Fruit d’une lignée d’industriels à la tête des prestigieuses manufactures mulhousiennes, Nicolas Koechlin, est l’un des hommes les plus riches d’Alsace. À la tête d’un empire prospère construit sur le textile et la fabrication de toiles imprimées, il s’investit aussi dans la sphère urbaine et politique et sera même député du Haut-Rhin. En 1830, cet entrepreneur de renom décide de se lancer dans un nouveau défi, la construction de la plus grande ligne française de chemin de fer de l’époque : le Strasbourg/Bâle.
À plus de cinquante ans, l’industriel investit toute sa fortune dansce projet long de 140 km. En ce milieu du XIXe siècle, le train n’en est qu’à ses balbutiements. Nicolas entend relever ce défi avec son courage, son obstination et sa générosité. De culture protestante, ce capitaine d’industrie a la fibre sociale. Son projet dépasse le cadre strictement industriel mais vise aussi à améliorer la condition des ouvriers et tout particulièrement celle des plus jeunes. Mais pour mener une telle entreprise, les obstacles ne manquent pas...
Cette grande aventure ferroviaire bouleversera le destin des Koechlin, mais aussi celui de toute la population de Mulhouse où chacun poursuit ses rêves, mais joue aussi sa survie dans cet impitoyable siècle industriel. En rendant un hommage à ces entrepreneurs plutôt audacieux pour l’époque, les auteurs reprennent le créneau des grandes dynasties entrepreuneuriales dans la lignée des Maîtres de l’orge de Van Hamme et Vallès (Glénat) ou d’autres sagas comparables qui ont montré la voie avec des succès variables. Assez classique dans sa narration , le récit se révèle néanmoins à la fois dense et très documenté.
Si ce Kilomètre Zéro ne renouvelle pas fondamentalement le genre, ses auteurs en revendiquent néanmoins, à l’instar des Rougon-Macquart de Zola, un profond enracinement local et social. On y devine la volonté de témoigner d’une aventure peut-être pas si bien connue des Mulhousiens eux-mêmes et pourtant encore visible dans les paysages de la région. Un abondant cahier documentaire vient confirmer cette volonté de faire le lien entre patrimoine régional et grande histoire et en souligner l’authenticité.
Avec le début de cette trilogie, c’est aussi l’occasion de découvrir de nouveaux venus dans « l’écurie » Bamboo : Stéphane Piatzsek, scénariste alsacien (!) déjà à l’origine de près d’une vingtaine d’albums de grande qualité, notamment chez Futuropolis, et Florent Bossard dont c’est ici la première véritable collaboration chez Grand Angle. À suivre !
(par Patrice Gentilhomme)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.