"Pour décrire l’horreur, écrit Primo Levi en préface de ce livre, la parole s’avère insuffisante. Les images ici reproduites ne sont pas une équivalence ou un ersatz : elles remplissent la parole au mieux, elles disent ce que les mots ne savent pas dire. Certaines ont la force immédiate de l’art, mais toutes ont la force crue de l’œil qui a vu et qui transmet son indignation."
Dans ce recueil qui résulte d’années de recherche, Arturo Benvenutti, réunit des œuvres de prisonniers des camps nazis. Certains ont survécu et ont dessiné après coup, parfois quelques jours après leur libération, ces images des jours terribles qu’ils ont vécus. D’autres ont été conçus par des prisonniers qui n’ont pas réussi à s’échapper de l’enfer nazi. Nous sommes au-delà de la représentation fictionnelle, de la photo, au-delà même du dessin judiciaire. Les gens qui sont représentés sont des parents, des amis. Ils sont morts ou ils vont mourir. Ils sont représentés avec une charge émotionnelle indicible.
Rien ne parle mieux de la barbarie, de la cruauté, de l’inhumanité que ces visages émaciés, ces corps décharnés, muets, mais dont on devine la pestilence. Images terribles qui parlent mieux que les mots, Primo Levi l’a bien compris, qui ont la force sidérante d’une œuvre d’art et la vérité implacable d’un témoignage dispensé par les propres victimes de ces abominations.
Les nazis ont veillé à ce qu’il reste peu de traces de leur crime -un boulevard ouvert aux imbéciles révisionnistes- mais les images sont là pourtant, qu’on ne pourra jamais effacer : "L’œil était dans la tombe" disait le poète. Dans ces pages aussi.
Ce livre, que l’on peut mettre en parallèle avec celui d’Arthur Goldschmit, Puisque le ciel est sans échelle (Creaphis Edition), recueil de dessins qu’il a réalisés au camp de Terezin, avec celui, remarquable, de Claude Laharie, L’Art derrière les barbelés - 1939-1944 (Atlantica) ou encore avec Mickey à Gurs, ce recueil de dessins de Horst Rosenthal que j’ai publié avec Joël Kotek et Tal Bruttman (Calmann Lévy) démontre combien de talents ont disparu avec la Shoah, qu’elle est non seulement un crime unique et imprescriptible contre des hommes, mais aussi contre la civilisation.
Merci aux éditions Steinkis de nous l’avoir fait connaître.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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