Cinq titres, s’inscrivant chacun dans des registres très divers. Et dont les cinq éditeurs se retrouveront pour présenter et défendre leur poulain lors d’une table ronde, le dimanche 7 juillet 2019 de 16h à 17h, sur la scène Kuri. C’est lors de cet événement que sera annoncé le résultat des votes des membres de l’ACBD et que le prix sera remis au lauréat qui succédera ainsi à Sous un ciel nouveau au palmarès.
Rappelons quelques principes présidant à cette sélection, et tout d’abord que le Prix Asie de la Critique ACBD récompense chaque année un titre paru entre deux éditions de Japan Expo – soit de juillet d’une année à juin de la suivante.
Cette sélection se concentre sur les nouveautés, en mettant de côté les séries ayant débuté quelques années auparavant ou ayant dépassé un trop grand nombre de volumes. Cette sélection est opérée par un comité dédié – dont l’auteur de ces lignes fait partie – réunissant une quinzaine de membres de l’ACBD particulièrement intéressés par le manga [1].
Voici donc la liste des finalistes de cette édition 2018, publiée sur le site de l’ACBD :
Titre | Auteur | Éditeur |
---|---|---|
Errance | Inio Asano | Kana |
La Lanterne de Nyx | Kan Takahama | Glénat |
Les Mauvaises Herbes | Keum Suk Gendry-Kim | Delcourt |
Les Montagnes Hallucinées | Gou Tanabe | Ki-oon |
Saltiness | Minoru Furuya | Akata |
Errance- Par Inio Asano - Kana
On connaît bien Inio Asano, auteur de plusieurs ouvrages et séries de référence (Bonne nuit Punpun,Dead Dead Demon’s Dededededestruction, La Fin du monde, avant le lever du jour). Dans Errance, le mangaka s’attèle à une mise en abyme troublante et presque dérangeante qui témoigne de l’audace de son créateur. Car Inio Asano s’attèle, comme nous le disions alors, à « une peinture au vitriol d’une profession qui oscille entre l’art et la production de masse, entre la passion et le simple savoir-faire, entre le divertissement procuré et la vie sacrifiée. » Et l’errance qu’il propose détone au milieu des représentations le plus souvent valorisantes, quand elles ne sont pas idéalisées, de ce métier.
La Lanterne de Nyx - Par Kan Takahama - Glénat
Kan Takahama était déjà finaliste l’an dernier pour le Prix 2018 avec un one-shot, Tokyo, amour et libertés. On lui doit également L’Eau amère, 2 Expressos), Le Goût d’Emma ou Le Dernier Envol du papillon. Dans La Lanterne de Nyx, la mangaka débute une série marquée par un fort ancrage historique : le Japon de 1878, entrain de s’ouvrir à l’Occident, juste après l’exposition universelle de Paris qui se situe en toile de fond de l’intrigue du manga. Nous y suivons Miyo, jeune orpheline engagée comme vendeuse dans une boutique atypique car spécialisée dans la vente d’objets importés d’Europe et inconnus au Japon. Romance, histoire, finesse de caractérisation de l’héroïne et beauté du dessin constitue les éléments clés de cette série.
Les Mauvaises Herbes - Par Keum Suk Gendry-Kim - Delcourt
Ainsi que l’expliquait Laurent Melikian, Les Mauvaises Herbes est relativement passé sous les radars en cette fin d’année 2018. Pourtant, son propos, particulièrement fort, et marquant une rupture avec le roman national coréen, avait de quoi attirer l’attention. Keum Suk Gendry-Kim y raconte le récit d’une rescapée coréenne de l’esclavagisme sexuel, déportée en Chine pour y devenir prostituée des Japonais. Un ouvrage fort sur la mémoire, de 500 pages, avec un dessin où le trait se fait coupant. Et qui montre que le prix Asie de l’ACBD porte bien son nom en ne se limitant pas au seul domaine du manga japonais.
Les Montagnes Hallucinées - Par Gou Tanabe - Ki-oon
C’est sans doute le favori de cette édition du Prix. Adaptation magistrale d’un classique de la littérature fantastique, Les Montagnes Hallucinées bénéficie en outre d’une édition remarquable de la part de son éditeur, Ki-oon, dans une collection dédiée appelée à se développer comme nous vous l’expliquions récemment. Après Kasane (Kana), Mr. Nobody (Doki-Doki) et The Outsider (Glénat), Gou Tanabe s’attaque donc à un monument de la littérature de genre et propose, invraisemblable gageure, une version réaliste, convaincante et crédible de l’aussi innommable qu’irreprésentable univers de Lovecraft. Ses glaçants panoramas glaciaires, ses putrides créatures torpides ainsi que ses fresques cauchemardesques façonnent un ensemble fascinant que force l’admiration. Que ceux qui doutent, comme on l’entend trop souvent des qualités de dessin des mangakas se penchent sur le travail de Gou Tanabe : on a bien là un dessinateur d’exception.
