Figure majeure de Hara-Kiri en 1960, pilier de Charlie Hebdo, collaborateur à Pilote et au Monde ou encore L’Écho des Savanes avec son ami Coluche, Reiser est décédé il y a trente ans. Créateur de personnages inoubliables (Gros Dégueulasse entre autres) et dessinateur de francs succès : On vit une époque formidable, Fous d’amour ou Les Copines, il porta sur son époque un regard lucide sur la violence et la bassesse du monde qui l’entourait.
Compilé par Jean-Marc Parisis, déjà auteur d’une biographie de Reiser publiée chez Grasset, cet album rassemble toutes les facettes du talent de l’auteur.
Ses dessins d’actualité, dont les thèmes vont de la critique sociale à la comédie sexuelle en passant par la préoccupation écologique ou la fable animale, sont enrichis par certains travaux jusqu’à présent inédits, notamment des aquarelles, le tout ponctué de témoignages de personnalités et d’amis comme Enki Bilal ou Wolinski.
Reiser aurait pu être ingénieur aéronautique, une passion que l’on (re-)découvre au fil de ses pages, mais la vie et, surtout, une enfance et un entourage familial difficile en décidèrent autrement. Au turbin dès 14 ans, il eut, pour notre plus grand bonheur, la chance de rencontrer François Cavanna quatre ans plus tard. Après quelques dessins échangés, ce dernier lui donna un coup de pouce en l’intégrant à l’équipe du professeur Choron lors du lancement de Hara Kiri.
Aux côtés de Fred et consorts, il développera son art et illustra tout au long de sa trop courte carrière les pages de journaux qui ont malheureusement quitté les rangs depuis.
Avec son regard qui se faufile dans les plis de l’intime tout en ne perdant jamais de vue le global, à la fois désabusé et joyeux, torturé et cynique, il fustige simplement et efficacement tous les affres de notre société en collant au plus près la vie des gens ordinaires.
Cette économie du trait, en réalité une fausse simplicité, donne une puissance à sa production. Libertaire, anticlérical, féministe, il s’élevait contre les diverses formes d’injustice. Ni réellement caricaturiste, ni portraitiste d’un genre humain naufragé, il sut garder jusqu’à aujourd’hui une actualité cruelle et impitoyable.
Parfois affectueux, il imposa dans toute sa modernité ce dessin d’humour plein de mauvais goût assumé qui fit la marque de fabrique des succès des années 1970. En parcourant ces pages, on est souvent pris d’une envie de rire, mais la contemporanéité de ses planches visionnaires fait aussi frissonner.
De l’underground radical symbolisé par Hara Kiri à la fenêtre sur rue de Pilote, Reiser a collaboré avec les plus grands : (Fred, Gotlib, Mandryka, Siné,... et c’est ses vingt ans de carrière que l’on retrouve ici, l’occasion de se remémorer certains de ces moments qui font dorénavant partie de l’histoire de la BD.
Un hommage complet en forme de beau livre de plus de 300 pages où aquarelles, photos, textes biographiques et témoignages rythment les apparitions de planches qui feront le bonheur des collectionneurs et la joie des néophytes.
(par Vincent GAUTHIER)
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