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Jérôme Lebrun : "Le mélange de mes deux passions, le Rock et la BD, est pour moi un pur bonheur !"

Par Christian MISSIA DIO le 17 mai 2013                      Lien  
Après l'échec de leur mission au Maroc, Raoul Scopitone et son acolyte le sergent Marcel Formica, deux barbouzes "à qui ont ne la fait pas", sont chargés par leur chef des services secrets français de protéger la star des Yéyés Sonny Brushing suite à la disparition mystérieuse de plusieurs vedettes. Rencontre avec son auteur.
Jérôme Lebrun : "Le mélange de mes deux passions, le Rock et la BD, est pour moi un pur bonheur !"
Raoul Scopitone - Du Rififi chez les Yéyés
Par Lebrun & Pinard (c) Paquet

Cette album des aventures de Raoul Scopitone semble être un projet qui vous tient particulièrement à cœur car vous en êtes le dessinateur mais aussi le co-scénariste.

Jérôme Lebrun : C’est vrai qu’à la base, c’est vraiment mon projet. J’avais une folle envie de m’éclater au niveau de la BD. Je suis aussi musicien et collectionneur de vinyles de cette époque dite des “Yéyés”. Étant donné que j’avais déjà fait un album dans la collection "Calandre" des éditions Paquet, j’avais envie de rééditer l’expérience mais en apportant un petit quelque chose en plus, en l’occurrence l’univers des Yéyés, qui est pour moi un peu plus délirant.

Il faut savoir que les musiciens qui faisaient cette musique la faisaient au premier degré, mais quand tu écoutes les paroles, tu te rends compte que ce sont des parodies. C’est une musique fun et c’est cela qui m’a plu.

Concrètement, comment vous est venue l’idée de faire cette histoire intitulée Du Rififi chez les Yéyés ?

Elle fait partie de ce genre de projet que vous avez en tête depuis un bail mais que vous ne concrétisez pas toujours, par manque de temps ou d’opportunité.

Lorsque l’occasion s’est présentée, je me suis dit qu’il fallait y aller à fond en proposant une ambiance polar, agrémentée de musique yéyé, tout en étant hyper documenté au niveau du visuel de l’époque, que ce soit les bagnoles, les costumes ou les objets du quotidien. Ce n’était pas vraiment une corvée pour moi, car cette période est vraiment ma came !

Au niveau de l’inspiration, j’ai toujours été un grand cinéphile de ce qui se faisait dans les années soixante, que ce soient les films de Georges Lautner ou d’Henri Verneuil.

Afin d’améliorer mon scénario, mon éditeur Pierre Paquet m’a mis en contact avec Philippe Pinard [1], un scénariste maison, qui a vraiment apporté une rigueur scénaristique.

Quelques planches du Rififi chez les Yéyés

Comment avez-vous travaillé avec Philippe Pinard ?

Je lui ai présenté le projet avec un storyboard et il m’a alors suggéré de le retravailler autrement, tout en gardant ce qui faisait la base de mon histoire. Par exemple, on a rajouté des séquences. Il y a eu beaucoup d’échanges et de dialogues entre nous car ce scénario fait intervenir énormément d’éléments. C’est aussi un road-movie, il y a des loubards, des groupies, etc.

Au niveau du dessin, j’ai bossé à l’ancienne, sans utiliser l’informatique : un encrage noir et blanc, puis des couleurs à l’aquarelle réalisées directement sur mes planches. Cette méthode de travail ne me laissait pas le droit à l’erreur, mais, en même temps, j’ai pu vraiment penser chaque séquence, chaque planche afin de proposer une BD vraiment qualitative, bien que ce soit un "album de détente". Je voulais retrouver l’esprit sixties que l’on pouvait trouver dans les Spirou de l’époque.

Qui est Raoul Scopitone et que représente-t-il pour vous ?

