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Jacques Pels (expert BD pour Catawiki) : « Je suis tombé très tôt dans la marmite de la bande dessinée. »

Par le 1er décembre 2020                      Lien  
Comment devient-on expert pour Catawiki ? Qu'est-ce qui différencie un bon connaisseur d'un spécialiste capable d'expertiser des pièces d'exception ? C'est pour répondre à ces questions que nous sommes partis à la rencontre de Jacques Pels, le grand expert belge en bande dessinée auprès de Catawiki.
UN PUBLIRÉDACTIONNEL DE Jacques Pels (expert BD pour Catawiki) : « Je suis tombé très tôt dans la marmite de la bande dessinée. »

Pour mieux vous présenter au lecteur, pourriez-vous tout d’abord nous indiquer comment la bande dessinée est entrée dans votre vie ? Quel est l’album qui vous a le plus marqué ?

J’ai été gâté dans mon enfance, car ma famille était abonnée aux hebdomadaires Ohee, Donald Duck, Kuifje et Robbedoes dès mes 7 ans, grâce à mon père qui appréciait beaucoup la bande dessinée. Tous les mardis, tout cela arrivait donc directement à la maison, j’ai donc vraiment pu apprécier les différents styles de l’époque.

D’entre tous, Le Nid des Marsupilamis de Spirou et Fantasio par Franquin m’a véritablement marqué. Son graphisme était impressionnant, comme s’il s’agissait d’un Walt Disney avec une touche franco-belge si particulière. Je ne pense d’ailleurs pas que les Américains auraient pu égaler son niveau. Dans les années 1990, j’ai eu la chance de rencontrer un des dessinateurs qui avaient travaillé sur le dessin animé des Tifous de Franquin. Il m’a d’ailleurs peint dans mon jardin une fresque géante montrant le Marsu qui coupe un arbre en deux, comme sur la couverture du recueil 60 du Journal Spirou, mais à laquelle il avait ajouté Tintin et Milou comme ils sont représentés dans Les Cigares du pharaon

Jacques Pels devant la peinture murale ornant son jardin

Quand avez-vous commencé à collectionner ?

Assez tôt, car j’ai très vite compris que les premières éditions valaient plus que les albums courants. Lorsque ma famille a déménagé de Blankenberge à Gand pour mes 12 ans, j’ai découvert les magasins pour collectionneurs, surtout celui tenu par Jan Bucquoy en 1973-74. Passant tous les jours devant sa vitrine, j’y admirais les albums carrés de Spirou et les autres raretés qui s’y trouvaient : je trouvais cela très impressionnant.

En 1979, je fréquentais assidument plusieurs magasins de BD d’occasion. J’ai d’ailleurs été le tout premier client du magasin « De 9e Kunst » tenu par Danny de Wilde  : il était seul à effectuer les finitions avant son ouverture, et je l’ai aidé à tout mettre en place. C’est en l’aidant à ouvrir son magasin que nous sommes devenus amis. Je tenais moi-même le magasin pendant ses congés alors que j’avais à peine 20 ans, et j’avais carte blanche pour acheter de nouvelles pièces. Je suis donc tombé très tôt dans la marmite de la bande dessinée.

1995, alors qu’il travaille comme responsable commercial pour les Editions Standard, Jacques Pels est photographié par les journalistes en plein montage du stand à la "Boekenbeurs", le salon du livre flamand.

Vous avons bien connu le milieu commercial lié à la bande dessinée ?

Pas seulement l’aspect commercial, la partie artistique également. En 1987, une grande exposition autour de la BD s’est tenue à Gand. Tous les grands auteurs étaient présents pour exposer leurs planches. En amont de cette grande célébration, j’ai travaillé un an sur le script et la réalisation d’un reportage autour de la BD européenne et mondiale : de la tapisserie de Bayeux jusqu’à aujourd’hui, ce qui nécessitait de nombreuses recherches. Ce reportage audiovisuel était diffusé en boucle dans le musée.

Comment êtes-vous passé du stade de passionné à celui de professionnel ?

L’un des projets montés par Jacques Pels pour les Éditions Standard : cette plaque réalisée pour le 60e anniversaire de Bob & Bobette

J’ai eu la chance de travailler pour les éditions Spectrum, qui cherchait un représentant pour le marché de la bande dessinée entre professionnels (B2B). Puis, ils ont fusionné avec les Éditions Standard, qui ont d’ailleurs conclu des contrats avec quasiment tous les éditeurs qui travaillaient en Belgique et aux Pays-Bas, tous sauf Casterman, Het Volk et quelques petits maisons complémentaires. J’ai donc intégré ce poids lourd de l’édition et de la distribution : nous diffusions ainsi presque tous les albums en néerlandais.

