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Jean-Michel Arroyo ("Buck Danny Classic") : « J’ai lu attentivement les 40 premiers albums dessinés par Victor Hubinon ! »

Par Charles-Louis Detournay le 31 mai 2014                      Lien  
Le dessinateur du « spin-off vintage » de Buck Danny revient en détails sur son attrait pour le dessin aéronautique, la proposition qui lui a été faite de reprendre Buck Danny et le soutien qu’il a reçu pour mener à bien cette « entreprise ».

Après six albums chez Joker, comment vous êtes-vous retrouvé à travailler avec les éditions Zéphyr ?

Jean-Michel Arroyo ("Buck Danny Classic") : « J'ai lu attentivement les 40 premiers albums dessinés par Victor Hubinon ! »
En 2009, alors que je travaillais sur le tome 4 du Paquebot des sables chez Joker, Alex Paringaux des éditions Zéphyr m’a contacté pour me proposer de reprendre la série Airblues à partir du tome 3, ce qui devait clôturer le diptyque 1948. Ne connaissant alors pas grand-chose à l’aviation, j’ai d’abord hésité, vu de la précision technique requise. Mais ils m’ont bien encadré, principalement le scénariste Frédéric Zumbiehl, ancien pilote de chasse. Ils m’ont donc inculqué tous les principes de base pour que je puisse comprendre ce que je dessinais...

Vous êtes-vous documenté sur le terrain, dans des champs d’aviation ?

Oui, j’ai même eu plusieurs fois l’occasion de voler en compagnie de mon scénariste Frédéric ! Cela m’a aidé à comprendre pas mal d’éléments techniques en situation et de voler à fond la caisse en rase-motte au-dessus des champs de blé (merci Fred !)

Les pages de garde de Buck Danny Classic

Vous avez réalisé d’autres séries chez Zephyr ? Comment cela s’est-il déroulé ?

Parallèlement à Airblues, j’ai donc entamé L’Escadrille des têtes brûlées avec Vincent Jagerschmidt . J’étais en quelques sorte à mi-temps sur cette série puisque c’est Vincent qui s’occupait de toute la partie technique et des avions. Je n’étais là que pour rajouter quelques palmiers derrière ses beaux Corsairs ! (rires) Alors que j’ai beaucoup aimé travailler sur Airblues, je ne suis pas parvenu à trouver énormément de plaisir sur cette série, pourtant mythique grâce à la série télévisée. Par ailleurs, travailler à deux dessinateurs sur une planche n’est pas si simple finalement ...

Vous avez tout de même réalisé trois albums d’Airblues et trois albums de L’Escadrille des Têtes Brûlées, soit six albums en trois ans. Une grosse accélération de votre rythme de production !

En réalité, je dirai plutôt quatre albums et demi en trois années, car Vincent abattait quand même une grosse part de travail sur les Têtes Brûlées. Le gros avantage de ce rythme, c’est qu’on accélère l’apprentissage. Le gros risque, c’est de ne pas passer le temps escompté sur les planches et de bâcler le travail. Si j’ai beaucoup appris, je ne souhaite plus travailler dans ces conditions, car je n’ai vraiment pas les moyens de travailler aussi vite.

Jean-Michel Arroyo
Photo DR

Alors que vous étiez lancé dans une veine historique, peut-on parler de réel coup de cœur pour l’aéronautique ?

Le Paquebot des sables concrétisait surtout une envie de travailler avec Jacques Hiron qui avait écrit ce beau roman en six chapitres que l’on a adapté et qui démarrait effectivement dans les années 1930. J’en profite d’ailleurs pour remercier Joker Editions qui m’a permis de publier cette série alors que mon dessin n’était vraiment pas à la hauteur du scénario... En ce qui concerne l’aéronautique, je vais plutôt parler de coup de cœur surtout pour la période Warbirds et des premiers jets. J’adore ces designs-là, je ne suis vraiment pas touché par l’aviation moderne bardée d’informatique...

