« Justice » ! Ce mot résonne comme une libération pour Denis Robert. En fin de volume, l’auteur a pris soin de produire les arrêts qui cassent les jugements obtenus contre lui par la société Clearstream, le tribunal considérant que son enquête « ne dépassait pas les limites de la liberté d’expression. » On observera que si ces limites n’ont pas été enfreintes, le journaliste peut toujours se tromper de bonne foi dans ses hypothèses, l’opacité de la finance internationale étant structurée précisément pour qu’elle ne puisse pas être analysée au grand jour.
Denis Robert ne le reconnait pas explicitement mais la chose est implicite : toute cette affaire le dépasse largement, et en termes d’appréhension de ces problèmes, et en termes de moyens d’investigation : nous ne sommes pas dans un journalisme à l’américaine dont les budgets permettent de détricoter certaines combines d’officine. On ne doit pas oublier non plus que le journalisme lui-même obéit à un système marchand et que l’argent va à une information susceptible de se vendre. En clair, si l’affaire Clearstream a eu à un certain moment une « valeur », c’est parce qu’elle s’inscrivait dans une campagne présidentielle qui ne s’accroche à cette enquête que par les vertus d’une forgerie.
Ces réserves faites, L’Affaire des affaires permet de dresser le portrait saisissant de grands commis de l’état dans leurs moments de folie : ce Jean-Louis Gergorin, à la fois puissant et fragile, et en tout cas pathétique ; cet Imad Lahoud au parcours inquiétant capable de passer en quelques mois de la case prison à l’une des cellules de sécurité les plus proches du sommet de l’état ; ce Dominique de Villepin, Premier Ministre flamboyant et redoutable, comptable de petites combines minables et de grands gestes historiques pour la France…
On savoure le portrait de l’avocat Richard Malka, complètement à charge évidemment, ce même Malka scénariste de bande dessinée, comme l’est Denis Robert. On ignorait le 9e art capable de telles ironies…
C’est un roman balzacien qui nous est offert là, magnifiquement servi par le dessin d’Astier. Probablement ce qui restera de l’époque quand elle sera rendue aux livres d’histoires.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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