Quel a été le fil rouge pour se dépêtrer d’un sujet aussi vaste que celui-ci ?
« Dépêtrer » est le bon mot. Ce que j’avais retenu dans la relation entre l’architecture et la bande dessinée, plus chez les architectes que chez les auteurs de bande dessinée, c’est la certitude que les uns et les autres étaient des visionnaires. Après, au niveau de l’application, c’est très différent chez l’architecte car il a une responsabilité administrative lourde alors que l’auteur de bande dessinée peut voguer de saga en saga. Les uns et les autres sont dans une compréhension du monde actuel et surtout du monde à venir assez complémentaires. Il y a une forme de « code génétique » commun à l’un et à l’autre. Le brief de départ de François de Mazières, président du Musée de l’architecture et du patrimoine était de faire une exposition chronologique. On n’est pas dans un festival de bande dessinée, on est dans une manifestation « grand public » pour des visiteurs qui viennent voir une exposition temporaire à côté de l’exposition permanente. J’ai bâti le corpus de l’exposition et, à partir des auteurs qui ont été retenus, Francis Rambert est intervenu pour établir des correspondances à certains niveaux et à certains moments. Quand il a vu Winsor McCay, il a pensé à l’architecte futuriste Antonio Sant’Elia qui est mort tragiquement en 1915 et qui n’a jamais pu construire ce qu’il avait créé. On a fonctionné comme cela en essayant de défricher, mais avec des certitudes : peut-être parce que c’est ma génération, j’avais très envie de retrouver des œuvres de Theo van den Boogaard, de Ceesepe dont on a retrouvé une illustration chez Lambiek du regretté Kees Kouzemaeker. C’’était aussi l’occasion de profiter de ce fil rouge pour présenter une photographie de la bande dessinée en commençant avec Winsor McCay et son classicisme pour arriver à quelque chose d’actuel et de contemporain avec les acteurs actuels de la bande dessinée mettant en scène non seulement l’architecture mais aussi son environnement, notamment historique, ce qui explique par exemple la section sur l’Occupation.
On arrive à la fin de l’exposition sur une section intitulée « Regards Croisés »…
Le seul avantage de cette salle qui ressemble à une banane, c’était de ménager un espace aux sujets auxquels nous tenions vraiment et que l’on ne pouvait mettre dans la chronologie sans nuire à la lisibilité. Dans ces alcôves, on a mis quelques-uns de mes auteurs fétiches comme les Requins marteaux avec Villemolle, les travaux de Reiser sur les architectures écologiques, ces fresques de Golo dont m’avait parlé Sébastien Gnaedig, le portfolio de Avril, Loustal, Juillard et Götting, autour de la Maison de verre de Pierre Chareau, ou encore La Ville rouge de Mickaël Matthys pour lequel j’ai eu un véritable coup de cœur, la rencontre entre le Musée Hergé et Christian de Porzamparc lequel expliquant parfaitement comment il a conçu l’édifice en intelligence avec Joost Swarte, etc. Nous sommes au Musée de l’architecture et du patrimoine. C’était aussi l’occasion de dire : la bande dessinée, c’est cela aussi.
Propos recueillis par Didier Pasamonik
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Lire aussi l’article de Thierry Lemaire : "Archi & BD, le amriage réussi du 1er et du 9e art"
"Archi & BD, la ville dessinée"
Cité de l’architecture & du patrimoine
Palais de Chaillot
1 place du Trocadéro, 75016 Paris
jusqu’au 28 novembre 2010