L’avantage de ne pas cultiver cette passion depuis longtemps, d’être en réalité un néophyte, c’est que je découvre toujours des machines, je flashe sur leurs formes, c’est très enthousiasmant. Je n’ai pas du tout d’approche technique en fait, même si je dois prendre tout ça en compte en dessinant. J’ai plus une approche esthétique des zincs... Par exemple, j’aimerais vraiment être amené à dessiner le F100 (Super Sabre) que je trouve vraiment superbe.

On peut également remarquer comme votre trait s’est affiné...

Je suis toujours à l’école du dessin : je cherche, j’apprends,… Je suis un passionné de bande dessinée : raconter des histoires en images, avec un simple pinceau et de l’encre de chine, je trouve ça génial ! En ce qui concerne les compositions de pages, j’apprécie beaucoup le genre aéronautique, car il permet des possibilités de cadrages intéressants notamment sur les séquences de combats : on peut vraiment s’amuser...

Comment vous est parvenue cette proposition de travailler sur des périodes précises de Buck Danny ?

Sur les Têtes brûlées, Alex Paringaux, mon éditeur, m’avait demandé un dessin très épuré afin de donner champ libre au coloriste, qui avait tendance à bien tartiner les planches, Au tome 3, j’ai repris mon encrage au pinceau un peu plus délié, car il y avait des scènes avec de la végétation sur une île. Quand Alex a vu les planches en noir et blanc, il m’a demandé de faire des essais pour Buck Danny et les a montrées à Dupuis, Philippe Charlier et Michèle Hubinon.

Quel a été votre sentiment face à cette proposition ?

Reprendre Buck Danny, surtout dans sa période Hubinon, représente effectivement un sacré challenge ! J’étais empli de doutes en réalisant le premier album. J’ai même failli « m’éjecter », mais j’ai vraiment été soutenu par Alex, José Louis Bocquet chez Dupuis ainsi que Philippe Charlier et Michèle Hubinon. Cette dernière m’a gentiment permis de voir des planches originales de son père. Elles sont encore gravées dans mes rétines, superbes !

Avez-vous relu et étudié les albums de Charlier-Hubinon ?

J’ai effectivement surtout lu attentivement les 40 premiers albums dessinés par Victor Hubinon ! Je n’avais que Ciel de Corée et Avions sans pilote dans ma bibliothèque ! Par la suite, j’ai choisi l’option de ne pas copier, mais plutôt d’essayer de retrouver le ton, en m’accordant la possibilité de progresser au fil des pages. Pour le premier album, mon but était de privilégier l’homogénéité et de rester dans l’esprit de la série originelle. Mais tâcher de retrouver le ton de la série tant au niveau du découpage que du dessin sans copier : good luck ! (rires)


Vos planches ont-elles été régulièrement revues par d’autres personnes, à différents stades ? Vos relations avec Philippe Charlier et Michèle Hubinon ont-elles été attentives, directives, objectives, patientes... ?

Toutes mes planches ont été envoyées au fur et à mesure à toute l’équipe, ça m’a d’ailleurs permis de poser des jalons dans mes périodes de doute. Mais je me suis surtout appuyé sur Alex Paringaux et son œil affûté de photographe aéronautique ! Des amis collectionneurs d’effets de vol et autre matériel m’ont également assisté pour tout ce qui est documentation technique, casques, etc. Cela m’a permis de tomber amoureux du casque USAF P1B, ça donnait une sacrée gueule aux pilotes avec le masque et les lunettes ! Michèle et Philippe sont vraiment présents et investis dans cette aventure, mais ils nous laissent cependant beaucoup de latitude.

Vous êtes-vous plus senti à l’aise dans une évocation davantage historique que contemporaine de Buck Danny ?

