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Hippolyte : « Je respecte complètement le texte de Stevenson »

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 22 août 2007                      Lien  
Avec {Le Maître de Ballentrae}, Hippolyte a entrepris l’adaptation de l’un des géants de la littérature anglaise du 19ème siècle. Un projet périlleux que le jeune dessinateur a néanmoins réussi avec brio. Rencontre avec l’un des meilleurs talents de la nouvelle génération.
Hippolyte : « Je respecte complètement le texte de Stevenson »
Le Maître de Ballentrae T2
Editions Denoël-Graphic

De son vrai nom Frank Meynet, Hippolyte, 30 ans cette année, est originaire de Haute-Savoie. Après un petit tour aux Beaux-Arts de Paris, il étudie à l’académie Émile Cohl à Lyon. Il réalise pendant deux ans du dessin de presse pour Le Monde ou Le Nouvel observateur, de l’illustration, notamment pour les éditions Nathan, puis de la bande dessinée et de la publicité. Il publie un premier livre, Monsieur Paul, chez Alaint Baulet (2002), un collectif chez Petit à Petit puis, chez Glénat, sa première contribution importante : Dracula, en deux tomes dans la collection Carrément BD (2003 et 2004). Mais c’est surtout avec Le Maître de Ballentrae, une adaptation d’un roman de Robert-Louis Stevenson (Denoël Graphic, 2006) qu’il s’impose comme l’un des dessinateurs de sa génération les plus en vue. Le deuxième et dernier tome de cette brillante saga sort en librairie ces jours-ci.

Le Maitre de Ballentrae - Tome 2
Editions Denoël-Graphic

ACTUA BD : Quand on considère votre parcours jusqu’ici, on s’aperçoit que vous avez essentiellement adapté des œuvres littéraires. Pourquoi ?

Hippolyte : Au début, je ne me sentais pas assez sûr pour faire mon propre scénario, c’est pourquoi j’avais adapté Dracula. Après, sur Stevenson, c’est vraiment un coup de cœur. C’est un auteur avec lequel je me sens bien et même de mieux en mieux. Je viens de l’illustration et ma femme me poussait à faire de la BD en me disant que je serais plus libre dans ce secteur-là. Je ne me sentais pas encore la force d’attaquer un scénario tout seul. Par rapport à mon graphisme, Dracula convenait très bien, il mettait mon graphisme en avant. C’est d’ailleurs plus une œuvre graphique qu’une BD à part entière. En lisant Stevenson, je me suis rendu compte à quel point c’était un magnifique raconteur d’histoires et je ne voulais pas passer à côté de cela.

Le Maître de Ballentrae T2
Editions Denoël-Graphic

J’ai fait un travail en amont beaucoup plus conséquent, sur le story-board, le découpage, la narration pour faire vraiment une œuvre de bande dessinée, une BD qui se lit et qui en plus ait un contrepoint graphique assez intéressant.

Chez Stevenson les lieux d’abord sont fascinants et puis ses face à face proprement éblouissants.

C’est vrai. Les lieux sont aussi importants que les personnages et souvent ils se répondent chez lui. Ses face à face sont terribles, que ce soit l’homme face à la nature, ou les êtres humains entre eux. Il a une qualité de description qui est géniale et que j’essaie de faire passer dans mes dessins. Après, il y a la beauté des dialogues qui est monumentale et que je respecte absolument le plus souvent. J’essaie de ne pas en changer une virgule. Le travail de l’adaptation consiste à essayer de choper ce qui fait la sève de l’œuvre, trouver l’équilibre entre ce que l’on met en images et ce que l’on met en texte. Je respecte complètement le texte de Stevenson. Je ne fais pas de grosses césures. Il y a quelques points de détail que je vais changer, car la narration littéraire n’est pas du tout la même que la narration de la bande dessinée. Le but est de respecter son œuvre et de voir comment la raconter en BD.

Ce qui est compliqué souvent, ce sont les zones d’ombre de la narration…

Oui. Il y a des choses qui passent très très bien en littérature, des tours de passe-passe quelquefois énormes que l’on voit venir gros comme le poing, mais qui ne passent pas du tout en BD. J’essaie de trouver des astuces. C’est le côté assez marrant du découpage et du story-board.

Hippolyte
Photo : DR

La technique de l’aquarelle que vous utilisez donne à l’ensemble une touche artistique qui évoque les grands espaces. Vous avez voyagé dans les pays qu’évoque Stevenson ?

