Kid Paddle, on connaît : c’est un petit personnage de gamer à la casquette verte qui a tendance à confondre ses jeux vidéo avec la réalité. Une fine mécanique d’humour qui a connu sa spin-off avec une autre série : Game Over. C’est un univers créé par Michel Ledent alias Midam pour le Journal de Spirou. Outre sa qualité de dessinateur, il a comme point commun avec Hergé et Franquin d’être né à Etterbeek en Belgique, mais aussi de s’être taillé un honorable succès dans le petit monde de la bande dessinée. C’est Patrick Pinchart qui le fait entrer dans la maison de Marcinelle en 1993. Elle n’aura pas à s’en plaindre : c’est en millions d’albums que se comptent les ventes et deux saisons de dessins animés ont considérablement élargi sa notoriété.
Une volonté d’indépendance
Midam pourrait se contenter de cette success story. Heureux dans un premier temps, il est déçu depuis quelques années. Il a l’impression que Dupuis est devenue une boite trop grande pour gérer avec réactivité et inventivité un univers qui, selon lui, a encore du potentiel. Il a le sentiment que son personnage sert à vendre les autres titres du catalogue Dupuis. Bref, que son éditeur ne s’applique plus suffisamment à le défendre. Son contrat se terminant à mi-2010, il a décidé de reprendre son univers pour lui impulser une dynamique nouvelle.
Pour ce faire, il a créé la société MAD Fabrik. M pour Michel, A pour Araceli Cancino, son épouse qui gère la licence de Kid Paddle depuis plusieurs années, assistant Dupuis dans le contrôle de l’usage qui est fait du personnage et D comme… Dimitri Kennes, l’ancien directeur général des éditions Dupuis qui avait démissionné en 2006 pour tenter ensuite de racheter la maison à ses actionnaires, sans succès. [1]
La nouvelle entité se propose de produire quatre albums entre 2010 et 2012 : deux Kid Paddle (une BD et un livre d’illustrations mettant en scène Kid Paddle) et deux Game Over. Les ouvrages seront distribués par Hachette et diffusés par La Diff en France et par Dilibel en Belgique. Les anciens titres, sauf accord particulier avec cet éditeur, resteront chez Dupuis qui profitera encore d’un nouveau titre de Game Over avant la fin de cette année. Ce nouveau démarrage va geler un moment la continuation de la série Harding
Les locaux s’installeront en Belgique à Waterloo, dans une pépinière d’entreprises mettant leur structure dans un environnement commun et dont les activités pourront être complémentaires à ce nouveau label.
Une mauvaise nouvelle pour Dupuis
« Notre entreprise n’est pas une action contre Dupuis, précise Midam, Nous avons été heureux de travailler avec eux mais nous pensons que le personnage a encore du potentiel et que cela lui sera profitable si nous nous concentrons sur son développement. Moi, je pourrai me consacrer entièrement à la production, Araceli aux licences des personnages, et notamment celui de Grrreeny dans lequel nous croyons beaucoup, et l’expertise de Dimitri Kennes servira à son exploitation éditoriale. »
Quand on fait remarquer à l’auteur que de Jacobs à Peyo, de Uderzo à Morris , de Brétécher à Gotlib, la plupart de ces aventures auto-éditoriales retrouvaient quelques années plus tard le chemin des éditeurs classiques, Dimitri Kennes répond : « si la qualité d’auteur et celle d’entrepreneur sont rarement compatibles, j’ai trouvé chez Midam et Araceli une véritable volonté d’entreprendre ! »
C’est un coup dur pour Dupuis qui perd une autre série ces jours-ci : Parker & Badger de Cuadrado qui passe, quant à elle… chez Dargaud, soit dans le même groupe que Dupuis. Joint au téléphone, son directeur éditorial, Sergio Honorez fait savoir qu’il s’attendait au départ de Midam depuis longtemps : « Nous n’avons pas eu de nouveau Kid Paddle depuis trois ans.. ». Quant au départ de Cuadrado, il le ressent comme une volonté de travailler avec une équipe qui lui convient mieux. L’éditeur reçoit cet événement comme une conséquence d’une situation déjà ancienne. Il est dans une phase de redéploiement de son catalogue et se dit confiant pour son programme dans les mois à venir.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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[1] Voir notre dossier Dupuis et Media-Participations.
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