Abélard le sentait pourtant bien ce déménagement. Aller vivre dans une tour, cela ferait rêver n’importe quel petit garçon épris de chevalerie. Sauf que la tour n’a rien de médiéval et qu’à défaut de douves et de meurtrières elle se signale par du béton, des baies vitrées et surtout un ascenseur en panne... Où comment transformer en aventure le fait d’aller chercher le pain.
Mais le morne quotidien se trouve rapidement illuminé par la rencontre avec - évidemment - une Héloïse qui n’a pas froid aux yeux et traine notre rêveur sur le toit de l’immeuble où vit Kong-Kong, le singe, version XXL, de la demoiselle. Un partenaire de jeu inattendu à même de susciter un imaginaire délirant.
Ainsi, faire de la musique, se rendre à l’école ou jouer au ballon n’aura plus la même signification ou la même portée. Kong-Kong bouleverse les possibles et libère les enfants des entraves de leur environnement sombre et cloisonné.
À travers de petites saynètes en 1, 2 ou 3 planches, Kong-Kong déploie un imaginaire tendre et foisonnant. Angoisses et enthousiasmes de l’enfance y trouvent une expression à la fois juste et touchante, magistralement rendu par le dessin somptueux de Yann Autret. La légèreté de ses petits héros, qui rappellent furieusement ceux des Peanuts par leur gestuelle et leurs attitudes, contraste habilement avec l’aspect paradoxalement plus réaliste de ce gorille massif au pelage charbonneux.
Si l’on pourra sans doute regretter l’absence de réel fil rouge ou de narration continue dans ce très bel album dont on voudrait voir l’univers et les personnages s’étendre bien au-delà de ces quelques pages, n’en reste pas moins le sentiment d’avoir fait là une magnifique rencontre susceptible de séduire les plus petits comme les plus grands.
(par Aurélien Pigeat)
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Kong-Kong : Le signe sur le toit. Par Yann Autret (scénario et dessin) et Vincent Villeminot (scénario). Casterman. Sortie le 22 août 2018. 80 pages. 14,95 euros.