Je ne suis pas allé en Écosse, mais je suis allé aux États-Unis. Je ne suis pas allé en Inde, mais je suis allé au Sri Lanka. Par contre, la majeure partie de l’album, je l’ai réalisée en étant à La Réunion. Ca m’a un peu aidé sur les lumières, la mer… En même temps, derrière ce grand écrivain, il y a les dessinateurs qui l’ont illustré Howard Pyle (1853-1912) et Newell C. Wyeth (1882-1945) qui sont les illustrateurs historiques de Stevenson. Je me sens une filiation avec eux et d’ailleurs, il y a plein d’hommages à ces illustrateurs-là dans le premier tome. Il y a aussi les croquis aquarellés de Pratt qui m’inspiraient. Après, c’est vrai qu’en lisant le roman, j’avais des images qui venaient en tête. J’ai essayé de retrouver cela, une BD qui ne soit pas figée, qui amène au voyage et à l’évasion. J’en avais discuté avec mon éditeur Jean-Luc Fromental et c’est ce qu’il voulait faire : une grande bande dessinée d’aventure à l’ancienne. C’est quelque chose que j’adore, lui aussi, et qui manquait. Je ne sais pas si l’on a réussi, mais c’était l’idée de départ.

Projet de couverture pour le Tome 2 du Maître de Ballentrae
Editions Denoël-Graphic

En même temps, vous avez des personnages assez aigus, pas vraiment réalistes.

Non, je ne suis pas sur un dessin réaliste. Il y a des filiations avec le travail de Blain, de Bonhomme, de Gipi… Ce sont des gens qui m’influencent, qui me plaisent. J’ai commencé à dessiner en regardant les BD de Crécy et de Prado, plutôt que celles de Jacques Martin. Cela se ressent forcément.

Vous publiez chez Denoël Graphic après avoir été publié chez Glénat. Vous vous sentez mieux à l’aise dans un petit label ?

Je me sens vraiment bien chez Denoël. La différence, c’est énorme, c’est qu’on a un contact direct avec un éditeur qui mouille sa chemise, qui lit les histoires (ce qui n’est pas le cas partout), qui est vraiment impliqué dans la narration. Il est disponible, je l’appelle quand je veux et on peut discuter à tout moment de ma bande dessinée. Ce n’est pas le cas partout.

Le Maître de Ballentrae T2
Editions Denoël-Graphic

Comment le public a-t-il répondu à votre premier tome ?

Les gens que j’ai vus étaient contents de voir une BD différente, en couleur directe à l’aquarelle. Ils en avaient un peu marre de certaines BD aux couleurs faites à l’ordinateur, un peu froides. L’histoire leur avait plu, ils voulaient savoir la suite. Là, je suis conscient que c’est en grande partie grâce à Stevenson. Mais les gens que je rencontre, c’est en dédicace. C’est donc forcément des gens qui aiment bien ce que je fais. Les critiques, tout ça, c’était plus que bien, je n’avais jamais eu ça du temps de Dracula. Ce qui m’a plu, c’est que jusqu’à présent, on disait que j’étais un bon graphiste, et là, on me dit que je suis un bon raconteur d’histoires. J’avais donc gagné mon pari : je suis arrivé à raconter une histoire en bande dessinée.

L’histoire de Stevenson se termine sur ce deuxième tome. Quels sont vos projets ?

Projet pour Aire Libre
(c) Hippolyte - éditions Dupuis.

Ils sont nombreux ! Là, je fais avec Richard Marazano un album dans la collection Aire Libre chez Dupuis. Le thème en sera les premières expéditions polaires. Après, j’ai deux projets perso, un sur une expérience que j’ai vécue au Liban quand j’avais 19 ans et qui a changé ma vie ; et puis un petit projet tous publics, un chien super-héros qui s’appellera Alphonse. Je ne les ai pas encore présentés à des éditeurs.

Vous avez passé un cap, on a l’impression que vos envies se concrétisent mieux.

Oui, et en plus, je me sens capable de les réaliser, ce qui n’était pas le cas avant. Entre autres projets, je vais aussi faire un spectacle de marionnettes pour enfants, je vais faire un documentaire pour la télé. Je m’éclate. Il y a plein de choses différentes qui commencent à se passer pour moi.

Propos recueillis par Didier Pasamonik, le 21 août 2007.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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