Pour le vieux Russell, la fin du siècle annonce aussi la disparition de son métier de cow-boy. L’arrivée du chemin de fer et l’industrialisation qui condamnent les pratiques et les comportements au risque de réactions inattendus des individus concernés : désormais, le bétail sera acheminé par train jusqu’aux abattoirs des grandes cités.
Le cow-boy a décidé de s’installer comme fermier avec son ami Kirby et le jeune Benett, un pauvre gamin recueilli sur la route et que Russell considère déjà comme son fils. Lors d’une halte dans la petite ville de Sundance, le drame survient : Benett est retrouvé assassiné. Russell va alors « péter les plombs » et les événements vont s’enchaîner, mettant à jour les ambitions et les convoitises des membres de la petite communauté. La mort de Benett va non seulement être à l’origine d’un terrible déchaînement de violences mais aussi révéler la véritable personnalité des protagonistes de ce récit violent, rythmé, impitoyable et incroyablement captivant !
Nous vous l’avons déjà annoncé dans ces pages : depuis quelques temps, le western est de retour dans les bacs de vos libraires favoris. Cette tendance se confirme avec l’offensive de chaque éditeur pour réinvestir un terrain délaissé depuis plusieurs années. Jamais à court d’initiative, les éditions Bamboo ne manquent pas à l’appel, avec un album événement. Jusqu’au dernier marque non seulement l’arrivée de l’éditeur sur le terrain des grands espaces américains mais aussi le retour d’un couple d’auteurs loin d’être inconnus : Jérôme Félix et Paul Gastine.
Outre quelques albums diffusés régionalement, le scénariste s’est fait connaître avec trois séries sous le label Grand Angle aux éditions Bamboo. Parmi lesquelles L’Héritage du diable décliné en quatre tomes fut particulièrement remarqué notamment par la qualité du dessin d’un jeune dessinateur Paul Gastine dont c’était la toute première publication. Cette histoire dont la narration empruntait aussi bien à l’ésotérisme qu’à la fiction historique connut le succès dès le premier tome.
Hélas les délais de parution des quatre volumes étalés sur près de sept ans n’ont pas permis de fidéliser un lectorat devenu, avec le temps, de plus en plus volatil et de plus en plus pressé de consommer ! À qui la faute, de ce qui reste un demi-échec ? Lecteurs impatients, stratégie éditoriale mal maîtrisée, diffuseurs démotivés ou… travail scrupuleux, exigeant et précis d’un jeune dessinateur d’abord soucieux d’atteindre la perfection ? A toute chose malheur est bon, puisque les deux compères nous livrent aujourd’hui ce one-shot solide à la narration tendue au cordeau soutenue par une qualité graphique tout à fait remarquable.
Le scénario s’attache à restituer à la fois l’esprit d’une époque finissante associant la disparition programmée des cow-boys devant l’arrivée du chemin de fer et le caractère implacable de personnages à la psychologie complexe, aux prises avec les contradictions de cette période de profondes mutations à l’Ouest. La vengeance et le sacrifice, l’innocence massacrée, le goût du profit immédiat pour les uns et l’ambition des autres, le désir d’une vie meilleure… ce sont quelques-unes des thématiques présentes en toile de fond de ce western crépusculaire. Les enjeux de société se confrontent aux intérêts particuliers dans une brutalité à l’image de la violence des affrontements entre les différents acteurs de cette histoire.
Déjà en liste pour le prix BD Fnac-France-Inter 2020, voilà un album qui, non seulement ne passera pas inaperçu mais annonce d’ores et déjà la confirmation du talent de deux grands auteurs.
(par Patrice Gentilhomme)
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Illustrations Jérôme Félix et Paul Gastine © Editions Bamboo 2019
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