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Keiko Ichiguchi : « Pour 1945, je n’avais pas le droit de me baser sur l’histoire réelle de la Rose Blanche ».

Par Nicolas Anspach le 3 octobre 2005                      Lien  
C'est peut-être l'auteure japonaise de manga la plus au fait de la culture occidentale. Keiko Ichiguchi vit en Italie depuis de nombreuses années, tout en réalisant ses Shojo - manga pour jeunes filles - pour son pays natal, le Japon. Les éditions Kana ont récemment publié {[1945->2807]}. Keiko Ichiguchi nous raconte, avec beaucoup de sensibilité et d'émotion, le destin de trois personnages, aux idées politiques fort différentes, dans une Allemagne fascinée par le discours et les actes de Hitler.

Qu’est-ce qui vous a amené, tant qu’auteur japonais, à réaliser cette histoire se déroulant en Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale ?

Je suis très étonnée qu’autant de journalistes me posent cette question. Ma démarche me paraît naturelle. Au Japon, j’ai lu beaucoup de mangas qui étaient situés à l’étranger, et je me souviens vaguement en avoir lu un qui traitait du nazisme durant la seconde guerre mondiale.

Vous auriez pu nous parler de la résistance japonaise durant cette époque...

Ce thème était sans doute trop proche de moi pour que cela me vienne à l’esprit d’écrire sur ce sujet. Et puis, c’est un univers très difficile à traiter dans un manga pour jeunes filles. Il faudrait, à ce moment-là, que je transforme ma narration et mon dessin pour mieux correspondre aux attentes d’un public adulte.

1945 est basé sur un fait réel.

Oui. J’ai été marquée par l’histoire de la Rose Blanche. C’était un groupe, formé par un frère et une sœur - les Scholl - qui a réuni pendant quelques mois de jeunes étudiants qui voulaient s’opposer à Hitler. Je me suis inspiré de ces faits réels pour écrire une histoire basée sur les sentiments.
Il fallait que je prenne de la distance car il m’était douloureux et triste d’adapter l’histoire réelle. Et puis, je devais penser à mon public. La dureté de la réalité ne correspondait pas aux attentes de mes lecteurs, principalement des jeunes filles.
J’ai donc laissé libre court à mon imagination, tout en me basant sur l’histoire de la Rose Blanche. Mes personnages vivaient par eux-mêmes et ont posé des actes qui les différencient totalement de l’histoire réelle.

Vous avez donc dû édulcorer certains aspects du nazisme.

J’ai dû faire le choix entre raconter une histoire vraie, un récit sur le nazisme, ou bien imaginer la vie d’un groupe de jeunes de cette époque. Je n’avais pas le droit de raconter l’histoire des Scholl car je n’étais pas dans leur peau. Je n’ai, fort heureusement, jamais vécu ou ressenti de situation comparable. J’ai préféré me limiter et donc raconter la vie d’un groupe de jeunes gens dans ce contexte historique.

L’histoire traite des grands thèmes de la Seconde Guerre mondiale, mais de manière assez brève.

Oui. Lorsque j’ai commencé à écrire 1945, je suivais un feuilleton télévisé qui s’appelait les Aventures du Jeune Indiana Jones. Je trouvais amusant que les scénaristes associent un personnage de fiction à des événements historiques. J’ai peut-être été influencée par cela.

Votre public est essentiellement féminin au Japon. Qu’en est-il en Europe ?

Le public européen est très différent. Lors de ma première séance de dédicace, je n’avais en face de moi que des jeunes hommes. Alors qu’au Japon, je ne rencontre que des jeunes filles ! C’était plutôt amusant.

Le marché de manga, au Japon, est plus segmenté qu’ici. Chez nous, on parle de surproduction quand trois mille bandes dessinées paraissent chaque année. Au japon, paraît-il, on en publie sept cents par jour.

En Italie, on dit également qu’il y a trop de bandes dessinées qui sont publiées chaque année. Le Japon a été en crise, récemment, et les éditeurs ont dû diminuer la production. Une grande partie du lectorat est constitué d’enfants. Or, ces derniers sont de plus en plus tourné vers des occupations différentes tels que, par exemple, les jeux vidéo. Mais bon, même si le Japon publie un peu moins de manga, le public y est plus ciblé.

Aimeriez-vous collaborer avec un auteur européen ?

Mon mari, le dessinateur italien Andrea Venturi, me fait découvrir sans arrêt de nouvelles choses. Je n’ai pas envie d’illustrer le récit d’un autre car j’ai eu quelques expériences désagréables au Japon. Mais pourquoi ne pas écrire pour un dessinateur ? Ce serait sans doute un récit teinté de fantastique et de mystère.
Je serais curieuse de voir l’accueil d’un tel album au Japon. J’habite en Europe depuis quelques années et mes amis japonais n’hésitent pas à me charrier en me disant que je dessine « à l’européenne ».

Keiko Ichiguchi : « Pour 1945, je n'avais pas le droit de me baser sur l'histoire réelle de la Rose Blanche ».

Quels sont vos projets ?

Je dessine actuellement Peach, une série totalement différente qui se passe en Italie. Je collabore également à une revue italienne où je donne mon avis sur les mangas, la littérature et le cinéma.

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Photo en médaillon : (c) DR.
Photo d’Andrea Venturi et Keiko Ichiguchi : (c) Nicolas Anspach

 
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