Albums

Impressions d’Amérique - Par Pierre Druilhe - Ego comme X

Par Florian Rubis le 10 septembre 2008                      Lien  
Dans {Welcome to America} (ego comme x), sur le mode de l’autobiographie, prisé par son éditeur, Pierre Druilhe égrène ses impressions d’Amérique. Pour y dévoiler, au final, une sensible part de lui-même…

Cette visite des États-Unis offerte par Pierre Druilhe (né en 1968), transfuge des Requins marteaux, commence dans la rue, au bas des immeubles, toujours aussi impressionnants outre-Atlantique. Un jovial Afro-Américain rencontré à Philadelphie cherchant à amuser l’auteur, afin de lui soutirer les quatre-vingts cents de monnaie qui lui restent en poche. En remerciement, ce dernier s’entend adresser le « Welcome to America ! » du titre. Sa mauvaise maîtrise de l’anglais n’aidant pas, compliquée par l’accent rempli de borborygmes des « Yankees », qui les font parler « coin - coin », Pierre Druilhe aurait pu en rester à la surface des choses. Et se contenter de nous narrer sa quête du bar idéal et de son accorte serveuse, paradoxalement compliquée par les recoupements à angles droits des artères des grandes cités de l’Oncle Sam. Ou de dépeindre ses journées en partie dédiées, au détriment de la visite des musées d’art locaux, aux multiples tentations d’achats impulsifs au pays du shopping…

De quoi réviser nos clichés ?

Mais, peu à peu, au fil des pages, les préventions du Français moyen s’estompent et s’envolent avec les préjugés qui ne voudraient voir dans les Américains que des rustres incultes, forcément obèses et gavés au surplus de séries TV. Le propos de l’auteur profitant de cette liberté que confère la bande dessinée de pouvoir accumuler les références sans souci de les hiérarchiser. Celles, relatives à l’imaginaire collectif des amateurs du neuvième art, font intervenir tour à tour : l’expert du caquetage Donald Duck de Walt Disney (et de Carl Barks !), les super-héros aux costumes impayables chers à Stan Lee (et à Jack Kirby ), voire l’indispensable clin d’œil à Robert Crumb. Mélangées avec d’autres, qui donnent l’occasion de gratter le vernis de l’art de Norman Rockwell ou d’exercer notre esprit critique à l’encontre des écrits de Céline et de Bukowski, suscitant chez Pierre Druilhe des réflexions d’une profondeur remarquée dont on redemande ! D’autant qu’elles sont exprimées en ressuscitant un procédé de romancier : le monologue intérieur. Pas mal pour « Quelqu’un qui n’a pas une grande culture littéraire »…

De la hauteur

En dehors de ces considérations portant sur la peinture et les lettres, un autre aspect de son travail s’applique à lorgner vers des sommets. Son plaisant graphisme en noir et blanc s’exprime ici le mieux dans la représentation des buildings. Il contribue à faire du dessinateur un estimable émule d’un Lyonel Feininger (1871-1956). Ce réjouissant artiste cubiste et expressionniste, partagé entre l’Europe et l’Amérique, qui a puisé son inspiration dans la modernité des paysages urbains états-uniens, après avoir été un éphémère mais mémorable auteur de bandes dessinées. Pierre Druilhe, quant à lui, réussit en définitive dans Welcome to America à nous entrouvrir graduellement tout un pan de son cheminement personnel en vue de s’accomplir dans cette profession. Une vocation, comme on le sait, pas toujours facile à concrétiser…

(par Florian Rubis)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN :

CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Florian Rubis  
A LIRE AUSSI  
Albums  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD