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Joost Swarte : "Vivre l’aventure dans mon travail m’est plus important que de la dessiner !"

Par Nicolas Anspach le 14 septembre 2011                      Lien  
Le maître hollandais de la « Ligne Claire » {{Joost Swarte}} expose son travail dans la galerie bruxelloise Champaka. Pour l’occasion, l’auteur présente des œuvres réalisées des années 1970 à nos jours, dont de superbes variations graphiques sur le thème du transport. Une occasion de parcourir avec lui son travail et sa relation avec Hergé.

Vous êtes à l’origine de l’expression « Ligne Claire ».

Oui. Avec mes amis collectionneurs et historien Har Brok et Ernst Pommerel, j’ai organisé une exposition consacrée à Hergé à la « Rotterdamse Kunststichting » en 1976. C’était l’une des premières expositions aux Pays-Bas à propos d’un auteur de bande dessinée. Cet endroit présentait généralement des œuvres issues de l’art contemporain ou du design. Nous avons souhaité montrer les planches d’Hergé dans un univers ludique et familial où la scénographie avait toute son importance. Par exemple, nous avions reconstitué la scène de rue la plus connue du Lotus Bleu ou recréé un désert. Les visiteurs pouvaient se faire photographier dans les sarcophages égyptiens des Cigares du Pharaon ! Les originaux étaient mis en valeur dans ces environnements.

Nous avions décidé de réaliser un catalogue de cette exposition. Mais en y réfléchissant, nous avons opté pour une autre idée : Scinder ce catalogue en différents chapitres et leur donner une couverture propre afin que ceux-ci ressemblent à des bandes dessinées. Nous avons donné différents titres à ces livres. Et l’un d’eux était « De Klare Lijn » [1]. Dans celui-là, nous racontions les origines et les influences du style graphique d’Hergé. Les journalistes et les collectionneurs se sont, par après, réappropriés ce vocable pour désigner un style de dessin proche de celui d’Hergé.

Joost Swarte : "Vivre l'aventure dans mon travail m'est plus important que de la dessiner !"
Planches présentées lors de l’exposition
Photo : (c) David Merveille.

Pourquoi êtes-vous si attaché à la Ligne Claire ?

Il n’y avait pas d’école pour apprendre à dessiner des bandes dessinées lorsque j’ai commencé ce métier. J’ai donc appris à dessiner en m’inspirant des grands auteurs américains, comme Robert Crumb par exemple. J’ai découvert grâce à eux que l’on pouvait atteindre une liberté dans le propos en bande dessinée égale à celle des écrivains. Aujourd’hui, cela peut paraître anodin de découvrir cela, mais à l’époque les gens pensaient que la BD était destinée aux enfants.

Je souhaitais atteindre une liberté d’expression totale dans la narration et dans le contenu de mes histoires. Mais je n’avais pas encore de style. J’ai donc copié de nombreux auteurs pour comprendre leur technique : George Herriman et Roy Crane notamment. Will Eisner m’inspirait beaucoup pour sa typographie pour les titres du Spirit. Et bien sûr, Hergé !

Après avoir recopié des dessins d’Hergé, je me suis aperçu que son style graphique n’était que la partie immergée de son travail. Hergé faisait preuve de beaucoup d’inventivité dans son découpage et dans son cadrage. Son travail allait beaucoup plus loin que le style, le trait, le contour. J’ai donc commencé à réaliser mes propres dessins dans cette voie. J’y ai trouvé une aisance, et cette ligne claire me permettait de donner de l’importance à n’importe quel détail. Si je vais dessiner le contour d’une vis dans un meuble, cela signifiera que j’ai pensé à la manière dont il a été assemblé. Les fenêtres d’un immeuble me permettent de retranscrire une scène de vie vécue par ses habitants. Ce style me permet d’avoir la possibilité de raconter une histoire, en accentuant des détails.

Quels souvenirs gardez-vous d’Hergé ?