Je savais que le concept de ces spin-off était basé sur la période vintage de la série. C’est ce qui m’a immédiatement séduit. Je ne me verrais pas du tout sur la suite de la série-mère avec des F18 Sukkoî ou que sais-je ? C’est trop technique et trop éloigné de l’aspect aventure et exotisme comme je l’apprécie dans les scénarios de Charlier de la période Hubinon.

Comment s’est déroulée votre collaboration avec Frédéric Zumbiehl,également votre scénariste sur cette série de Buck Danny ?

L’avantage, c’est qu’on se connaît bien avec Fred, et on peut effectivement tout se dire sur notre travail pour améliorer les choses. Fred a vraiment des sujets de prédilection qu’il maîtrise très bien, mais qui ne sont pas toujours les miens... On en parle, on échange et on finit par trouver des solutions. Il faut également souligner que nous sommes des prestataires sur cette reprise avec évidement un cahier des charges, ce qui complique aussi un peu les choses. Pour la documentation, nous avons quelqu’un de très compétent qui est là pour nous supporter. Puis, Fred m’aide plutôt pour régler les combats aériens, il sait de quoi il parle !

Comment s’est déroulée la prise en main de personnages si réputés, que ce soit Buck ou Sonny ?

Pas facile ! Par exemple Sonny est souvent le clown de l’équipe mais c’est aussi un super pilote de chasse, c’est donc toujours sur le fil... Buck est beaucoup plus l’archétype du héros à l’américaine avec sa gueule carrée et son menton (que je me suis efforcé de raboter tout de même un peu pour qu’il n’y ai pas de ressemblance possible avec Joe Dalton (rires)) Globalement, je m’amuse bien dans ce cadre vintage, ça me permet de continuer mon apprentissage de l’encrage au pinceau que j’affectionne beaucoup et du coup je prends du plaisir à tout dessiner.

Pourquoi avez-vous réalisé deux mises en couleurs différentes de la couverture ?

Comme je vous ai dit, je possède Ciel de Corée dont la couverture est dans les orangés, estampillée vintage. J’ai donc proposé la version orange comme un clin d’œil, ce qui a été accepté. Mais l’éditeur a finalement décidé de réaliser aussi une version bleue afin de ne pas s’adresser qu’aux lecteurs nostalgiques.

Vous prenez toujours du plaisir à également dessiner des femmes ravissantes. L’introduction d’un personnage féminin dérogerait-il au principe de conservation de la série, ou avez-vous obtenu une certaine liberté à ce propos ?

Il est possible qu’un personnage féminin fasse son apparition ou revienne (puisqu’il y a de très jolies filles dans la série), il faut juste qu’elle soit cohérente dans l’ensemble et y est un rôle prépondérant à jouer. Je regrette un peu Susan Holmes dans ce diptyque Corée qu’on ne verra pas évoluer mais j’ai réussi à placer tout de même une case en clin d’œil !

Est-ce que le deuxième tome est déjà en chantier ?

Pour le moment, je suis sur la planche 24 du tome 2. La suite, c’est une autre histoire...

(par Charles-Louis Detournay)

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Lire notre article présentant l’album de Buck Danny Classic : Sabre sur la Corée, réalisé par Frédéric Zumbiehl et Jean-Michel Arroyo aux éditions Zéphyr

Lire notre précédente interview de Jean-Michel Arroyo : « Le Paquebot est le vrai héros de notre série »

 
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1 Message :
  • Le problème est que dans l’oeuvre de jean-michel charlier, il n’ y a jamais eu place pour le "passéisme"…charlier a toujours suivi l’actualité, l’oeuvre de buck dany retrace une certaine histoire aéronautique de l’USS navy sur plusieurs décennies. Pourquoi se focaliser sur une période particulière ? charlier a toujours choisi des sujets d’actualité lors de la parution de ses albums. ce qu’à très bien fait de douhet ; par exemple ? je ne porte pas de jugement sur le contenu de ces nouveaux albums..simplement sur la philosophie d’aborder les thèmes des histoires.

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