Le 25 janvier 2018, à l’occasion du Festival d’Angoulême, la ministre de la culture Françoise Nyssen commandait une « mission sur la politique nationale en faveur de la bande dessinée » à Pierre Lungheretti , directeur général de la Cité internationale de la Bande Dessinée et de l’image à Angoulême.
Un an plus tard, le 25 janvier 2019, il remettait officiellement le rapport au ministre Frank Riester, successeur de Françoise Nyssen débarquée entretemps du gouvernement. Ce « Rapport Lungheretti », très favorable aux auteurs, suggérait 54 mesures dont la création d’une « Année de la Bande Dessinée, BD2020 », pour promouvoir le 9e art.
Ce qui devait être une consécration s’avéra être un désastre. D’abord parce que les artistes de bande dessinée grognaient et avaient bien l’intention de se faire entendre puisque 2020 était LEUR année ! Déjà, lors de l’inauguration de l’année de la BD2020 au ministère de la culture en décembre dernier, Jul, nommé parrain de la manifestation par le CNL, opérateur de BD2020, avait osé déclarer devant le ministre médusé : « Je suis content que l’on passe en 2020 du LBD à la BD… »).
À Angoulême, le même Jul taillait un costard -ou plutôt un Tee-shirt- au Président Macron avec un symbole fort : celui des « violences policières. » Depuis, le ministre a chopé -le premier avant tous les membres du gouvernement- le fameux Covid-19 ; Livre-Paris a été annulé et tous les festivals de BD dans la foulée ; les librairies ont fermé et toutes les nouveautés ont été reportées… Tu parles d’une « Année de la BD » !
« Faire nation »
Faut-il tomber dans la déprime ? Non. Contrairement à d’autres industries plus lourdes, la BD a les moyens de s’en remettre rapidement. Une semaine avant Angoulême, le jeudi 23 janvier 2020, avant que la crise sanitaire n’éclate, le même Jul tenait un discours magnifique sur René Goscinny lors de l’inauguration de la statue qui lui était consacrée dans le square en face du 56 rue de Boulainvilliers à Paris, dans le XVIe arrondissement. « Ce qui parle à tout le monde, disait-il alors, par-delà les classes sociales, par-delà les nations […] c’est la BD. À lui tout seul, René Goscinny incarne cette union-là… ».
De fait, la BD a toujours été l’un des meilleurs vecteurs de l’indispensable résilience qui nous attend après cette crise qui finira inévitablement. Rappelons-nous que les plus grands héros de BD, de Mickey (1928) à Tintin (1929), de Flash Gordon (1934) à Superman (1938), sont nés dans des périodes sombres.
Ces chromos colorés sont ce qu’il reste de ces années difficiles. Ils incarnent la permanence de nos rêves, un monde où les héros triomphent. Et de cela, aujourd’hui, nous avons tous bien besoin.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon : Calicot de manifestation à Angoulême en référence aux violences policières. Parodie d’un dessin d’Hergé.
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