Hoka Hey ! - Par Neyef - Label 619 / Édition Rue de Sèvres

Lorsqu’il croise par hasard ce trio composé d’un aventurier Irlandais, d’une jeune indienne, No Moon, au visage dissimulé derrière un foulard, et de Little Knife, guerrier froid et violent, son destin s’apprête à basculer. Après avoir assisté au massacre du pasteur et de son institutrice, le garçon est contraint de suivre la petite troupe conduite par cet indien assoiffé de vengeance, à la recherche du meurtrier de sa mère.

Au cours d’un long périple à travers les immensités du Wyoming, le garçon va, au contact de ses compagnons d’infortune, redécouvrir peu à peu sa culture d’origine. L’histoire du peuple dont il est issu, ses traditions, son rapport à la nature, le racisme et la violence vont lui être révélés par Little Knife entre deux séances de tirs ou de chasse.

Découpage et succession de plans fidèles aux codes du western.

À travers l’histoire tragique de No Moon ou des remarques cyniques de Sully l’irlandais, Georges va appréhender un monde qui, jusqu’ici lui était inconnu. D’abord brutales et conflictuelles, ses relations avec Little Knife vont évoluer vers un apaisement de la colère et plus de compréhension mutuelle. Cet échange de connaissances et de savoirs ne sera pas sans influence sur le destin du jeune garçon.

Cette épopée violente et brutale assimile de manière très efficace les principaux codes du western. Culture indienne, chasseurs de prime, chevauchées et lentes traversées des grands espaces fixent le cadre d’un récit d’une conception très cinématographique, usant de somptueux panoramiques, et d’une grande variété de plans. Neyef traite le décor comme un élément important, pour ne pas dire essentiel !

Le lecteur est entraîné à la suite de ses personnages selon un rythme lent et contemplatif face à l’immensité des paysages. Cette sombre balade est mise en valeur par une gamme de couleurs et des ambiances lumineuses impressionnantes, totalement maîtrisée.

Le paysage constitue l’autre figure majeure de cette histoire.

Qu’il s’agisse de scènes en sous-bois ou des vastes plaines du Wyoming, le traitement graphique restitue l’atmosphère de cette épopée avec nuance et subtilité.

Au-delà de cet aspect, ce récit souvent rude et impitoyable met aussi en jeu la sensibilité à fleur de peau des protagonistes et une approche poétique des paysages qui rend ce récit touchant et attachant.

En s’appuyant sur des faits authentiques, Neyef attire notre attention non seulement sur le choc des cultures, le pouvoir de la transmission mais aussi sur « l’intégration à marche forcée » des populations indigènes, pratique pas totalement disparue dans le monde, encore aujourd’hui !

Né en 1984, Neyef a passé son enfance en Allemagne avant d’intégrer l’école d’arts appliqués Pivaut de Nantes. Après un détour par le fanzine Le Chakipu avant de rejoindre l’éditeur Ankama, il contribue notamment à Doggy Bags et aux Midnight Tales. Sa rencontre avec Run exercera une influence notable sur son travail. Son univers s’inspire aussi bien de Mike Mignola (Hellboy), que d’Eiichiro Oda (One Piece) ou d’Alice au pays des merveilles (de Lewis Carroll).

La maîtrise des ambiances colorées reste un point fort du traitement graphique.

Hoka Hey, cri de guerre Lakota rendu célèbre par Crazy Horse (que l’on pourrait traduire par Let’s go) fait incontestablement partie des belles surprises de cette rentrée.

Cet album confirme la vitalité du label 619 tout en bénéficiant de la nouvelle visibilité offerte par son association au sein de Rue de Sèvres.

À noter, pour nos amis parisiens l’exposition Neyef, chez Achetez de l’Art à Paris à partir du 17 novembre.