Saltiness - Par Minoru Furuya - Akata
Série en 4 volumes, Saltiness avait été très proche de figurer parmi les finalistes l’an dernier. Avec ses deux derniers tomes parus dans la période, le voilà donc candidat au sacre, avec de sacrés arguments à faire valoir. Proposant une multiplication de situations toutes plus loufoques les unes que les autres ainsi qu’une galerie de personnages totalement improbables, Minoru Furuwa signe une sorte de fable contemporaine tour à tour hilarante, émouvante et sidérante. Car c’est aux marges de la société que le mangaka s’intéresse, ces sortes d’« inadaptés » qui n’y trouvent pas de place, pour diverses raisons qui toutes, en creux, signalent l’injustice, la violence et l’absurdité de la société japonaise. Un titre d’une collection nommé « WTF ! » et pourtant pas dénué de sens !
Cette liste est complétée par un « hors compétition » de quinze titres « coups de cœur » dont « le Comité de Sélection Asie-ACBD recommande également la lecture » :
Titre | Auteur | Éditeur |
---|---|---|
Aposimz | Tsutomu Nihei | Glénat |
Astra – Lost in Space | Kenta Shinohara | nobi nobi ! |
Au Loin une montagne | Chongrui Nie | Steinkis |
Beastars | Paru Itagaki | Ki-oon |
Blue Giant | Shinichi Ichizuka | Glénat |
Eisbahn | Tsuchika Nishimura | Le Lézard Noir |
Journal d’une vie tranquille | Tetsuya Chiba | Vega |
Les Liens du sang | Shûzô Ôshimi | Ki-oon |
Magus of the Library | Mitsu Izumi | Ki-oon |
Miss Hokusai | Hinako Sugiura | Édictions Picquier |
Origin | Boichi | Pika |
Peleliu | Kazuyoshi Takeda | Vega |
Rohan Kishibe | Hirohiko Araki | Delcourt Tonkam |
The Red Rat in Hollywood | Osamu Yamamoto | Vega |
La Vie devant toi | Hideki Arai | Akata |
Ainsi, sur 20 titres sélectionnés, ce sont 12 éditeurs différents qui se trouvent distingués. Ki-oon continue de dominer le paysage de ce prix (1 titre en compétition, 3 autres hors compétition)., talonné par Glénat (1 et 2). Akata cumule un titre en compétition et un autre hors compétition, de même que Delcourt si l’on associe ses différents catalogues. Pika et nobi nobi !, appartenant également à la même maison, présentent chacun un titre hors compétition. De plus petits éditeurs comme Le Lézard Noir et les Éditions Picquier se distinguent aussi dans la liste hors compétition. Mais c’est Vega, filiale manga de Steinkis, qui passe de peu de réaliser un très gros coup avec 3 titres hors compétition pour Vega et un autre pour Steinkis.
(par Aurélien Pigeat)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
[1] Ce comité, piloté par Aurélien Pigeat, se compose des personnes suivantes : Frederico ANZALONE (ATOM, Bodoi.info), Hélène BENEY (Canal BD Magazine, Zoo), Jérôme BRIOT (Zoo), Yaneck CHAREYRE (Zoo, Les Chroniques de l’invisible, Bayday tube) Jérôme DIEUSET (Télé Z, Télé Z Jeux), Stéphane DUBREIL (Guerres et histoire, casesdhistoire.com), Patrick GAUMER (Dictionnaire mondial de la BD [Larousse]), Stéphane JARNO (Télérama), Sébastien KIMBERGT (Animeland, Manga 10 000 Images, Japan Life Style), Sébastien LANGEVIN (Canal BD Manga Mag), Bernard LAUNOIS (auracan.com), Thierry LEMAIRE (Zoo, actuabd.com, casesdhistoire.com), Laurent MÉLIKIAN (actuabd.com, le Magazine des espaces culturels, Les Nouvelles d’Arménie) Aurélien PIGEAT (actuabd.com) et Florian RUBIS
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