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Jérôme d’Aviau : « Pour créer Alphonse Tabouret, nous sommes partis d’un poème en alexandrins »

Par Morgan Di Salvia le 20 novembre 2010                      Lien  
Un petit bonhomme dénommé Alphonse Tabouret vient de connaître une jolie aventure dans un conte étrange qui rappelle la naïveté initiatique du Petit Prince. Rencontre avec le dessinateur de cet album : Jérôme d’Aviau.

Vous avez utilisé plusieurs pseudonymes depuis vos débuts en bande dessinée. Pourquoi avez-vous souhaité différencier vos signatures ?

D’abord parce que ça m’amuse de brouiller les pistes. C’est aussi une manière de ne pas s’enfermer dans un style, ni dans une identité. J’ai commencé sous le nom de Jéroda, lorsque que j’ai publié mon premier album chez Soleil. Ensuite, quand j’ai ouvert un blog, j’ai repris mon pseudo de l’époque où je bossais dans les jeux vidéos : Poipoi. Enfin, j’ai également travaillé sous mon vrai nom pour Première Fois, le collectif érotique écrit par Sibylline.

Jérôme d'Aviau : « Pour créer Alphonse Tabouret, nous sommes partis d'un poème en alexandrins »
Le trop grand vide d’Alphonse Tabouret
© D’Aviau - Sibylline - Capucine - Ankama Editions

Vous alternez les styles, puisque vous avez déjà dessiné des albums semi-réalistes, minimalistes ou humoristiques. C’est la marque d’un passage par une école de dessin ?

Non, je ne suis pas passé par cette case. J’ai fait un BAC tournage-fraisage, puis un BTS mécanique automobile spécialisation boîte de vitesse de tracteur. Puis une école d’architecture… Mais pas d’études de dessin !

Mais vous avez travaillé dans le domaine des jeux vidéos ?

Oui, pendant dix ans. J’ai commencé en tant que graphiste 3D. Ensuite, j’ai gravi les échelons : un peu de design, puis chef d’équipe, puis chef de projet. Après un certain temps, j’ai tout laissé tomber pour devenir freelance. Je concevais des jeux pour téléphone portable tout seul dans mon coin. Un jour, un ami m’a proposé un scénario de bande dessinée : je me suis lancé.

Est-ce que cette expérience dans les jeux vidéos vous sert aujourd’hui quand vous réalisez des BD ?

Oui, mais pas directement. Les contacts que j’ai eu avec plein de super dessinateurs dans le monde du jeu vidéo, m’ont motivé à dessiner et m’ont ouvert à d’autres outils. Je dessinais comme tout le monde avec un crayon et un papier. Grâce à ces bonnes fréquentations, j’ai découvert le pinceau, les feutres,…

Qui est à l’origine du projet d’Alphonse Tabouret ?

Le projet est né d’une interaction avec Sibylline. Je ne serais pas fichu de dire qui a eu l’idée à la base. Je me souviens que la première fois que j’ai lu le scénario de Sibylline, j’ai eu envie d’illustrer ce qu’elle racontait sans rien modifier de son texte. De son côté, elle m’a fait confiance en me donnant carte blanche d’un point de vue visuel. L’alchimie a bien fonctionné, on s’est laissé beaucoup d’espace. Il y a plein de personnages dans l’album qu’elle n’imaginait pas du tout comme ça. Il y a également des passages muets où je lui ai proposé d’intercaler des séquences visuelles.

Un extrait du "Trop grand vide d’Alphonse Tabouret"
© D’Aviau - Sibylline - Capucine - Ankama Editions

Ça signifie que vous avez improvisé l’histoire durant la réalisation de l’album ?

Non. On a beaucoup discuté en s’envoyant des petits dessins. Le style par exemple, m’a été inspiré par un autoportrait de Sibylline. Elle ne dessine pas, ou plutôt elle dessine de manière très naïve, comme une enfant de 7 ou 8 ans. Ses crobars sont très drôles, je m’en suis inspiré pour trouver le look d’Alphonse. On a commencé à s’échanger de petites histoires avec ce personnage et l’univers qui se créait autour de lui. On est parti d’un petit poème en alexandrins, jusqu’à avoir de quoi faire un album de plusieurs dizaines de pages. Mais ça n’était pas du tout de l’improvisation.

De mémoire de lecteur, la dernière fois que j’avais vu les dialogues en dessous des pages avec des petits visages c’était dans Petzi. C’est une influence revendiquée ?

Tout le monde me dit ça, mais je n’ai jamais lu Petzi. Le coup des pastilles avec les dialogues vient tout simplement de notre usage intensif de MSN, on a repris à notre compte le système visuel du chat. Ça permet aussi de ne jamais écrire le nom de personnages, certains n’ont pas de nom, ça n’est pas gênant.

Le héros de votre conte a une silhouette très simple. Quelles sont les difficultés d’animer un personnage aussi simple graphiquement ?

Pour moi c’est un avantage plutôt qu’une difficulté. Les éléments visuels sur lesquels on peut agir pour exprimer les émotions sont très limités, ça simplifie les choix.

Recherches pour les personnages de l’album
© D’Aviau - Sibylline - Capucine - Ankama Editions

Le Trop grand vide d’Alphonse Tabouret est l’un des premiers albums BD des éditions Ankama. Ce doit être agréable d’inaugurer un nouveau label…

Je suis ravi. C’est un éditeur qui a un catalogue très varié.

Pourquoi avoir confié le lettrage à Capucine ?

Tout d’abord parce que je suis un fainéant. Ecrire me casse les pieds et je n’aime pas les lettrages faits à l’ordinateur. Ça ne collait pas au style adopté pour Alphonse Tabouret. Alors j’ai demandé à Capucine de venir poser sa belle écriture sur les planches. C’est la troisième fois que l’on collabore de la sorte.

Il y a beaucoup d’utilisation de mots-valises, de jeux de mots, de calembours,… Ça sonne parfois comme du Boby Lapointe…

Et bien, c’est simplement que Sibylline parle comme ça au quotidien ! C’est un plaisir que n’aurons que les gens qui la connaissent : on l’entend parler quand on lit le livre. C’est pour ça qu’on va essayer d’enregistrer une version lue. Je l’ai entendu raconter des histoires le soir à ses filles , c’est un bonheur ! Tous ces mots-valises, c’est vraiment sa patte.

Vous avez d’autres projets en communs ?

Des tas, mais il est encore trop tôt pour en parler. En solo, je planche au quatrième tome de Ange, ma série dans la collection Tchô !, avant de commencer, au début de l’année prochaine, un projet polar assez violent scénarisé par Tébo.

La question rituelle pour conclure : quel est l’album qui vous a donné envie de faire ce métier ?

Certainement ceux de Gotlib et Moebius. Ce sont mes deux premières lectures. J’ai appris à lire dans la Rubrique-à-Brac. Puis, j’ai découvert la bande dessinée immersive d’aventure en lisant Blueberry.

(par Morgan Di Salvia)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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En médaillon : autoportrait de Jérôme d’Aviau © DR

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