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JD Morvan fait des "Ravage" !

Par Charles-Louis Detournay le 26 avril 2021                      Lien  
Après quelques années d'attente, JD Morvan et Rey Macutay concluent en apothéose leur adaptation haute en couleurs et en sentiment du best-seller de Barjavel, "Ravage", chez Glénat. L'occasion de revenir en détail sur la vision du scénariste, de ce roman culte et son caractère intemporel.

Avec La Nuit des temps, Ravage reste sans doute l’un des romans de René Barjavel les plus connus du grand public, d’ailleurs souvent encore étudié par les collégiens. Sans doute car les thématiques abordées sont toujours d’actualité, même si le romancier l’avait écrit en 1942.

« Je pense qu’une bonne histoire sera toujours d’actualité, nous explique JD Morvan qui en signe l’adaptation en trois volumes. J’ai toujours aimé "Ravage", depuis que je l’ai lu. Je trouve que peu de récits post-apocalyptiques y ajoutent grand-chose ; c’est une matrice. Mais j’avoue que ces derniers temps, l’électricité est devenu un enjeu écolo, qui plébiscitent maintenant les centrales nucléaires. Quel changement ! Mais c’est normal, impossible de promouvoir des idées écolos sur smartphone ou faire de la trottinette qui roule toute seule en ville sans électricité. Et comme le nucléaire n’émet pas de C02, c’est la panacée. Il ne faut pas être allé à Fukushima comme moi, et avoir vécu (deux semaines seulement) avec les gens qui restent dans la région, pour se persuader que le nucléaire, c’est écolo. Bref, oui, l’électrique trouve un nouvel essor, et rend "Ravage" encore plus actuel. »

JD Morvan fait des "Ravage" !
Le récit commence avec un affrontement en 2152...

Car pour ceux qui ne l’auraient pas lu, Ravage présente une société futuriste en 2052, où l’électricité s’arrête d’un coup, plongeant Paris et le reste de la France, puis du monde, dans le chaos. Les deux personnages que nous suivons sont François et Blanche. Jeune homme décidé qui n’aime pas que sa vie soit dictée par la technologie, François sort major de sa promotion à l’école supérieure. Mais voilà, le producteur qui vient de signer le contrat de la chanteuse et fiancée de François, Blanche, est bien décidé à garder la belle pour lui, tant pour l’argent que pour la coucher dans son lit. Deux coups de fil plus tard, le brillant étudiant destiné à un grand avenir est rejeté de son école. Juste au moment où la catastrophe subvient, où l’humanité perd les pédales, brusquement privée de cette technologie qui les rendait si esclaves...

Dès les premières pages, on est directement hypnotisé par la version pugnace et violente que livre Morvan et Macutay. En 2152, les hommes sont retournées à l’âge de bronze, et ils s’affrontent pour des questions de pouvoir et de possession d’une technologie survivante.

Une introduction qui doit beaucoup, comme le reste du livre, à la relecture apportée par JD Morvan. Tout en respectant les grandes lignes du roman, il ose en souligner quelques éléments et en adapter d’autres. Des choix qui ravivent si besoin la contemporanéité des propos, et insistent surtout sur la psychologie des deux personnages principaux.

« Je crois que j’ai utilisé ce qu’il y a dans le roman, en le tirant vers moi, analyse le scénariste. Certains portent une image d’Épinal de "Ravage", pensant que c’est un retour à la nature, une idéologie « Pétainiste ». Moi je ne le vois pas comme ça, car je ne pense pas que François soit un héros positif. et donc, pas un exemple à suivre. Pour moi cette histoire raconte la manière par laquelle, dans un contexte particulier, quelqu’un d’inadapté au monde dans lequel il vivait peut devenir un dictateur. Au début, on est de son côté, et puis au fur et à mesure, on voit bien qu’il devient terrible. Et puis, il y a Blanche. Au début, je montre la difficulté d’un choix de femme : s’émanciper avec un type qu’elle n’aime pas ou s’enfermer dans l’amour de François. Les évènements ne vont pas lui laisser le choix… et c’est la raison pour laquelle il m’a semblé important de revenir sur elle dans la dernière séquence. Elle donne un autre point de vue sur tout le récit. »

JD Morvan
Photo : DR.

Tout l’art du scénariste est d’avoir glissé des éléments qui se marient bien avec le récit originel de Barjavel. En plaçant la totalité du récit en flashback du conflit se déroulant en 2152, le lecteur comprend qu’il ne doit pas craindre pour la vie du personnage principal, François, mais plutôt se demander comment il est devenu cet Imperator autocratique et presque surhumain. Sans oublier la superbe conclusion du récit qui apporte une vision très actuelle du couple et des travers de l’amour, (mais aussi sur la question du transhumanisme qui traverse tout le troisième tome).

« Barjavel ne dit pas le mot transhumanisme, nous précise JD Morgan, Mais il parle de ça avec les mots de son époque. J’ai ajouté les seringues qu’ils emportent, pour creuser les paradoxes de François : Chef de guerre pour la paix, écolo qui utilise la science qu’il refuse aux autres, pour survivre. Quand est ce que tout devient acceptable au nom d’une idéologie ? Enfin, le discours de Blanche à la fin de trilogie est purement de mon cru : il n’est pas très différent de ce que pouvait dire Nävis dès les premiers "Sillage" ou même Kalash dans "Nomad", il y a quelques années. »

Si une grande part du rythme du récit est porté par le découpage du scénariste, le dessin de Rey Macutay ne cesse d’impressionner d’un bout à l’autre de la trilogie. D’une puissance barbare, il parvient à dégager ce sentiment de confort technologique éternel dans un Paris d’avant la catastrophe. Même dans les double-pages de ce troisième tome, novatrices dans leurs présentations, on reste ébahis, tant dans la justesse des personnages, que dans le traitement de l’action. Un constat qui s’applique naturellement aux couleurs de Walter qui s’est beaucoup investi dans la série !

« J’ai eu la chance de trouver Rey sur Facebook, se souvient JD Morvan. Vu son talent immense, j’étais sûr qu’il était pris par tous les éditeurs mais non. Alors on a commencé par faire "Jaurès", où il a fait des pages incroyables, comme s‘il avait vécu lui même dans la France du début du XXe. Puis on est passé sur "Ravage", sur lequel des dessinateurs s’étaient succédés sans que le projet aboutisse. Il y a aussi Walter, qui a fait un boulot de couleur monstre aussi. Ces deux là, c’est de la bombe atomique ! »

Après deux tomes parus respectivement en 2016 et 2017, au terme desquels Rey Macutay s’est installé en France, il a donc fallu attendre quatre années pour découvrir cette conclusion qui comble toutes nos attentes. « Rey a dû rentrer dans son pays, nous explique JD Morvan. Or les conditions de vie avec le Covid aux Philippines, ont complexifié sa tâche. Même pour, trouver du papier, c’est dire. Bref, ce délai a été dicté par la vraie vie... »

Propos recueillis par Charles-Louis Detournay.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782344000625

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