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Jean-Luc Istin : « "Terres d’Ogon" est la première série Fantasy basée sur la culture africaine » [INTERVIEW]

Par Charles-Louis Detournay le 3 décembre 2022                      Lien  
Jean-Luc Istin est un créateur d’univers hors-pair au sein de la bande dessinée européenne. Autrefois dessinateur, sa créativité à initier des séries, puis des séries-concepts l’ont poussé à prendre le rôle d’éditeur pour mieux coordonner le travail des dizaines d’auteurs avec qui ils collaborent, sans cesser de scénariser afin d’implanter solidement les fondations de ses univers. Il le démontre à nouveau avec cette nouvelle série des "Terres d’Ogon." Ce premier album qu’il scénarise initie non seulement le premier cycle de la série, mais jette également les bases des développements futurs, comme il l’avait précédemment réalisé sur Elfes, avec le succès que l’on connaît. Cela tombe bien, car on retrouve justement des Elfes dans "Terres d’Ogon", mais pas seulement !

Votre créativité n’est plus à démontrer, mais je me demandais si la résurgence de Black Panther avait contribué à l’émergence de cet univers d’Heroic Fantasy africain ?

Je ne l’ai pas encore dis, et la plupart du temps quand on fait le parallèle entre Black Panther et Terres d’Ogon, je me tais. Mais au risque de déstabiliser certains fans de Marvel, je ne suis pas fan du tout de ce film. J’aime le super-héros, mais pas ce long-métrage qui présente des clichés parfois bien trop proches du Roi Lion, par rapport à ce que j’étais en droit d’attendre d’un telle production. Ceci étant, peut-être qu’inconsciemment, ce succès m’a poussé à avancer le projet « Terres d’Ogon »… qui ne portait d’ailleurs pas ce nom au départ.

Dans vos remerciements, vous mentionnez votre épouse comme source d’inspiration. Dans quelle mesure ses recherches sur le peuple Dogon ont-elles nourri cette nouvelle série ?

Quand j’ai connu ma femme, il y maintenant un peu plus de 26 ans, elle avait étudié les Dogons lors de ses études supérieures. Logiquement, elle m’en a beaucoup parlé et j’ai été captivé par sa fascination. En soi, ce n’est pas le point de départ de cette fantasy africaine, mais lorsque j’ai voulu donner un nom à ce vaste territoire, logiquement, j’ai utilisé le mot Dogon car cela permettait immédiatement d’identifier les racines de ce nouvel univers.

Bien entendu, vous ne trouverez pas de Dogon dans ces albums. Les Terres d’Ogon ne sont pas l’Afrique, mais bien une fantasy d’inspiration africaine au même titre que les Terres d’Arran sont une fantasy d’inspiration européenne. Et pour mémoire, Arran est une île d’Ecosse.

Jean-Luc Istin : « "Terres d'Ogon" est la première série Fantasy basée sur la culture africaine » [INTERVIEW]

À propos des liens avec les Terres d’Arran, on retrouve les elfes rouges au cœur de ce premier tome des Terres d’Ogon, alors qu’on avait déjà pu faire connaissance avec cette race dans la série Elfes. Est-ce une façon d’indiquer au lecteur que des passerelles coexistent entre les deux univers ?

La version limitée N&B

Absolument. C’était important d’apporter un lien fort entre les séries des terres d’Arran et celles des terres d’Ogon. Et si tout partait de la série Elfes, cela prenait tout son sens. L’idée, c’est que les Terres d’Arran, tout comme les Terres d’Ogon, abritent des elfes, des orcs et des nains. Mais autant sur les Terres d’Arran les anciennes races sont décriées, de plus en plus rejetés et finalement ont perdu de leur superbe, autant dans les Terres d’Ogon, les anciennes races sont considérées comme des dieux et des déesses, et respectées. Les elfes rouges, par exemple, possèdent des pouvoirs en Terres d’Ogon, que ceux des Terres d’Arran ont pratiquement oublié...

Si on découvre également des Centaures dans ce premier opus, ce sont surtout les Togs qui monopolisent l’attention. Vouliez-vous développer des races spécifiques à l’Afrique pour ces Terres d’Ogon ? D’où l’idée des grands singes ?

Je suis fasciné par les singes et particulièrement par les orang-outans ainsi que les gorilles. Mais l’idée d’utiliser une civilisation de gorilles ne vient que de mon côté geek : c’est la planète des singes qui me hante encore et toujours. Puis quel plaisir de travailler sur des gorilles qui parlent et de les voir prendre vie sous le pinceau de Kyko Duarte !

La civilisation des Togs emprunte une architecture (voire des rites) qui rappellent ceux de civilisations précolombiennes. Vouliez-vous donner le sentiment d’un peuple guerrier qui pouvait se montrer cruel envers leurs ennemis ?

