1436, après le rigoureux hiver pendant lequel les Sorcières jouèrent un grand rôle, Jhen arrive à Milan où l’attend une nouvelle mission de Gilles de Rais : accompagné de l’abbé Francesco Prelati, il doit retrouver à Venise un mystérieux codex alchimique.
Mais le duché de Milan est en guerre avec la Sérénissime. Heureusement, la rencontre du propre fils du doge leur permet d’entrer sans encombre dans la ville qui domine sans partage les mers et océans. Malgré cela, Venise ne se démasque pas facilement, car l’agitation nocturne qui y règne est propice à tous les traquenards.
Comme pour le récit précédent, les Sorcières, illustré par Thierry Cayman, c’est une note de Jaques Martin qui sert de base au scénario d’Hughes Payen. On reconnaît les thèmes chers au maître de la bande dessinée historique : la découverte de lieux emblématiques, et l’utilisation de femmes à fort caractère, dans une société où elles étaient habituellement reléguées à des rôles insignifiants.
Hughes Payen est parvenu à tisser une intrigue intéressante, à défaut d’être palpitante, et dont le point d’orgue réside dans la description des différents niveaux de pouvoirs de l’époque, que cela soit à Venise, ou dans le duché milanais. Si le découpage souffre de quelques approximations, l’attrait de Venise prend le pas pour passionner le lecteur.
Jean Pleyers réussit effectivement un splendide travail de reconstitution. Ses quelques postures ratées sont vite oubliées lorsqu’on profite des vues des cités moyenâgeuses, et surtout lorsqu’il nous entraîne au cœur de Venise : de la place St Marc enluminée aux sombres ruelles de la cité débouchant sur de petites places désertes, de l’impressionnant Arsenal jusqu’aux belles particularités de Murano, les amoureux de Venise et les fans de Jhen seront ravis de se rejoindre pour profiter du spectacle. On se divertira d’ailleurs à retrouver les différents lieux touristiques répartis tout au long de l’album.
Néanmoins, on demeure parfois étonné de la tournure moderne que prend notre jeune architecte. Si ce scénario s’intègre parfaitement avec les aventures précédentes, reprenant Gilles de Rais et le sombre Prelati découvert dans l’Alchimiste, Jhen semble se dévergonder au fil de temps, passant sans sourciller de sa ‘sorcière’ à une dogaresse libidineuse. Bien entendu, on a souvent reproché aux récits de Martin de mettre de côté les affaires du cœur, mais dans ce cas-ci, le contrepied est marqué.
Ce onzième tome de Jhen n’en reste pas moins une belle aventure, respectant globalement les repères de la série, de façon à ne pas trop ébranler les fans de la première heure, tout en tentant de recruter de nouveaux émules. En principe, Thierry Cayman a déjà bien entamé le douzième tome, Le grand duc d’Occident situé à Bruxelles, cette alternance des dessinateurs nous promettant un rythme de parution plus régulier.
(par Charles-Louis Detournay)
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