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Jaime Martin :"Durant la jeunesse de mes parents, la dictature était partout."

Par Christian MISSIA DIO le 11 octobre 2013                      Lien  
Dans "Les Guerres silencieuses", Jaime Martin nous raconte le service militaire de son père, effectué au Maroc, à l'époque de la guerre d'Ifni. À travers la jeunesse de ses parents sous le franquisme et celle de sa propre génération dans l'Espagne d'aujourd'hui, l'auteur de "Toute la poussière du chemin" nous plonge au cœur des relations entre générations.
Jaime Martin :"Durant la jeunesse de mes parents, la dictature était partout."
Les Guerres silencieuses
Jaime Martin (c) Air Libre/Dupuis

Le processus de création de cette histoire s’est-il produit tel que vous le racontez dans cet album ?

Jaime Martin : Oui, cela s’est plus ou moins déroulé comme je l’ai expliqué. Depuis toujours, mon père nous racontait son service militaire en Afrique du Nord. Un jour, lors d’une de nos réunions familiales, mes frères et moi nous sommes mis à l’interpeler en lui disant qu’il faudrait raconter son histoire dans une BD. Je me suis alors mis au travail, un peu aussi pour qu’il cesse de raconter ses souvenirs de l’armée (rires).

Généralement, j’ai l’habitude de prendre des notes pour mes histoires lorsque je suis avec ma famille, ou lorsque je passe du temps avec mes amis. Mais c’est vrai qu’au début de ce projet sur les souvenirs de mon père, j’étais en panne d’inspiration.

Les Guerres silencieuses m’ont donné l’impression d’un récit initiatique. Votre album est surtout focalisé sur la jeunesse de vos parents, au point que le contexte historique lié au conflit entre l’Espagne et le Maroc pour le Sahara semble passer au second plan. Finalement, vous auriez pu donner un autre titre à cette histoire. Pourquoi ce choix ?

C’est vrai, Les Guerres silencieuses est une histoire d’amitié entre des jeunes et une histoire d’amour entre deux personnes ayant grandi dans le même quartier. Mais le contexte historique a quand même son importance. C’est une époque où le service militaire était obligatoire. Notre père nous racontait souvent que cette expérience fut extraordinaire pour lui. Pourtant, lorsque je suis tombé sur son journal, il y disait tout le contraire ! Il y décrit un enfer : ses camarades et lui étaient toujours affamés, il se plaignait des mauvais traitements, le fait que ses supérieurs étaient souvent mauvais avec eux, etc.

Quelques extraits des Guerres silencieuses
Jaimer Martin (c) Air Libre/Dupuis

Mais il nous racontait tout cela comme si c’était des aventures de jeunesse. Un autre aspect m’a fait opter pour ce titre, c’est la manière dont le passage à l’âge adulte se déroulait pour les jeunes de cette époque. Après le service militaire qui arrivait vers 17-18 ans, les jeunes se mariaient tout de suite après et se retrouvaient en ménage avec des enfants. Il fallait alors rapidement trouver un boulot pour subvenir aux besoins de la jeune famille. Ils n’ont pas vécu d’adolescence et une vie de jeune adulte comme nous. C’est pour toutes ces raisons que j’ai opté pour ce titre.

Certains hommes ayant fait le service militaire jugent cette expérience positive et formatrice. Et vous, qu’en pensez-vous ? Pensez-vous que la suppression du service militaire ait été une erreur ?

Je ne partage pas cet avis. Pour moi, le service militaire était une bêtise ! J’ai eu d’autres feedbacks : certains ont passé leur temps à picoler, d’autres ont fait des tâches ingrates. J’ai l’impression que l’on n’apprend pas grand chose durant cette période. Et puis, je pense que c’est à la famille et à l’école de donner des valeurs aux jeunes, de leur donner des objectifs dans la vie.

La parole est assez libre dans votre BD. Les personnages parlent facilement de sexualité avec leurs propres parents, qui n’hésitent pas à raconter des anecdotes...

Vous savez, même pour moi, certaines discussions sur le sexe entre les parents et leurs enfants m’ont paru choquantes mais ce sont des anecdotes véridiques. Avant, en Espagne, du temps de mes parents et de mes grands-parents, le dialogue était beaucoup moins ouvert. Mais aujourd’hui, les choses ont changé.

C’est une histoire assez simple finalement. Il n’y a pas de grand malheur, pas de secret de famille douloureux. C’est juste l’histoire d’un adolescent qui apprend à devenir un homme. Qu’est ce que vous vouliez exorciser avec cet album ?

Je voulais simplement comparer les modes de vie d’une génération à l’autre, la vie de mes grands parents, celle de mes parents et la mienne, un homme vivant en 2013. À travers mes parents, je voulais montrer comment vivre sous une dictature a pu influencer la vie des jeunes à cette époque là. La dictature était partout, à la caserne comme dans la vie des civils.

En tant qu’auteur, j’aime raconter des tranches de vie de gens ordinaires. Les histoires bourrées d’action ou de super-héros ne m’intéressent pas.

Il y a un truc marrant chez moi. D’habitude, j’aime écrire les histoires de personnages jeunes en rupture avec la société. C’est ce genre d’histoire que je faisais lorsque j’étais auteur amateur mais aujourd’hui, mes personnages centraux sont souvent plus âgés.

C’est votre troisième livre dans la collection Air Libre des éditions Dupuis. Votre projet a-t-il été immédiatement accepté par votre éditeur ?

Les choses se sont déroulées assez facilement. Il n’y a eu aucun problème. J’ai pu travailler à l’aise, j’ai pris mon temps pour faire cette BD qui m’a pris trois ans. C’est pour cela que je me sens bien chez mon éditeur. On me fait confiance.

Quels sont vos références artistiques ?

Lorsque j’ai débuté la bande dessinée, j’ai été fort impressionné par les livres de Carlos Gimenez et Jordi Bernet. J’ai appris à encrer mes planches en regardant les travaux d’Alex Toth et Milton Caniff. Et puis, lorsque j’étais lycéen je suis tombé sur l’œuvre de Moebius. Mais aujourd’hui, je ne lis presque plus de BD car je n’ai plus le temps.

(par Christian MISSIA DIO)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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