Absolument. Et ils le sont, cruels envers leurs ennemis. Mais, et c’est dit dans l’album, certains d’entre eux tendent vers un apaisement culturel.

On découvre également les humains, et plus spécifiquement les Kulus. Vous êtes-vous appuyé sur des traditions existantes pour renforcer la vraisemblance de leurs croyances ?

À vrai dire, j’ai regardé et encore regardé des milliers de photos et dessins de différents peuples africains du début du 20ème siècle jusqu’à nos jours. Et à chaque fois, quand je créais scénaristiquement une tribu, je proposais à Kyko Duarte quelques visuels pour l’inspiration. Ainsi pour les Kulus, on peut facilement remarquer qu’ils sont directement inspirés des Mursis (Ethiopie).
Vous verrez plus tard d’autres tribus d’inspirations diverses, maliennes, zulus, etc. Kyko a dessiné presque tous les principaux peuples des terres d’Ogon. Finalement on a fait exactement la même chose en créant les Terres d’Arran, lorsque nous nous sommes inspirés d’éléments médiévaux européens pour définir les différents peuples (ainsi les Yrlanais ressemblent à des vikings). Tolkien fit de même pour les Terres du Milieu. Un univers de fantasy puise toujours ses caractéristiques dans la réalité.

À la lecture de ce premier opus, on ressent un soin particulier à soigner la psychologie des personnages. Est-ce finalement l’une des clés du Monde d’Aquilon : de la Fantasy incarnée par des personnages complexes dont le lecteur peut comprendre les motivations ?

Je ne me rends pas forcément compte du "soin" apportés aux personnages. Je le fais inconsciemment sans doute parce que je souhaite que tout soit cohérent et naturel. C’est cependant vrai que j’ai envie que l’on croit à ces personnages, que Ubu soit tangible, ainsi qu’Aggor et les autres. Et Kyko fait de même en leur donnant vie visuellement. Son Ubu me touche beaucoup.

Comment s’est déroulée la relation avec Kyko sur cette nouvelle série ? Vous avez donc également établi une charte graphique pour les autres tomes qui vont suivre ?

Travailler avec Kyko, c’est du pain béni. Je ne sais pas comment il fait, il doit être doué de pouvoirs car il lit dans mes pensées à tel point qu’il tombe quasiment toujours juste lorsqu’il crée un peuple ou dessine une page : c’est le plus souvent ce que j’attendais sans oser l’espérer. Kyko est effectivement à l’origine d’une charte graphique qui recense les peuples principaux, les créatures, quelques cités que l’on retrouvera dans les 3 prochains tomes.

Nous sommes impatients de découvrir cela !

Voulez-vous des exemples ? Voici comment je présente le territoire du Pumaranga et comment Kyko dessine les peuples :

Le Pumaranga

De par sa frontière avec le Massaly, le Pumaranga possède un ouest désertique et une ceinture rocheuse rouge marquant la fin du désert. De l’autre côté, nous entrons dans une zone verdoyante où vit le peuple centaure : Mi-homme-mi girafe. Mi-homme-mi-zèbre. Il existe une autre peuplade qui habite le Pumaranga en osmose avec les centaures, ce sont les Blanc-visages. Des hommes de petites tailles (1m20) qui se peignent le visage en blanc. La moitié du pays est une vaste forêt où on trouve des arbres géants sur lesquels sont construites des habitations. Un troisième peuple habite ce pays : ce sont les dents-limées, les ennemis héréditaires des blancs-visages, élevés dans la haine.

Le peuple centaure :


Les blancs-visages

Peuple qui n’a pas de sorciers, composés de gens de grande bonté et innocents. Ils vivent en osmose avec les guerriers centaures qui leur offre une protection. En échange de leur protection, les blanc visage donnent au centaure des bijoux.

Village Blanc-visages :

L’autre peuple du Pumaranga est un peuple sanguinaire qui déteste les Blancs Visages.

Les dents limées :

Les trois prochains tomes des Terres d’Ogon sont réalisés par des scénaristes et des dessinateurs déjà connus des lecteurs. Comment vont-ils s’articuler ?

Les trois prochains tomes sont réellement indépendants les uns des autres. L’idée était de placer des récits autonomes dans des régions différentes afin de permettre aux lecteurs d’apprivoiser ce nouveau monde. Ces trois prochains albums viendront assez vite, à peu près tous les 3 ou 4 mois. Mais, pour le moment, nous n’avons pas entamé une seconde saison.

Propos recueillis par Charles-Louis Detournay.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782302089570

Terres d’Ogon, T.1 : Zul Kassaï Par Jean-Luc Istin & Kyko Duarte - Soleil
Paru le 09 Novembre 2022

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Illustrations : © Éditions Soleil, 2022 — Istin, Duarte

Le Monde d’Aquilon Soleil ✍ Jean-Luc Istin ✏️ Kyko Duarte à partir de 13 ans Heroic Fantasy
 
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