J’ai toujours eu beaucoup de tendresse pour Borrini. Depuis longtemps. Jadis, nous avions accueilli, mon frère et moi, ses premiers dessins dans la collection Atomium chez Magic-Strip en Breughelande [1], puis dans un autre album racontant les aventures improbables de frères siamois qui étaient, paraît-il, inspirés par ses éditeurs jumeaux [2]. Depuis, j’ai perdu mon identité, mais j’ai gardé le souvenir de ses univers étranges aux paysages chaotiques, un brin surréalistes, où l’on ne croise de normaux que les monstres. J’avais toujours trouvé dommage qu’un tel univers ne puisse pas trouver sa place dans le petit monde de la bande dessinée.
Je ne sais pas si Janssens s’est jamais rendu en Outremeuse, mais son Outremonde en perçoit les échos. Les côteaux de la Sauvenière ont dû sans doute inspirer Fabrizio pour ses paysages aux rives escarpées et les forges de Cockerill, ses ciels assombris rougissant sous la flamme. Heureusement, il y a un Bon Dieu pour les bons petits diables. De retour après vingt ans, Fabrizio a regardé de près les coups de pinceaux de la nouvelle bande dessinée. David B, Blain, Sfar, Larcenet, Dupuy & Berbérian sont devenus ses maîtres comme naguère Chaland et Colman. Néanmoins, le Borrini d’antan est toujours là, intègre, même s’il s’habille des oripeaux de la modernité. Grâce au récit de Janssens, il s’exprime enfin construisant une mythologie où les monstres, les zombies, les vampires sont des êtres attachants et éminemment sympathiques. Faire son come-back au milieu de telles entités, c’est finalement normal pour un revenant.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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