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Il était une fois en France - T2 : le vol noir des corbeaux - par Fabien Nury & Sylvain Vallée - Glénat

Par Charles-Louis Detournay le 24 novembre 2008                      Lien  
Suite du parcours atypique d'un ferrailleur collabo-résistant, ce deuxième opus installe définitivement cette série parmi les meilleures du genre. Sa construction, son suspense et son graphisme épuré sont impressionnants : à ne pas rater !

1940. La guerre secoue le monde. L’ascension sociale de Joseph Joanovici le ferrailleur pourrait en être contrariée. Si ce n’est que les armées, pour fabriquer leur matériel de mort, se révèlent grandes consommatrices de métaux. Et que des métaux de toutes sortes, Joseph en a des tonnes à revendre. Très cher. Car les nazis, au moins en affaires, sont des gens très fréquentables. Même si pendant ce temps l’ombre des rafles commence à s’étendre sur la femme, les filles et les employés de Joseph l’émigré roumain...

Il était une fois en France - T2 : le vol noir des corbeaux - par Fabien Nury & Sylvain Vallée - Glénat

Il y a des livres qui opèrent une alchimie magique sur le lecteur : Il était une fois en France est sans conteste de ceux-là !

Lors de la parution du premier tome, nous nous demandions ce que voulait prouver Fabien Nury. La lecture du second des six épisodes prévus permet de s’en faire une meilleure idée : après les innombrables flashes-backs maintenant la pression du premier opus, le scénariste laisse les moments fort de Joanovici se dérouler devant nos yeux. Selon les pages, on le plaint face aux discriminations nazies, puis on loue presque son intelligence et sa force de caractère permettant de tromper l’ennemi tout augmentant son profit personnel, mais on le maudit aussi face à son aveuglement et son égoïsme !

Comme Spielberg avant lui, Nury ne pose pas vraiment de jugement sur le personnage historique, cela ne l’intéresse pas, mais il met en avant la perversité des Allemands, et l’intelligence de ceux qui ont su profiter du système, sans réellement pouvoir étouffer leurs remords. C’est dans ce flou de sentiments qu’on avance dans le récit. À chaque page, on pense qu’on a tout vu, que cela ne peut avoir existé, qu’il a trop de chances, ou pas assez de remords, mais la page suivante rajoute une couche à l’oignon, un élément à cette personnalité si complexe, et à la fois si humaine : bouleversant.

N’oublions pas Sylvain Vallée dans la réussite de cette série : ses planches nettes, sans fioriture, traduisent fort bien la sordide réalité contée. Les personnages abordent des visages typés, entre caricatures et portraits d’époque. Un ensemble qui sert la densité du récit : on ne s’arrête pas pour comprendre qui est tel personnage, car nous l’avons directement intégré. Les divers cadrages mettent alternativement en avant les sentiments forts, et les décors opulents de cette collaboration. Un très bel exemple de découpage et de cadrage est donné sur le site d’Il était une fois en France

Après avoir lue l’histoire de Monsieur Joanivici, vous ne regardez plus la collaboration, ni la bande dessinée historique comme avant ! Les critiques ne s’y sont pas trompés car l’album fait partie du tour final de leur prix 2008.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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- le premier tome d’Il était une fois en France : l’Empire de Monsieur Joseph
- le deuxième tome d’Il était une fois en France : le vol noir des corbeaux

Lire notre article lançant la série, et l’interview de Fabien Nury : « Pour moi, la période nazie représente le mal absolu »
Visiter le blog de Sylvain Vallée
Retrouver les dix premières pages, ainsi que les deux bandes annonces de la série, sur le site de notre partenaire France 5

Les illustrations sont © Vallée/Nury/Glénat.

Glénat
 
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13 Messages :
  • il y a déjà eu le livre de Boudard, le film avec Hanin, maintenant la BD. Il manque encore la comédie musicale et le spectacle sur glace. Quelle imagination ces auteurs de BD.