Je l’ai rencontré de nombreuses fois pour l’exposition de Rotterdam. Il s’impliquait beaucoup dans cet événement. Il s’est montré disponible. On sentait qu’il s’était inspiré du professionnalisme de Walt Disney. Il savait que ce type d’événement pouvait apporter un regard différent sur son travail, et susciter l’intérêt de nouveaux lecteurs.

ls Nederlanders zich inspannen schijnt de zon/
Le soleil brille grâce à l’effort des Hollandais - (c) J. Swaarte.

Le sentiez-vous intéressé par votre démarche théorique et votre intérêt pour l’underground américain ?

Oui. Il était très ouvert. Un jour, alors que j’étais dans ses bureaux, j’ai vu un journaliste hollandais lui offrir Snatch Comics de Robert Crumb. C’était un livre très osé pour l’époque. Le créateur de Tintin s’est montré intéressé et lui a donné un exemplaire rare de Tintin au Pays des Soviets pour le remercier. Hergé était très ouvert et son évolution personnelle s’est faite en parallèle à l’évolution de la société. Au début du 20e siècle, il était très lié au milieu catholique et au monde de la Droite. Il a travaillé pour des journaux catholiques. Il était curieux de tout, et s’est intéressé au bouddhisme et au mouvement zen. Il a commencé à collectionner l’Art Contemporain et s’est même essayé à la peinture. Il cherchait à évoluer en permanence. Je crois qu’il avait fait de sa quête d’évolution une philosophie.

Qu’est-ce qui différencie la ligne claire du style atome ? Vous êtes également l’initiateur de ce deuxième terme …

La Ligne Claire est un type de dessin au contour systématique conçu à l’aide d’un trait noir relativement régulier. C’est un graphisme qui semble simple, mais qui en réalité ne l’est pas du tout. C’est un langage, une sorte d’alphabet pour les dessinateurs !

Il y a quelques années, j’avais écrit un article où j’évoquais le Style Atome. C’est le dernier grand style décoratif du 20e siècle. On a eu l’Art Nouveau (inspiré par la nature), l’Art Déco (plus géométrique) et après guerre, enfin, le style Atome avec ses formes typiques des années 1950. Je terminais mon article en disant que l’on a construit l’Atomium, à Bruxelles, en 1958, pour rendre hommage au style atome.
Ce terme est resté dans la mémoire collective. André Franquin, notamment a dessiné beaucoup d’éléments architecturaux et de meubles typique des années 1950 et du Style Atome !

Audrey Hepburn - 2011
(c) J. Swarte.

Vous êtes dans une recherche permanente. Vous avez dessiné des objets, le design d’un théâtre à Harlem, les vitraux du Couvent Sainte-Cécile à Grenoble, etc. Qu’est-ce qui vous pousse à vous renouveler ainsi ?

J’essaie d’appréhender chaque travail comme une nouvelle aventure. Vivre l’aventure m’est plus important que de la dessiner ! J’aime apprendre et me confronter à de nouvelles limites. Par exemple, il faut tenir compte de contraintes pour la création de vitraux. Je devais privilégier l’épure, et donc trouver des solutions graphiques pour aller dans ce sens.

On m’a dernièrement demandé de dessiner des lunettes et de réaliser les décors pour une pièce de théâtre qui sera jouée à Fribourg. Cela m’intéresse…
Je dessine également une page de bande dessinée pour chaque numéro d’une revue hollandaise. Comme beaucoup de mes œuvres, j’articule les pages autour d’une petite philosophie ou d’une observation. J’ai également recommencé à travailler pour le New Yorker. Il y aura donc du matériel pour un nouveau livre…

Deux des septs exemplaires du "Vélo à Quatre vents"
Photo : (c) Nicolas Anspach

Parlons de l’exposition qui a lieu jusqu’au 9 octobre à la galerie Champaka. Vous avez réalisé un objet pour l’occasion.

Oui. « Le Vélo à Quatre vents » qui est une sculpture en bois. Cette sculpture est la traduction de la pensée. Si vous avez trop de chose à penser, vous êtes dans l’impossibilité de prendre une décision et donc d’aller dans un sens ou dans un autre. Ce « Vélo à quatre vents » est une traduction de la pensée sous la forme d’un objet. Chaque roue est orientée vers un point cardinal : Nord, Sud, Est, Ouest. Vous avez-là tous les choix pour partir, et pourtant vous restez immobile.

La thématique de l’exposition est le « Trafic ». Pourquoi ?

J’apprécie de dessiner les moyens de transports. J’ai tenu à rendre hommage à des personnes qui m’ont inspirées et à les associer avec un moyen de locomotion. Jacques Tati et le Solex, Raymond Queneau et le métro, Audrey Hebpurn conduisant une Vespa dans la fontaine de Trévi à Rome, etc.

Propos recueillis par Nicolas Anspach

Joost Swarte, à la galerie Champaka
(c) Nicolas Anspach



Lors du vernissage Ever Meulen était venu soutenir son ami Joost Swarte.
(c) Nicolas Anspach

(par Nicolas Anspach)

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Joost Swarte sur Actuabd.com, c’est aussi :
- Joost Swarte aux 3e Rencontres Chaland de Nérac (Octobre 2010)
- Joost Swarte, le créateur de la « Ligne Claire » invité des 3e Rencontres Chaland de Nérac (Septembre 2010)
- Joost Swarte atomise le Musée Hergé ! (Juin 2010)
- Le Style Atome à l’Atomium (Juin 2009)
- « Leporello » ou Joost Swarte chez Glénat (Février 2010)


Exposition "Joost Swarte"
Jusqu’au 9 octobre 2001
à la Galerie Champaka
27, Rue Ernest Allard
1000 Bruxelles
Tel + 00 32 2 514 91 52
Le site de la galerie

Photos : (c) Nicolas Anspach - sauf mention contraire.

[1Ndlr : Une eproduction de ces couvertures a été publiée dans un autre article sur Swarte.

 
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9 Messages :
  • Merci pour cette interview très éclairante du futur Grand Prix 2012 de la Ville d’Angoulême !

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    • Répondu par Alex le 14 septembre 2011 à  23:11 :

      Ahah ! Bravo, quelle clairvoyance ! Ce serait, blague à part, tout à fait approprié.

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  • Quel plaisir de voir cette exposition !
    La photo représentant Joost Swarte en compagnie d’Ever Meulen est aussi une joie. Ils ont révolutionné la perception de la ligne claire dans les années 70 !
    Il ne faut pas oublier que cette ligne claire toute en surface et est comme un monde riant ! Mondrian c’est les champs de tulipes vues du ciel ! Les tulipes c’est la Hollande !... la passion du public Néerlandais et Flamand pour la ligne claire est de loin la plus importante d’Europe, ces deux créateurs de génie en témoignent.

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    • Répondu par Sergio Salma le 18 septembre 2011 à  21:11 :

      Personnellement je n’ai jamais compris pourquoi on accordait à Hergé cette espèce de paternité par rapport à la ligne claire. Le terme a beau lui avait été accolé par Joost Swarte, excellent graphiste, il est impropre selon moi. Non seulement parce que c’est complètement réducteur mais aussi tout simplement parce que Hergé n’invente absolument rien au niveau du trait. De plus qualifier ce trait de régulier, même de relativement régulier est une erreur. Faites un agrandissement de la moindre de ses cases et vous verrez des traits qui vont du simple au triple. Bien sûr on est pas dans le plein et délié mais si on schématise à outrance même en tant qu’amateurs éclairés , je trouve ça dramatique. Des gens comme Dubout ( parfait contemporain de Hergé) était tout autant adepte de cette façon de détourer. Hergé dans les années 30 est tout à fait dans une moyenne de graphisme qui se nourrit évidemment de toutes sortes d’influences revendiquées. Que ce soit la gravure, l’estampe japonaise, le dessin au trait , il me semble voir dans l’environnement des arts graphiques du premier quart de siècle des centaines d’artistes qui utilisent cette technique. Dans le dessin animé par facilité également, dans la publicité etc...Jusqu’aux dessins de Picasso ou de Cocteau, eux-même pétris des mêmes influences et qui dès le début des années 20 dessinent avec un trait régulier. La pointe de l’instrument pour la gravure ou la plume utilisée comme un stylo bille sont la cause de ce rendu. Des centaines d’affiches de cinéma et de publicités sont également exécutées avec ce trait . Pour ce qui est de la bande dessinée et de Joost Swarte, pardon de m’adonner au crime de lèse-majesté, mais son travail s’est toujours apparenté à un magnifique exercice de style. Presque du Pop-art en bande dessinée. On retiendra à mon avis le design emprunté à Hergé plutôt que la narration même si celle-ci a passionné l’artiste. Il a d’ailleurs montré dans sa riche carrière que la bande dessinée ne fut qu’une simple escale, une étape dans son parcours. Si Hergé n’est pas l’inventeur de cette ligne , il a créé et révolutionné ce qui est la bande dessinée elle-même et non le dessin qui en est le simple vecteur. Puis surtout il a affiné à la fois le trait et la ...ligne narrative. C’est d’ailleurs en refaisant les albums qu’il est allé vers ce trait "Rotring" parfois même un peu gras. On peut remarquer qu’ Hergé ne fut pas immédiatement "ligne claire " . Dans les Soviets ou le Congo, on était dans le trait sauvage, le noir et blanc violent. De Geo Mac Manus et même 30 ans auparavant avec Winsor Mac Cay ils sont nombreux ceux qui ayant envie de publier (en couleur ou pas ) ont décidé de cerner leurs personnages et leurs décors d’une ligne la plus simple possible afin d’être lisible au maximum. Après, ce qu’ils ont raconté relève de leur réelle créativité. EverMeulen a lui aussi joué de cet artifice pour créer des compositions époustouflantes . Mais ils sont à mon avis tous les deux satellites à la bande dessinée. Ils empruntent l’esthétique comme Lichtenstein le fit en agrandissant des cases de bande dessinée. Joost Swarte en tant que théoricien a prouvé plusieurs fois qu’il était un scénographe idéal ayant compris ce que le trait de Hergé représente pour en donner une belle translation esthétique en 3 dimensions. Ever Meulen a dynamité l’esprit de Hergé et de toute une série de graphistes dans cette lignée naïve . Il en a savamment perverti l’esprit, joué avec les conventions . Il y a là toute une esthétique de la candeur, un rapport évident à l’enfance. Si je devais faire un rapprochement plus vibrant entre ces 2 artistes et l’œuvre d’Hergé c’est dans le traitement de la couleur bien plus que dans celui de la ligne.

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      • Répondu par Alex le 19 septembre 2011 à  23:19 :

        Oui, mais non Mr Salma... Vous écrivez toujours des messages très intéressants, mais je n’ai malheureusement pas le temps (énorme) qu’il faudrait consacrer à argumenter tous ces points que vous évoquez.

        Je diffère de votre opinion sur l’oeuvre de Swarte -et il n’y a pas crime de lèse-majesté puisque jusqu’il y a peu j’aurai pu émettre le même avis. Mais j’ai lu ses histoires dans le "Little Lit" de Spiegelman et Mouly, et j’ai changé depuis totalement d’avis. Des histoires à l’aspect lisse qui décrivent sans le moindre engagement émotionnel la pauvreté, l’isolement avec aussi des thèmes récurrents comme dans toute l’oeuvre de Swarte -par exemple le démembrement. C’est une oeuvre très schizophrène : les corps y sont découpés- en sort 2-3 gouttes de sang savamment placées. On met la tête d’un homme décapité entre ses pieds. Il a toujours les yeux grands ouverts (ces yeux à la "Tintin")- alternativement en forme de X pour montrer que cette fois-ci il est bel et bien mort.

        Les décors, le design formidable de Swarte est terriblement oppressant. Ce n’est pas la représentation d’une ville vibrante et bouillonante d’une vie moderne. C’est "Mon Oncle", la maison de cauchemar, isolée dans sa volonté de s’imposer dans sa modernité et qui se retourne carrément contre ses occupants ! Chez Swarte, les meutres les plus sanglants -les démembrements les plus incongrus se passent après qu’une Chevrolet soit passée par la porte automatique du garage de cette maison de banlieue qui semble être la seule habitation de sa rue.

        Et au coin, sous un réverbêre il y a un gang de "blousons noirs" qui, comme dans un rêve/cauchemar vous poursuivent mais paraissent être suspendus indéfinimment au dessus du sol, un stiletto dans la main. Une course suspendue dans le temps. À l’infini. Une autre chose : relisez cette histoire de "RAW" où Swarte intervertit les identités sexuelles. C’est loin d’être si anecdotique que cela : et si même d’aventure on ne souhaite pas entrer dans des réflexions sur le "genus", la lecture de cette histoire est en elle-même une expérience très troublante. Je la classe, dans mon panthéon personnel, aux côtés de la course de "Star Billard" dans "Le Garage Hermétique"

        ps : sans dévaluer aucunement l’oeuvre de Meulen que j’admire sincèrement, il est clair depuis les débuts dans "Tante Leny" que Meulen a toujours été orienté vers le graphisme. Swarte par contre a produit avec une régularité constante des bandes dessinées. Ce n’est pas qu’un satellite, c’est un de ces "grands auteurs malades" comme je ne sais plus qui a trouvé la définition (Truffaut ?).

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        • Répondu par Sergio Salma le 20 septembre 2011 à  10:38 :

          Cher Alex, merci pour votre attentive lecture , c’est vrai que c’est complexe. J’ai lu en partie les histoires dont vous parlez, j’ai un peu compulsé certaines autres oeuvres. Ma conclusion quand j’avais lu ces histoires ( c’est un peu une sensation que j’ai beaucoup rencontré dans Métal hurlant) c’est que Swarte avait intégré parfaitement ce que la narration de Hergé contenait, il l’a disséquée. il en a retiré les contours . Je ne connais pas l’oeuvre complète de Swarte mais il m’était apparu que le fond de ses histoires était parfaitement intelligent . Il y a malheureusement un défaut majeur (selon moi) , il joue sur la perversion. Je tente de m’expliquer. En tordant le graphisme " naïf" de Hergé , il joue sur un deuxième degré permanent. En ça il est un digne représentant de cet humour belge du nord ou hollandais. Il y a une violence cachée. Ses récits m’ont toujours semblé cultivés, profonds. Là, je parle du fond . La forme elle a toujours été minimale. Il n’a rien créé puisque son propos ne fut jamais là. Il a d’abord voulu rendre beau. Le premier degré dans toute oeuvre est indispensable. Je n’ose pas utiliser les mots " intellectuel" ou même "conceptuel" mais on en est bien là. je suis de toute façon très gêné( mais c’est franchement personnel) quand on reprend à ce point les codes, la manière d’un autre auteur. Il s’attache d’ailleurs à Hergé d’une certaine époque. Alors que Hergé a constamment évolué. D’une case à l’autre , d’un album à l’autre. C’est l’auteur qui a mis la plus grande distance entre son premier et son dernier livre. Son parcours est phénoménal. Swarte ou bien encore tous ceux qui impressionnés s’adonnent à cette torsion si jouissive jouent à mon sens l’hommage. Et cet hommage permanent est castrateur. On peut pervertir ( Van den Boogaerts est allé dans ce sens, Johan DeMoor aussi...) mais il faut installer un univers et non pas , en se servant du média, exposer plus le média lui-même que le sujet. Pour des artistes, des graphistes, des peintres de ce niveau, quand ils s’amusent avec la bande dessinée, ils n’en saisissent que le contour, le trait. Comme dit l’autre, la bande dessinée est un art invisible. Avec un peu de patience on peut s’amuser à décortiquer les planches et les récits pour faire surgir cette structure, ce squelette . C’est bien que vous parliez de Spiegelmann qui lui aussi est parti d’un style aux contours naïfs . Aux contours aussi empruntés aux années 20 ou 30 américaines mais à partir desquels il installe un univers et une forme de narration qui n’appartiennent qu’à lui. Il fait dévier Herriman. Comme Winschluss quand il reprend aussi ces "manières", ces approches anciennes( Pinocchio ,meilleur album Angoulême 2009) mais lui ne les pervertit pas, il les utilise pour raconter et exprimer en bande dessinée. Apparaissent d’abord ses récits et non l’hommage.

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          • Répondu par Sergio Salma le 20 septembre 2011 à  13:58 :

            ...et en ce qui concerne ces fameuses"maladies", c’est plutôt aux œuvres que Truffaut pensait. Il avait dit ça à propos d’un film de Hitchcock et ça ne convient pas à Swarte( à mon avis) . Il n’a pas travaillé sur un livre qui pourrait être qualifié de livre malade. Là aussi, c’est tout à fait subjectif de toute façon ; Truffaut s’y entendait et ce n’est pas pour rien qu’il a trouvé cette appellation. La plupart de ses films, si pas tous, sont des films malades. Truffaut, un autre théoricien d’ailleurs, critique avant de devenir cinéaste. Lui a su s’affranchir des maîtres qu’il a sans cesse mis en avant mais curieusement a adopté les caractéristiques très souvent des cinéastes qu’il a incendiés. Exemples de grands livres malades : vol 714 pour Sydney ou Jeux pour mourir de Tardi.

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            • Répondu par Alex le 21 septembre 2011 à  19:39 :

              ...et en ce qui concerne ces fameuses"maladies", c’est plutôt aux œuvres que Truffaut pensait.

              Mais oui bien entendu, vous avez raison.

              Exemples de grands livres malades : vol 714 pour Sydney ou Jeux pour mourir de Tardi.

              Yann & Chaland, La Comète de Carthage

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            • Répondu par Alex le 21 septembre 2011 à  23:22 :

              Et en post-scriptum : d’accord avec vous sur les effets pervers de la "perversion"... J’aurais comme mentionné inclus Swarte dans cette catégorie. Mais est-ce mon évolution ou la sienne ? Je trouve dans son oeuvre qq chose de constant, au delà de l’anecdote : une sorte de jeu qui tourne à vide, qui est sous le carcan des conventions. J’y lis une grande angoisse, et cela m’intéresse beaucoup. Pour continuer sur ma note précédente, je dirais que nous sommes dans le même cas de figure chez Chaland. "La Comète de Carthage" cristallisait beaucoup d’aspects de l’oeuvre de Chaland. Mais le sourire narquois, en était absent cette fois. Une oeuvre bancale au final. Swarte en est là aussi. Mais je trouve leurs tentatives de s’affranchir des modèles fascinante. C’est de la méta-bd peut-être... Ce n’en est pas moins intéressant. Un auteur par-contre duquel je m’éloigne est Charles Burns. Son système référentiel servant de base même à un récit en parallèle. La référence n’est ni questionnée, ni totalement assumée. Les citations sont multiples mais l’univers n’est pas en place, car justement Burns joue sur la perversion des codes. Or cela n’a plus lieu d’être avec le genre d’histoires qu’il souhaite conter maintenant. Et cela nuit à la cohérence de son oeuvre. Swarte quand à lui assume mieux sa situation. Je commence à trouver dans le travail de Swarte, au-delà de l’angoisse, de la qualité graphique, l’oeuvre véritablement harmonieuse d’un artiste en pleine conscience des limites de son registre. L’intention et l’oeuvre intimement liée.

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