Car dès le deuxième épisode d’Alix, Le Sphinx d’or, le créateur de Tintin ne peut réprimer son admiration. L’histoire est tellement bien racontée et dessinée avec une telle fidélité aux canons hergéens qu’Hergé, qui profitait déjà de la qualité de sa documentation et de son goût pour la mécanique en lui demandant des conseils, recrute ce jeune homme fier et ambitieux pour en faire un pilier de son studio. Dans la foulée, il engage aussi les assistants -déjà !- du précoce entrepreneur graphique, à savoir : Roger Leloup et Michel Desmarets. Lui, Martin, y restera 19 ans ! L’« incivique » et l’ancien S.T.O. s’entendront à merveille !
Martin travaille sur la refonte en couleurs des albums Tintin d’avant-guerre (Les Cigares du Pharaon, etc.), pour la collection Voir & Savoir ou pour des albums comme L’Affaire Tournesol par exemple. C’est un collaborateur très apprécié par Hergé parce qu’il sait raconter des histoires.
Des séries personnelles
Mais ce n’est pas un esclave servile ramant sur le trirème du maître de la Ligne claire, tellement content de se reposer sur son équipe qu’il peut se payer le luxe d’une dépression et d’un changement de vie amoureuse, délaissant le studio et le Journal Tintin de longues semaines durant.
Développant deux séries en parallèle, parmi les plus grands classiques de la BD franco-belge, Alix, un jeune Gaulois ami de Jules César, des aventures dans lesquelles toute une génération apprit les rudiments de l’antiquité quelque dix ans avant Astérix, puis, en 1953, la série Lefranc, une espèce de concurrent à Blake & Mortimer qui arrache quelques rugissements à un Jacobs empêtré dans son perfectionnisme, dont l’opportuniste éditeur des éditions du Lombard, Raymond Leblanc, a décidé de compenser les absences par ce talentueux stakhanoviste qui a derrière lui les meilleurs assistants et les meilleurs coloristes du moment, ceux du Studio Hergé !
Une biographie définitive
La suite, on la connaît et on la découvre dans les détails dans cette imposante brique qu’est Jacques Martin - Le Voyageur du temps de Patrick Gaumer, un beau livre paru chez Casterman qui est la biographie définitive de celui qui, né en Alsace, mort en Suisse et inhumé dans le Brabant wallon, incarne le mieux le vocable « franco-belge ».
Patrick Gaumer -dont la discrétion ne doit pas faire oublier qu’il est un des meilleurs biographes de la bande dessinée (Rosinski, bientôt William Vance) et un encyclopédiste minutieux. Il est l’auteur du Larousse de la BD et applique ici sa méthode habituelle : un travail sur les archives familiales et sur toutes les publications de l’auteur ; une restitution, hyper-précise, fiable et vérifiée de chacun des faits, appuyée sur un incroyable appareil iconographique.
C’est une petite merveille ! Enfin, petite, l’album fait 420 pages, c’est la Rolls des cadeaux pour un bédéphile !
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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