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Je suis Morte : T2 - Par Jean-David Morvan & Nicolas Nemiri - Glénat

Par Charles-Louis Detournay le 11 mars 2008                      Lien  
Une série anachronique, en marge des autres titres de la collection {Loge Noire}, mais porteuse d’un message fort sur la vie, la mort, la prise en main de son destin et les relations avec les autres.

Aster est une petite fille pas comme les autres. La seule mortelle au sein d’une humanité qui, grâce au décryptage de son code génétique, a réussi à vaincre la mort et à s’affranchir de toute notion de temporalité. Aster ne comprend pas pourquoi on lui a refusé le don de l’éternité, ne comprend pas pourquoi on l’étudie comme une bête curieuse. Ce qu’elle sait par contre, c’est qu’elle ne pourra jamais s’intégrer à ce monde qui la repoussera toujours. Devenue adolescente, elle va donc tenter de brûler sa vie dans l’alcool et la fête, en compagnie d’autres mortels réprouvés comme elle. Tenter d’oublier qu’elle n’a pas de futur, même si elle croit profiter de son présent sans réellement le construire.

Je suis Morte : T2 - Par Jean-David Morvan & Nicolas Nemiri - Glénat

Thématiquement comme graphiquement, cette série se place en marge de la production actuelle. Certes, il a fallu attendre près de cinq ans pour profiter de ce second tome, mais cette attente rend sa lecture plus douce, plus attentive. Le créateur de Sillage transcende le concept de la dernière humaine en plongeant ici au cœur de la société, en constante confrontation avec l’individualité. Ce mélange d’attraction et de répulsion entre le Je et les autres est ainsi exacerbé pour que tout un chacun puisse en comprendre les mécanismes secrets, les rouages inconscients.

Ainsi, en s’immergeant dans les pensées de cette mortelle parmi les immortels, on comprend mieux les « avantages et inconvénients » du processus de vieillissement, qui nous éloigne et pourtant nous rassemble tous. Est-ce que la prescience de notre mort inéluctable ne nous pousse pas à profiter de chaque instant, tout en revoyant les expériences précédentes pour reproduire les positives, et trouver une nouvelle réponse aux négatives ? Ne sommes-nous d’ailleurs pas attirés par nos semblables dans des conditions extraordinaires alors qu’on n’aurait normalement jamais voulu leur adresser la parole ? Morvan revisite des thèmes chers à Rabelais et aux philosophes pour les ancrer dans un réel projectif, mais qui nous semble tellement proche, car conforme à nos réflexions quotidiennes. La vie n’est qu’un combat …

Nemiri est un dessinateur rare en terme de production et de style. Avec Je suis morte, cela lui fait seulement trois albums, tous avec Morvan, et une petite histoire dans le tome 3 des Chroniques de Sillage. Il se dégage de lui une sensibilité, qu’on suppose à fleur de peau. Les traits anguleux tranchent avec la nuance des aquarelles, les scènes d’action permettent de donner une immobilité calculée aux réflexions de la narratrice. Son implication dans ses planches laisse à penser qu’un autre dessinateur n’aurait peut-être pas pu faire passer aussi clairement le message d’Aster : un mélange d’amour et de haine, de pensées et de projections. Même si son style pourra rebuter un adepte de la ligne claire, il faut pouvoir se déséquilibrer pour trouver une nouvelle position, plus stable que la précédente, et en harmonie avec son état d’esprit présent : c’est tout le message de l’album.

(par Charles-Louis Detournay)

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