Raoul Scopitone représente bien cet esprit barbouze de l’époque. Il veut tout faire, à l’américaine, mais au final, il est assez ringard. C’est l’ancien résistant de la Seconde Guerre mondiale qui a fait le maquis mais qui n’a pas su ensuite s’adapter au moment de faire sa reconversion dans les services secrets car il n’a pas eu la formation adéquate. Il n’a pas perçu que le monde changeait dans les années soixante et c’est pour cela qu’il représente bien cette "police à la papa" si souvent décriée par la jeunesse de l’époque. Forcément, Raoul est gouailleur, il ne peut pas blairer la jeunesse et toute cette influence américaine qui déferle sur la France. C’est un flic "saucisson-vin rouge".

Avec le béret et la baguette ?

Tout à fait (rires) !

Cette opposition entre les anciens et les modernes est en fil rouge dans tout l’album... Pensez-vous qu’il n’y a vraiment plus de dialogue entre les générations ?

Disons que c’était l’ambiance générale dans les Sixties. Vous aviez d’un côté les parents qui avaient connu la guerre et les privations et d’un autre côté, les baby boomers,, ceux qui étaient adolescents durant cette période yéyé. Ceux-ci avaient envie de changer les choses et étaient très influencés par ce qui se faisait aux USA. Il faut dire qu’après la Libération, l’influence américaine a vraiment déferlé sur la France. Ce qui s’est traduit par l’arrivée des sodas, des juke-boxes, des Harley-Davidson, etc. C’est aussi l’époque des premières chansons contestataires, l’arrivée de Johnny Hallyday. Tout cela va aboutir à Mai 68. Je pense que les années soixante ont vraiment été un marqueur dans l’Histoire car c’est une période de bouleversements dans le monde entier.

Parlez-nous un peu de vous. Vous êtes un ancien animateur de chez Disney et vous avez été musicien. Le processus créatif est-il le même lorsque l’on dessine et lorsque l’on compose une chanson ?

Avant de répondre à votre question, j’aimerais préciser que je ne me considère pas comme un artiste mais plutôt comme un artisan.

Je pense que le processus créatif est le même, sauf qu’en matière de dessin, il est plus intérieur, étant donné que c’est une activité solitaire. Lorsque l’on créé une BD, on est seul dans sa bulle et on ne communique avec les autres qu’au moment où l’on échange avec le scénariste ou le staff éditorial ou encore au moment des dédicaces. Tandis qu’en musique, l’interaction avec les autres est un peu plus immédiate. Il y a énormément de communication et de dialogues avec les autres du fait que je jouais dans un groupe.

Le fait de jouer de la musique a-t-il une influence dans votre processus créatif en tant que dessinateur ?

Chez les autres, je ne sais pas, mais chez moi, oui, clairement !
Déjà, je jouais énormément de musique sixties dans mon groupe. Et puis, je suis aussi collectionneur de disques et d’objets de cette époque. C’est clair que cela m’a beaucoup influencé dans le choix de faire cette BD-ci et pas une autre. Mélanger mes deux passions que sont la musique rock et la bande dessinée a été un pur bonheur ! Le rock des années cinquante et soixante est un élément fondateur de la musique pop-rock d’aujourd’hui. Et je remercie d’ailleurs mon éditeur de m’avoir laissé la liberté de mener ce projet à bien, dans les conditions que je voulais. C’est un projet assez casse-gueule et je ne connais pas beaucoup d’éditeurs qui aurait eu le courage de prendre ce type de décision.

Quels sont vos prochains projets ?

Nous pourrions faire un second livre de Raoul Scopitone, si les ventes de cet album-ci sont satisfaisantes. Si j’ai le feu vert, j’aimerais cette fois mener ce projet en totale collaboration avec Philippe Pinard car je suis très content du travail que nous avons effectué ensemble sur cette BD.

Sinon, j’ai un autre projet qui est en cours de discussion avec Pierre Paquet et qui serait un roman graphique dont l’action se déroulerait à Djibouti. C’est une BD qui me tient à cœur car je suis né dans ce pays. Mais pour l’instant, nous n’en sommes encore qu’au stade de la discussion.

(par Christian MISSIA DIO)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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