ce voyage où, effectivement j’ai été de découverte en découverte. Durant ce voyage, tout était nouveau pour moi alors que la plupart des gens qui avaient participé à cette expédition étaient déjà aguerris à ce type de voyage. J’étais un peu candide.

Dessin de couverture au lavis de l’album "Groenland Vertigo"
Hervé Tanquerelle (c) Casterman

Est-ce vraiment sur ce bateau que vous aviez voyagé ? Je trouve qu’il donne un côté intemporel à l’histoire.

Oui, effectivement. Des fois, lorsque nous étions à terre et que j’observais le bateau dans ces paysages immuables et peu altérés par la main de l’homme, je me disais que je pourrais très bien être au 19e siècle ou au début du 20e siècle. C’était une sensation fascinante.

Pourriez-vous nous parler du couple Olaf-Kloster ? J’ai eu l’impression de voir Smithers et M. Burns dans Les Simpson.

Effectivement, l’artiste Ulrich Kloster et son assistant Olaf Olsen fonctionnent comme un vieux couple. Ils ont une relation d’amour-haine très forte. Je me suis inspiré des gens qui ont fait le voyage avec moi mais j’ai poussé les curseurs un peu plus loin. J’aimais ce principe du couple “bourreau/souffre-douleur” que l’on retrouve d’ailleurs les albums d’Hergé, notamment entre la Castafiore et Irma. On voit la cantatrice obséquieuse tandis que sa domestique est toujours au petits soins avec elle alors qu’elle n’en vaut pas la peine humainement parlant. Je trouvais cela assez chouette à mettre en scène. C’est une partie du boulot qui me plaît particulièrement : trouver le casting et ensuite mettre les personnages en scène. C’est ce qui me régale et me fait plaisir dans la BD. C’est l’occasion pour moi de faire le parallèle avec le cinéma car tel un réalisateur, je caste des acteurs mais c’est au moment de dessiner - de filmer si je suis au cinéma - que je me rendrai compte de leur capacité à bien jouer.

Hervé Tanquerelle (c) Esprit BD

Je trouve que votre personnage principal apparaît comme le faire-valoir de toute la galerie. Il n’est pas comme Tintin, un personnage auquel tout le monde aimerait ressembler.

Tintin est aussi un faire-valoir dans la série d’Hergé. En ce qui me concerne, je m’identifie à Georges Benoît-Jean puisqu’il joue mon rôle, enfin en partie. Après, j’avais plus envie que l’on ait de l’empathie pour le couple que je développe tout au long de l’histoire, entre Georges et l’écrivain-voyageur Jørn Freuchen. C’est une formule que j’avais déjà expérimentée dans un de mes autres livres, La Communauté, que j’ai fait avec mon beau-père Yann Benoît. Nous y avions mis en scène un candide et un vieux briscard. C’est un ressort comique que l’on a déjà vu partout, notamment au cinéma, et ça fonctionne assez bien.

Le choix des couleurs est particulièrement réussi. Pouvez-vous nous en dire un mot ?

C’est Isabelle Merlet qui s’est occupé des couleurs. On en a discuté. Je savais qu’elle avait d’excellentes qualités et capacités techniques de coloriste, donc je n’avais pas d’inquiétudes car c’était la bonne personne.

Georges Benoît-Jean et Jørn Freuchen
Hervé Tanquerelle (c) Esprit BD

Nous avons travaillé de la manière suivante : je lui ai laissé carte blanche pour les ambiances mais il y avait certains passages pour lesquels je souhaitais qu’elle s’appuie sur les photos que j’avais prises durant l’expédition. Je voulais qu’elle les retraite de manière assez réaliste. Il s’agit de certaines lumières, certains ciels, etc. Je l’ai vraiment guidée sur ces points-là. Par contre, je me suis occupé de tous les lavis qu’Isabelle a ensuite recolorisé.

Combien de temps a pris cette mise en couleur ?

Elle s’est faite tout au long de l’album car j’étais assez régulier. Dès que j’avais dix pages de terminées, je les envoyais à Isabelle pour la colorisation. La mise en couleur, c’est faite quasiment au même rythme que le dessin des planches. En plus, Isabelle Merlet est très rapide et réactive. Parfois, il y a eu quelques difficultés sur quelques scènes où nous n’arrivions pas à trouver la bonne lumière mais au bout de deux ou trois essais, c’était bon.

Propos recueillis par Christian Missia Dio

Groenland Vertigo
Hervé Tanquerelle (c) Esprit BD

Voir en ligne : Découvrez Groenland Vertigo sur le site des éditions Casterman

(par Christian MISSIA DIO)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782203103948

En médaillon : Hervé Tanquerelle
Photo : DR/Dargaud

Agenda :

Hervé Tanquerelle exposera les planches originales, croquis et photos de son expédition dans le grand nord, qui ont servi pour la réalisation de cet album dans l’espace exposition de la librairie La Réserve à Bulles du 10 mars au 10 mai. L’auteur nous expliquera la genèse de cette aventure trépidante à l’occasion d’un apéritif dédicace le jeudi 6 avril à 19h00.

Librairie La Réserve à Bulles

58, rue des 3 frères Barthélémy
13006 MARSEILLE
09 73 62 11 47
Du mardi au samedi
de 10h00 à 19H00
librairie@reserveabulles.com

À lire sur ActuaBD.com :

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