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    • Répondu par François Pincemi le 24 novembre 2008 à  20:36 :

      Je ne vois pas où est le problème, c’est une période très noire de notre histoire, rarement évoquée en BD. Cette série semble correctement faite, l’article m’a donné envie de lire cette série. Fabien Nury est un bon scénariste dont on ne parle pas assez. Et le dessin(peut être peu flamboyant, mais il vaut mieux un trait discret voire humble pour retranscrire cette sombre période) semble adéquat.
      Maintenant je suis d’accord avec vous sur un point : je n’aime pas le suivisme dans tous les domaines, que ce soit celui de la nouvelle BD ou des thêmes à la mode. Cela fait quand même beaucoup de livres sur l’Occuppation qui sortent successivement. Un peu bizarre...

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      • Répondu par Fred Boot le 25 novembre 2008 à  02:08 :

        La Seconde Guerre Mondiale est un conflit où on peut parler de mal "absolu", ça aide de facto à prendre position. Il y a les bons et les méchants, avec un drapeau nazi en guise de logo. C’est bien, c’est identifiable par le public. Parler de mal "absolu", c’est aussi un créer une impasse sur ce qui a suivi en arguant qu’on ne peut faire pire. Il n’y a plus d’Histoire, tout ça...

        Quand va-t-on parler avec force d’albums de ce qui a germé à la suite de ce conflit ? Quand parlera-t-on sérieusement des "événements" d’Algérie, de la création de l’"école" Française et de la guerre subversive ? Quand parlera-t-on d’anciens maquisards enrolés par l’Armée Française et qui auraient pu en remontrer aux pires des SS ? Quand parlera-t-on de cette stratégie made in France qui, en catimini, a mis en place des dictatures, torturé et tué des centaines de milliers de civils, qui s’est toujours montrée complice de tous les fascismes jusqu’aux sillons des attentats italiens de la fin des années 60 ? Quand parlera-t-on de cet énorme pan de notre histoire moderne et contemporaine, étalé sur plusieurs décenies et sur plusieurs pays ?

        Il n’y a pas de point culminant dans le mal. Je n’ai rien contre la sortie de tous les albums récents qui en traîte mais il est temps de se pencher sur quelque chose de beaucoup plus fangeux que la Seconde Guerre Mondiale.

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        • Répondu par erwan le 25 novembre 2008 à  15:58 :

          de biens belles paroles.
          de la même façon, il serait temps de parler aussi de ce qui a entrainé en AMONT le nazisme.
          Faut il rappeler que la MALLLLL Absolu, a été financé par la bourgeoisie allemande pour contrer une situation pré revolutionnaire en Allemagne ! Je suis toujours outré quand j’entends des cinéastes ou écrivains ou dessinateurs traitant du nazisme sans jamais mettre en avant la responsabilité DIRECT de la bourgeoisie.

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        • Répondu par François Pincemi le 26 novembre 2008 à  22:55 :

          Je pense qu’il y a déjà pas mal de repentance à l’heure actuelle en France (guerre de 14-18, la seconde, la collaboration, guerre d’Algérie, l’esclavage), où la presse d’opposition a toujours existé (enfin, depuis le départ de De Gaulle) . Par contre, pourquoi ne pas évoquer en BD certains crimes de masse organisés par certains régimes communistes, en Russie-URSS ou en Asie, par exemple, mais aussi en Amérique Centrale ou à Cuba ? Après tout, Staline et Mao (dont la funeste révolution culturelle n’a rien à voir avec la distribution de BD gratuite, hélas !) figurent parmi les grands criminels de l’Histoire. Et vous qui avez choisi de vous établir à Hong-Kong, vous avez certainement la possibilité de rencontrer les descendants de ces victimes. Voilà un sujet puissant de livre-BD, rarement traité depuis le Fils de Chine de Gillon publié dans le Vaillant de l’époque du joli rêve de la dictature prolétarienne. Cordialement.

