Retour en Afghanistan pour Nicolas Wild, mais cette fois pour évoquer l’enlèvement d’un journaliste britannique, Sean Langan. Parti en reportage pour la BBC, il est séquestré par les Talibans, en échange d’une demande de rançon. Coincé dans une cellule avec son fixeur [1], il ne voit le jour qu’à travers un petit trou dans un mur, et s’attend chaque jour à être exécuté.
Délaissant la première personne et les épisodes tragi-comiques vécus à Kaboul, Nicolas Wild se met au service du témoignage. Ce qui est arrivé en 2008 à Langan ressemble à des dizaines d’autres cas. Ballotté entre espoir et menaces, affrontant les contradictions des geôliers, leurs élans de sadisme et leurs moments d’humanité, le journaliste étouffe dans l’angoisse.
Grâce au regard attentif de Wild, où l’ironie tempère le réalisme, le lecteur respire dans des séquences étonnamment apaisantes. Pour ensuite rebondir sur des scènes de colère brutales, fusil au poing. On n’est pas loin, parfois, de la justesse d’un Sacco, voire du sarcasme de Tintin et les Picaros. Dans un même contexte, l’auteur raconte à la fois la terrible réalité de Kaboul, le travail des reporters de guerre, mais aussi le sort des "seconds rôles", Afghans pris au piège du conflit, sommés de choisir leur camp, quitte à renier leurs valeurs profondes.
Un témoignage précieux, qui peut prétendre à la qualification de précis géopolitique, autant qu’à une sociologie du grand reportage, sans jamais oublier tous les sans-grades qui subissent les vents violents des luttes de pouvoir.
(par David TAUGIS)
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Kaboul Requiem : un thé avec les Talibans. Par Nicolas Wild et Sean Langan. Editions Boîte à Bulles. 160 pages. Sortie le 21 novembre 2018. 19,00 euros.
[1] Un habitant qui fait office de guide dans les zones sous tension.