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Kogaratsu - T 13 "Taro" - Par Michetz & Bosse - Dupuis

Par Tanguy PÂQUES le 26 juillet 2014                      Lien  
Le rônin le plus célèbre de la BD franco-belge repointe le bout de son katana pour un 13e album qui coïncide avec le 30e anniversaire de la série. Une série devenue mythique sous la houlette de son duo d'auteur, {{Michetz}} et {{Bosse}} qui, à l'instar du tandem {{Giraud-Charlier}} pour le western, s'est imposé depuis comme une référence cardinale en matière de japon médiéval. Ainsi, tout lecteur de Kogaratsu qui se respecte sait depuis longtemps que le suicide rituel ne se nomme pas Hara-Kiri, mais bien Seppuku.

Kogaratsu, désormais secondé par un acolyte féminin, Tomomi (du clan des femmes de la Montagne "Au-delà des cendres"), se voit confier la mission de kidnapper un enfant, Taro, pour le rendre à sa mère. Une mère qui n’est autre que la princesse Ishi, son amour de jeunesse, dont il fut séparé par les contingences dûes à leurs rangs sociaux respectifs.

Kogaratsu - T 13 "Taro" - Par Michetz & Bosse - Dupuis
Michetz & Bosse © Dupuis

Une fois de plus outil dans la main des puissants, Kogaratsu voit sa mission prendre une dimension plus digne et honorable lorsqu’il en apprend le commanditaire et les circonstances. Ce retour au passé marque pour Kogaratsu la fin de sa longue descente aux enfers. Mû par l’honneur, mais surtout le souvenir de son amour perdu et l’attachement à un enfant qui pouvait être le sien, dans une affaire bassement vénale, Kogaratsu renaît et continue bien involontairement à forger sa propre légende.

Tel le frêle esquif qu’il met à l’eau en début de récit, Kogaratsu, en allant au bout de sa mission, atteint la mer, dont la portée symbolique ne souffre ici d’aucun doute.

Si cet épisode complète un peu plus la geste de Nakamura Kogaratsu, il est aussi l’occasion pour Michetz et Bosse de poursuivre leur exploration du japon médiéval et de son complexe tissu social : aristocratie pauvre ou riche, soumise à un implacable rapport de forces économiques, sur fond de code d’honneur radical, d’une violence redoutable.

Au scénario, Bosse le reconnaît volontiers, son écriture s’accorde bien mieux à un format de 200 pages qu’à celui de 44. La série avait d’ailleurs commencé par un cycle de quatre albums (Le Mon au lotus de sang, Le trésor des Êtas, Le Printemps écartelé, Le Dos du tigre) qui aurait dû en compter huit.

Las, en dépit de ventes très convaincantes, l’éditeur, Dupuis, exigea de Bosse qu’il clôture son récit au bout du quatrième tome, ce qui l’obligea à modifier son intrigue pour satisfaire un éditeur qui ne désire depuis que des one-shots...

Triste politique éditoriale qui bride ainsi le talent d’un scénariste qui a écrit en compagnie de son dessinateur, avec cette tétralogie médiévale japonaise, l’une des plus brillantes pages de la bande dessinée franco-belge.

Michetz & Bosse © Dupuis

Si ce nouvel épisode, comme les précédents, manque un peu du souffle épique du début de la série (d’où l’intérêt, peut-être, de la relire depuis le début...), il entretient grâce à l’astuce de son scénariste, des ponts avec les albums précédents en favorisant le retour d’anciens personnages, mais aussi une intensité dramatique présente dès le début. Le retour de la princesse Ishi et, dans une moindre mesure, du clan Kishiji participe à une densité narrative et dramatique hautement appréciable pour les aficionados de la première heure.

Pas besoin d’expliquer l’émotion de Kogaratsu lorsqu’il retrouve la princesse Ishi, ni d’en faire des tonnes pour que le lecteur comprenne que cet enfant dont il a brièvement la charge représente beaucoup pour lui ; émotionnellement et affectivement. Cette astuce concède néanmoins le défaut de ne s’adresser qu’au lecteur assidu de la série, qui peut cependant se souvenir d’un personnage comme Tomomi sans devoir relire toute la série.

Au dessin, Michetz reste pareil à lui-même : magistral. Son dessin associé à un cadrage et un découpage de haut vol reste d’une efficacité redoutable dans sa manière d’induire le rythme et le mouvement, de jouer avec le gros plan et le plan de coupe pour dynamiser la lecture.

D’induire une bande son aussi, ainsi qu’une lumière comme peu de dessinateurs savent le faire, grâce à une mise en couleur raffinée au service d’un trait élégant qui ne souffre d’aucune usure du temps, bien au contraire. Michetz se permet même quelques passages en noir et blanc pour mieux explorer encore les possibilités graphiques de son travail d’encrage qu’il opère en calligraphe.

Michetz & Bosse © Dupuis

Dans le prochain épisode,qui s’intitulera Le Cimetière des sabres, Kogaratsu devrait éprouver sa propre légende en revenant sur le lieu de son duel avec Kitaro (La Stratégie des phalènes) où un culte lui est voué.

En ce qui nous concerne, la fiction rejoindra alors quelque peu la réalité.

(par Tanguy PÂQUES)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782800151274

Dupuis ✍ Bosse ✏️ Marc Michetz
 
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4 Messages :
  • Kogaratsu - T 13 "Taro" - Par Michetz & Bosse - Dupuis
    9 décembre 2015 09:24, par Clark Savage Jr

    Magnifique déclaration d’amour à laquelle je ne peux que me rallier.

    Répondre à ce message

  • Kogaratsu - T 13 "Taro" - Par Michetz & Bosse - Dupuis
    9 décembre 2015 12:11, par Oncle Francois

    je n’ai rien contre le dessin de Monsieur Michetz, mais je suis assez étonné qu’un dessinateur belge ait construit la majeure partie de son oeuvre sur le Japon médiéval. D’où vient cette irrésistible attirance (traitée également avec Yan chez Glénat, je crois) pour le pays des samurais, des sushis et des geishas ?

    Répondre à ce message

    • Répondu le 9 décembre 2015 à  16:29 :

      D’où vient l’attirance de nombre d’auteurs envers les USA ? Au moins, Michetz a traité le Japon bien avant que ce soit à la mode. Cela dénote un esprit de curiosité.

      Répondre à ce message

  • Kogaratsu - T 13 "Taro" - Par Michetz & Bosse - Dupuis
    19 décembre 2023 14:38, par Don Marlon

    Presque dix ans après cette critique, je ne peux que l’approuver ! Pas un mot à changer si ce n’est pour le tome 14 : je doute de ne jamais le voir mais les 13 volumes de Kogaratsu représentent déjà la meilleure BD francophone sur le Japon médiéval.

    Répondre à ce message

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