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          • Répondu par Fred Boot le 27 novembre 2008 à  01:50 :

            Le petit livre rouge fut un livre de chevet pour certains français qui mirent en place la guerre "moderne". Comme vous le voyez, M. Pincemi, ces ordures que l’on ne cite pas dans les manuels scolaires, qui sont à peine évoquées dans les livres "sérieux" sur les conflits modernes, ou que l’on invite aujourd’hui bien poliement dans les émissions de Taddeï entre deux jolies poulettes savaient s’inspirer de la tactique des méchants communistes. La Seconde Guerre Mondiale a été notamment marquante pour son entreprise méthodique de destruction d’un peuple. Elle a laissé place ensuite à un systême d’affrontement théorisé au service d’idéologies tout aussi nauséabondes. C’est un visage de la France. Ce n’est pas sa "période sombre", c’est bien pire : c’est sa part moderne la plus noire, une pierre de plus posée à l’édifice de la saloperie et de l’horreur. La repentance molle pour temporiser les frictions communautaires ne doit pas nous empêcher d’en parler sérieusement et globalement. Mais je pense que tout le monde s’en moque aujourd’hui. Parler du satanique Mao serait en effet plus vendeur. Je suis sûr qu’on va y arriver, ne vous en faîtes pas M. Pincemi. Et les Trinquier ou autres Guérin-Sérac seront oubliés.

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            • Répondu par François Pincemi le 27 novembre 2008 à  23:30 :

              Merci Monsieur Fred Boot de m’avoir permis d’approfondir mes connaissances sur les deux noms que vous avez cités (que je connaissais pas). Une rapide recherche sur wikipedia m’a permis d’en savoir plus sur ces personnages édifiants. Les deux personnages semblent issus de l’OAS, organisation en guerre contre le gouvernement français de l’époque. Et le second est plus une sorte de terroriste d’extrême-droite. Je ne suis absolument pas expert dans ce domaine, l’actualité de ce jour est suffisamment pourvue dans ce domaine, que ce soit en Irak, en Thailande ou en Inde. Mais sachez que je désapprouve de la façon la plus formelle l’usage de la torture et de la violence, ainsi que tout extrémisme. Le second nom cité me semble encore plus néfaste que le premier, dans le sens où il excelle dans la manipulation appliquée au terrorisme de masse (reprise du procédé l’incendie du Reichstag ?). Cordialement.

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              • Répondu par Fred Boot le 28 novembre 2008 à  00:40 :

                Le second est en effet insaisissable.

                Je ne mettais bien entendu pas en doute vos convictions (c’est vrai que mon message était inutilement un peu rentre-dedans)

                Cordialement

                F.

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  • Étrange de ne jamais trouver dans les critiques une remarque sur l’idéologie nauséabonde qui sous-tend cette bd, la position de Nury est plus qu’ambigüe dans ce scénario.

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    • Répondu par Avi le 25 novembre 2008 à  14:21 :

      l’idée générale, un peu comme celle qui sous tend une autre oeuvre qui plait bien aussi, "Fritz Haber", est pour moi une forme de déculpabilisation sourde vis-à-vis de la Shoah. Et puis il faut bien le dire, des dessins avec des croix gammées partout, ça plait toujours à une frange du lectorat, non ?

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      • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 25 novembre 2008 à  16:12 :

        Si vous le lisiez, vous sauriez qu’il y a précisément un travail d’explication de la Shoah dans cet ouvrage. Certes moins scolaire que d’habitude, comme je l’évoquais dans un précédent article mais avec une bonne pédagogie.

        Que le mal soit "absolu", "ordinaire" comme le constatait Arendt en 1961 ou "élémental" comme le suggérait Lévinas en 1933, il est toujours nécessaire d’en faire l’explication.

        Quant à Fritz Haber, il n’a rien à voir avec la Seconde Guerre mondiale (il est mort bien avant). Je ne vois donc pas où votre "forme de déculpabilisation sourde vis-à-vis de la Shoah" intervient.

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        • Répondu par Avi le 25 novembre 2008 à  16:42 :

          Oh,je dis ça car ça parlait d’un chercheur juif qui était peu ou prou comparé avec les nazis, parce que avec toute sa science, il pensait à un "autre pays à construire" peuplé de "nouveaux hommes"… voyez ?
          Autre aspect déplaisant de l’album ci-dessus évoqué : l’aspect de Joanovici. Rien dans son portrait de l’espèce de bonhomie qui a pu l’aider dans son parcours. ça se voit sur ses photos. Que du sombre, du lourd, des clichés BD déplaisants.

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 25 novembre 2008 à  16:23 :

      l’idéologie nauséabonde qui sous-tend cette bd, la position de Nury est plus qu’ambigüe dans ce scénario.

      Pouvez-vous nous préciser en quoi elle est ambigüe ?

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