Il est tueur professionnel. Il a l’habitude de trucider sur commande. N’importe qui. Sans poser de questions. Homme, femme, vieux, jeune, proche du client, inconnu...Rien ne l’arrête et le travail est fait, sans bavure. Mais un jour, on lui demande d’assassiner Adolf Hitler. Et du même coup, d’utiliser une machine à voyager dans le temps qui va le projeter en 1938, dans le salon du Fürher en devenir. Le voilà derrière le monstre. Il a le doigt sur la gachette mais...
Curieux objet que cet album de Jason. Totalement décalé, presque aérien dans son alignement de cases de même taille. Cette organisation tend à niveler l’ensemble du récit, à constamment figer la narration. Les actions, les émotions des personnages passent par un filtre apaisant. Jason a du style, et il ne ressemble à aucun autre.
Pour autant, son histoire demande beaucoup d’attention. À partir du moment où le tueur débarque dans les années 30, un certain nombre d’allers-retours se produit. On suit alors deux fils conducteurs : d’un côté "qu’est devenu Hitler, est-il mort ou pas ? S’il vit, où et comment ?" De l’autre, la relation sentimentale compliquée vécue par le héros, sachant que sa compagne va elle-même tester le voyage temporel.
Et c’est là que J’ai tué Adolf Hitler devient palpitant : décidé à accomplir sa mission jusqu’au bout, le tueur doit retrouver le chef nazi 50 ans plus tard, obliger de rejoindre par la même occasion un monde où il est devenu un vieillard. Le final, avec encore un saut dans le temps, conclut magistralement cette chasse à l’homme par machine temporelle interposée. Le tueur reçoit une aide providentielle, inespérée, geste magnifique de fidélité et de sens de l’engagement.
Cet album est une formidable petite histoire. Jason a réussi un polar décalé et humaniste qui pourra réconcilier amateurs de SF, de BD indépendante et de curiosités stylistiques.
(par David TAUGIS)
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