Créé en 1969 sous le titre d’Hara Kiri Hebdo à la suite du mensuel « bête et méchant » créé par Cavanna, Bernier (le Professeur Choron) et Fred, la feuille satirique se fait d’entrée remarquer par son punch et son ton caustique. Il est de tous les combats et bien vite un bon nombre de plumes de talent le rejoignent : Topor, Reiser, Wolinski, Cabu, Gébé, Willem…
Mais à la mort du général De Gaulle, l’hebdo titre : « Bal tragique à Colombey : un mort » par allusion à une discothèque qui venait de brûler quelques jours plus tôt et dont on déplorait 148 victimes. La censure frappe aussitôt qu’Hara-Kiri contourne en créant dans la foulée « Charlie Hebdo » en référence au mensuel que le groupe de presse venait de lancer un peu plus tôt.
Les Unes-choc se succèdent et commentent l’actualité politique avec une verve caustique qui n’hésite pas à taper au-dessous de la ceinture. Le journal s’interrompt, faute de public, en 1981, mais renaît avec une nouvelle équipe en 1992 autour de Philippe Val. De nouvelles signatures émergent : Charb, Luz, Tignous, Riss…
En 2005, commence l’affaire des caricatures de Mahomet publiées par un quotidien danois et suscitant de nombreuses réactions violentes dans le monde musulman. Ces dessins sont publiés en France notamment par Charlie Hebdo qui défend la liberté de la presse avec un numéro-choc où un dessin de Cabu représente le prophète s’exclamant : « C’est dur d’être aimé par des cons » fait la couverture.
Cela vaut à Charlie un procès que l’hebdo gagne contre les officines islamistes, comme il les avait gagnés des années plus tôt contre les intégristes catholiques. On oublie que Charlie Hebdo est avant tout un journal anticlérical, se moquant de toutes les religions. Dans ActuaBD.com, Charb déclarait dix ans plus tôt : « Pour les religions et l’extrême droite, c’est feu à volonté ! ». Il n’avait pas dit contre qui… Et puis intervient l’attentat dont nous avons relaté les faits et les conséquences de façon très documentées sur ActuaBD.com.
Ce matin, la maire de Paris, Anne Hidalgo et le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, iront se recueillir là où les martyrs de Charlie Hebdo sont tombés. L’humour a-t-il changé de nature ? Oui, sans doute. Mais c’est surtout la société qui a changé, la parole publique qui se musèle. Le moindre propos choque les gens « sensibles » qui ne manquent pas de « s’indigner » à grands coups de punchlines sur les réseaux sociaux. Avant, la vulgarité était en Une de Charlie Hebdo et cela faisait rire. Aujourd’hui, entre emmerdements et kärchérisation, elle est dans la parole publique et cela provoque des protestations pincées. C’est moins drôle.
Voir en ligne : LIRE NOTRE DOSSIER : "LES ATTENTATS CONTRE CHARLIE HEBDO"
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)
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