Pendant vingt ans, j’ai travaillé avec les grossistes, les acheteurs de grandes surfaces, les magasins de BD, les éditeurs francophones : Dargaud, Le Lombard, Marsu Productions, Éditions Blake et Mortimer, Magic Strip, Rijperman, Lucky Productions, P&T Productions), etc.

Pendant sept ans, j’ai même pris le rôle de coéditeur pour toutes les éditons de luxe, ainsi que quantité de gadgets et de goodies qui accompagnaient la vente des albums chez les éditons Standaard : du diplôme de Lambique à son fameux nœud papillon, etc.

Vous occupiez-vous uniquement des albums néerlandophones ? Ou également des albums francophones ?

Des deux ! Je me suis par exemple rendu à Angoulême pour choisir les titres que l’on pouvait traduire en néerlandais, comme par exemple la série Section financière scénarisée par l’avocat Richard Malka. À côté de mes activités professionnelles, j’ai aussi écumé les brocantes dans un rayon de 800 km autour de chez moi, comme acheteur, mais aussi comme vendeur.

Ma connaissance de la bande dessinée ne se limitait pas à la vente ! En 1993, lorsque le jury du festival de Courtrai dont je faisais partie, a remis son Grand Prix à Dufaux & J. -F. Charles pour Fox, les organisateurs sont venus me chercher dans la brocante afin que j’écrive au pied levé le discours de la cérémonie qui se tenait deux heures plus tard, car le journaliste qui devait s’en occuper ne savait pas venir. Quelques années auparavant, j’avais déjà donné des interviews au supplément économique d’un des principaux journaux en Flandres sur la thématique de « Comment investir dans la bande dessinée ? »

Jacques Pels dans les années 1980 : un cliché pris à l’occasion d’une interview pour un journal financier. Dans ses mains, une rare édition de La Marque Jaune publiée par Paul Rijperman en Hollande.

Comment avez-vous découvert Catawiki ?

Après vingt ans auprès des Éditions Standard, j’ai travaillé un an chez Lagardère, qui s’occupait la distribution presse dans toute la Belgique. Puis, on m’a demandé de coordonner la réalisation d’un hommage pour Jef Nys, le dessinateur de Gil et Jo, afin que le produit de cette vente soit reversé auprès du fonds contre le cancer. J’ai alors réalisé la maquette du livre et nous avons contacté soixante dessinateurs, pour lesquels j’ai écrit toutes les bibliographies et biographies. Après le succès de ce premier projet, j’ai encore réalisé plusieurs ouvrages de ce type...

C’est alors que j’ai été en contact avec un recruteur qui travaillait pour Catawiki : ils cherchaient un responsable commercial, un poste que j’avais longtemps occupé, et pour lequel j’étais certain que j’étais, grâce à mon expérience, la personne idéale pour cette fonction. Le recruteur a non seulement confirmé mon sentiment, mais à grand étonnement, il a préféré voir en moi plus un expert qu’un commercial. Il m’a alors conseillé de rencontrer René Schoenmakers, le grand patron de Catawiki, ce que je suis parvenu à concrétiser l’occasion à un festival. À l’époque, j’ignorais d’ailleurs qu’il était si difficile à rencontrer… et si compliqué à convaincre ! Nous avons pourtant rapidement trouvé une position commune, et la semaine suivante, j’avais un rendez-vous avec Patrick Vranken], que je connaissais depuis longtemps, entre autres grâce à la Bourse des Collectionneurs à Woluwe-Saint-Lambert (Bruxelles), un lieu incontournable en Belgique où nous nous retrouvions régulièrement. Patrick m’a donc expliqué son point de vue concernant Catawiki et les développements à réaliser dans le futur. Il était parfaitement aligné sur ma vision et mes attentes. J’ai donc intégré Catawiki en 2013, pour l’assister.

"Dans les années 1980, je suis parti à la Grande Braderie de Lille avec l’espoir de trouver un original de Calvo... sans savoir qu’ils étaient si rare !"
"J’ai pourtant eu de la chance en trouvant cet autoportrait qu’il a réalisé de lui en cycliste. C’est certainement la première fois que ce dessin est montré sur Internet"

Pourquoi avoir choisi de travailler avec Catawiki ?

J’avais déjà collaboré avec eux en tant que vendeur. Je m’étais donc déjà forgé ma propre opinion concernant la société. Ayant été commercial pendant 25 ans, j’ai toujours eu le feeling pour identifier ce qui allait percer, et ce qui ne fonctionnerait pas si bien. Et dès mes premiers contacts avec eux, j’ai perçu immédiatement tout le potentiel de Catawiki, même si je n’aurais jamais cru que cela grandirait aussi vite. J’ai tout de suite su que la société pourrait accueillir la passion qui m’anime. Je préfère travailler soixante heures dans un milieu qui me galvanise que trente heures dans un cadre qui ne m’enthousiasme pas.

Quelles ont été vos responsabilités au sein Catawiki ?

Je me suis d’abord occupé des ventes hebdomadaires liées à la bande dessinée française. Ce qui nécessitait de jongler avec les langues également, car tous les lots étaient encodés en français et en néerlandais. Je dois avouer que je ne comptais pas mes heures, car je connaissais ma chance de pouvoir travailler dans le monde de la bande dessinée où il y a peu de places. Je me rappelle d’ailleurs toujours la réaction de ma mère qui venait me réveiller lorsque j’étais étudiant et qui remarquait toutes mes bandes dessinées qui emplissaient ma chambre : « Tu ne crois pas tout de même pas que tu vas gagner ta vie avec la BD ? » m’assénait-elle. Et pourtant, je l’ai toujours fait !

L’expert de Catawiki chez lui devant une affiche signée par l’auteur liégeois Albert Fromenteau

Vous êtes donc un fin connaisseur des albums pour les avoir étudiés, collectionnés et vendus depuis une quarantaine d’années. En quel autre domaine vous distinguez-vous ?

Je pense qu’on peut dire que je suis un spécialiste du para-BD que je collectionne depuis les années 1970. J’ai donc eu l’opportunité d’acheter de nombreuses pièces lorsque les gens ne s’y intéressaient pas encore beaucoup. L’engouement est arrivé à partir des années 1990. Par exemple, les premières statuettes de « La Maison Rose » qui allait devenir Leblon-Delienne dans le futur se vendaient très lentement dans les années 1980, comme c’est toujours le cas avec de nouveaux produits.

Pour ma part, je me suis spécialisé dans le para-BD situé entre 1880 et 1970, plus particulièrement dans le franco-belge, ce qui provient d’Angleterre, d’Allemagne et d’Italie, ainsi que des États-Unis, avant et pendant la Seconde Guerre mondiale.

Voilà qui est pointu ! Auriez-vous quelques exemples à donner pour éclairer nos lecteurs ?

Je détiens beaucoup de faïences de Zig et Puce, de Bécassine, ainsi que Max und Moritz la bande dessinée la plus connue en Allemagne et réalisée par Wilhelm Busch. Si je regarde autour de moi dans mon bureau, je vois ici une affiche de Jijé réalisée en 1945 pour un théâtre, une grande affiche de 2m sur 60 cm réalisée par la compagnie aérienne australienne Qantas avec tous les personnages de Vol 714 pour Sidney, une grande fusée Tintin Aroutcheff, un grand dessin de Franquin colorié par Jacques Devos en guise de prototype de Génial Olivier, la couverture originale de Vica au pôle nord réalisée en 1935, etc.

Je crois que tous les collectionneurs avertis en Belgique, France et ailleurs me connaissent. J’allais jusque Lyon pour chiner. J’ai aussi trouvé beaucoup de pièces au tout début d’Internet, lorsqu’il n’y avait peu de photos, et qu’il fallait décoder les objets mis en vente dans des descriptions aléatoires. Pendant quatre années, c’était la caverne Ali-Baba car tout ce qui était invisible auparavant arrivait d’un coup sur la toile.

Jacques Pels dans son bureau, devant l’affiche pour Qantas, près de la fusée Aroutcheff et "Vica au pôle nord"
[Lire la précédente interview de Jacques Pels)>art26727]

Catawiki a pas mal évolué ces dernières années. À quoi est due cette progression selon vous ?

Bien sûr, ils sont arrivés au bon moment, mais ils ont surtout eu l’intelligence de chercher des collaborateurs qui étaient experts dans de vrais domaines porteurs. Réussir à réunir des spécialistes aussi expérimentés, voilà le véritable secret de Catawiki pour moi. Sans oublier les qualités d’entrepreneurs de René Schoenmakers et son associé Marco Jansen qui ont réussi à récolter quinze millions d’euros au moment où la société avait besoin de grandir, ce qui a d’ailleurs créé un grand changement.

Lorsqu’on est entourés par une équipe de professionnels, on peut toujours aller plus haut. C’est que j’ai ressenti en voyant l’investissement de Patrick Vranken. Cela signifiait que Catawiki promettait un grand futur et que nous n’étions qu’au début d’un grand voyage spectaculaire. Certes, en 2013, les marchands nous regardaient bizarrement, mais depuis tout le monde a commencé à travailler avec nous et nous avons tissé des liens forts avec tous les professionnels du marché. Je dois avouer que c’est un sentiment exaltant que d’évoluer d’une considération un peu ambiguë à une situation si positive !

Votre propre rôle a-t-il aussi évolué ?

Oui, en résonance avec la progression de Catawiki. Nous recevions progressivement de plus en plus de lots. René Schoenmakers nous a alors demandé de dédoubler nos ventes hebdomadaires pour pouvoir évoluer. Nous avons ainsi imaginé proposer des ventes avec des thématiques spécifiques, telles que les ventes dédiées spécifiquement à Hergé, suivies les premières ventes « Prestige », puis les ventes Para-BD, un domaine que je connais bien, etc. Aujourd’hui, je m’occupe surtout des ventes spéciales, mais mes collègues des ventes hebdomadaires viennent aussi me consulter si besoin. Je dois avouer que j’ai aussi beaucoup appris en organisant ces ventes sur Internet. Notamment sur les sérigraphies et les Pixi. C’est plus facile d’apprendre quand on s’intéresse et que l’on est passionné par un sujet.

Une petite partie de la collection Para-BD de l’expert...

Pensez-vous connaître et comprendre les attentes des collectionneurs, car vous êtes vous-mêmes un passionné ?

Quand on collectionne, on doit posséder un budget consacré à l’achat. J’étais donc tout le temps en contact avec les collectionneurs, ce qui m’a permis de connaître et de suivre les évolutions du marché depuis plusieurs dizaines d’années.

J’imagine que votre rôle d’expert nécessite aussi de pouvoir anticiper les attentes du marché. Comment pensez-vous que celui-ci va évoluer dans le futur ?

Une génération de collectionneurs est en train de disparaître. Or, les grands collectionneurs recherchent des pièces qui viennent de leur enfance, voire de l’époque de leurs parents. Ainsi observe-t-on que les pièces d’avant-guerre et surtout celles antérieures à 1930, ce que l’on appelle « Antique from yesterday », sont actuellement moins collectionnées. En revanche, ce sont plutôt les nouvelles pièces qui attirent maintenant les collectionneurs. Il y a beaucoup plus de courants actuellement, liés à la bande dessinée, aux mangas, aux animés, etc.

Jusque dans les années 1980, on pouvait collectionner tout ce qui touchait à la bande dessinée. À l’époque, chaque libraire disposait de son ou ses clients qui achetaient toutes les nouveautés, mais ce n’est plus possible actuellement. Il faut donc en tenir compte dans l’évolution du marché et cette multiplication de courants que j’évoquais. Enfin, il faut penser aux acheteurs qui ne lisent pas de bande dessinée et qui apprécient l’idée de posséder une planche pour sa valeur décorative, pour l’impact graphique qu’elle aura dans leur intérieur.

... qui se prolonge dans d’autres pièces emplies d’albums et de magazines.

Comment analysez-vous cette forte évolution récente du marché ?

J’ai connu l’époque où une couverture de Tintin mise en couleur à la gouache ne valait pas 25.000 €. Aujourd’hui, vous pouvez multiplier cette cote au minimum par quarante. Cette progression est majoritairement due aux galeries de haut de gamme et aux maisons de vente aux enchères qui ont attiré un autre public possédant plus de moyens. Le marché a alors explosé. Mais il faut noter que les gens achètent avec un goût assez sûr : en effet, les planches de premiers choix ne circulent pas beaucoup, elles restent dans les collections privées pendant vingt-trente ans avant de revenir sur le marché. Heureusement, grâce à Internet, on peut trouver beaucoup d’informations sur ce que l’on recherche.

Quelles sont vos attentes pour le futur ? Y a-t-il des pièces que vous voudriez absolument proposer ?

C’est triste à dire, mais grâce à la Covid, Catawiki a fait un bond en avant de plusieurs années. Il y a tellement de pièces hors normes qui viennent à nous pour l’instant, que l’on n’est pas trop de dix pour tout bien vérifier. Nous continuons malgré tout à rester très vigilants, surtout pour les pièces de qualité, car à chaque vente, c’est la renommée de Catawiki que l’on met en jeu pour les expertiser. Il est également passionnant d’aller chez une personne qui vend toute une immense collection et d’y trouver des pièces exceptionnelles. Nous sommes alors heureux d’imaginer quelles ventes spéciales nous allons mettre en place pour valoriser tous ces trésors.

Jacques Pels devant une partie de sa collection d’objets Para-BD
UN PUBLIRÉDACTIONNEL DE JPEG

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