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L’Arabe du futur de Riad Sattouf : un antidote à l’imbécillité contemporaine

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 3 novembre 2020                      Lien  
C’est l’un des événements littéraires de la saison : le 5e album de « L’Arabe du futur » de Riad Sattouf sort en librairie le 5 novembre, en plein confinement. Ça tombe bien : alors que les TV nous servent les recommandations sanitaires en boucle et que se véhiculent sur les réseaux sociaux les opinions les plus tordues et les plus simplistes, Sattouf remet de la complexité dans le quotidien. Dans son album, on parle de sensations, de sentiments, d’amour filial, de transcendance, de foi, d’éducation, de justice, d’identité, de vocation, de culture, de création… Un cocktail contemporain d’intelligence et de justesse.
L'Arabe du futur de Riad Sattouf : un antidote à l'imbécillité contemporaine
Riad Sattouf
Photo ; Renaud-Monfourny - Allary-Editions

Comment ne pas « divulgacher » (le mot français pour « spoiler », je l’ai découvert en écoutant Riad Sattouf hier sur Quotidien) le contenu du livre ? En utilisant des périphrases sibyllines du genre «  Ce livre raconte l’histoire vraie d’un adolescent plus du tout blond, de sa famille franco-syrienne et d’un fantôme…  » C’est ce que l’éditeur a écrit sur la 4e de couverture.

Quand on connaît depuis longtemps le travail de Riad Sattouf, que l’on a lu La Vie secrète des jeunes, Le Manuel du puceau (l’un et l’autre à L’Association) et Retour au collège (Hachette) ou vu le film Les Beaux Gosses, on imagine bien ce qu’il arrive au jeune Riad à 14 ans en classe en Bretagne, à Plévenon au Cap Fréhel puis à Rennes.

Les difficultés avec son père dans le contexte du divorce de ses parents, ses complexes d’ado mal dégrossi, ses relations compliquées avec ses camarades de classe, avec les filles, avec les racailles du quartier… mais aussi avec la culture qu’il acquiert petit à petit à travers les sollicitations de ses copains, de sa famille, entre peur et attirance pour la virilité, rivalités et cogitations personnelles, nous accompagnons pas à pas un homme qui se construit.

© Riad Sattouf / éditions Allary

Ce qui est formidable avec Riad Sattouf, c’est cette intelligence teintée d’ironie qui sollicite tous les sens et toutes les émotions. Ainsi observe-t-il « l’air sentait la pluie fraîche et le gaz d’échappement » du centre-ville de Rennes, l’odeur « de sueur et de lavande » de sa copine Anaïk qui étudie le violoncelle, la petite musique de Tetris sur la GameBoy, le partage entre ados de Nirvana, NTM, ou Slayer, le reniflement de la contrariété de son père que Riad finit par adopter par mimétisme, le frisson pour le surnaturel et la lecture d’Alan Kardec qui constituent un point commun avec sa mère, courant les voyants et faisant la bigote lors d’un pèlerinage à Lourdes, la nourriture spirituelle que constituent les BD de Moebius, de Druillet et de Bilal découvertes dans la bibliothèque du père graphiste d’Anaïck puis empruntées en bibliothèques ou achetées d’occasion, son identification lointaine à l’arabe fou, auteur du Necronimicon, Abdul Al-Hazred, syrien comme lui, évoqué dans les romans de Lovecraft...

Les religions de son père et de sa mère et leur rapport, pétri de patriarcat, à une sexualité réprimée percutent l’athéisme militant de ses grands-pères, l’un rationnel féru d’aviation, l’autre jouisseur dans le plus simple appareil emmenant son petit-fils sur une plage nudiste.

Il y a tout cela dans le dernier livre de Sattouf et plus encore : tracée dans une sorte de Ligne claire, sa complexité, sa sensibilité et sa subtilité sont à l’encontre de l’air du temps qui s’abreuve de punchlines et d’idées simples. Ce qui fait de Riad Sattouf un auteur essentiel à lire par les temps qui courent.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782370733528

 
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20 Messages :
  • Belle analyse pour un grand auteur.

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  • A la fin de cette série (encore facilement dix tomes) le héros devient auteur. Passionnant.

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    • Répondu le 5 novembre 2020 à  16:48 :

      et il passe sur france inter et la télé. Waoou !!!!

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      • Répondu par Richard (Teljem) le 5 novembre 2020 à  17:38 :

        Rhoooo la jalousie ! Ayez du talent, ça vous arrivera aussi.

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        • Répondu par kyle william le 5 novembre 2020 à  20:24 :

          Le talent ne suffit pas.

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          • Répondu par Richard (Teljem) le 5 novembre 2020 à  22:09 :

            Talent et succès, mais c’est plus dur d’avoir du succès sans talent.

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        • Répondu le 5 novembre 2020 à  22:03 :

          oups j’ai oublié arte, france culture vous avez raison pas de jaloux

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          • Répondu le 7 novembre 2020 à  10:12 :

            Riad Sattouf a voulu avoir un succès populaire et il l’a obtenu à grande échelle. Et pas qu’un seul succès, plusieurs. Tant mieux pour lui et ça ne sert à rien d’être jaloux.

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            • Répondu le 7 novembre 2020 à  17:10 :

              ce n’est pas etre jaloux que de dire qu’il dispose d’une enorme com pour son bouquin, on voit que noel approche.
              Il est partout. Sattouf matin midi et soir, on voit bien là la fainéantise des journalistes.
              Pas sur ce site puisqu’il est dédié à la bd.
              Apres ça n’enleve rien au talent du dessinateur et du propos qu’il devellope, c’est plaisant à lire, une bonne biographie. Je suis egalement content pour lui.
              joie et bonheur et youpi !

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              • Répondu le 9 novembre 2020 à  07:26 :

                Ce sont les propos et les sujets qu’il développe qui intéressent tant les journalistes, pas le dessin. L’art est secondaire, non essentiels. Peu importe le médium, ce qui intéresse les journalistes, c’est de parler de l’actualité, de sujets de société, de politique. Les journalistes qui s’intéressent vraiment à l’art s’expriment sur des médias plus confidentiels et spécialisés. Notre époque est ainsi et Riad Sattouf sait faire avec, sait "communiquer" et plaire avec brio. Tous les artistes n’ont pas ce talent parce que "communiquer" n’est pas leur préoccupation principale, ils cherchent autre chose, le nouveau plutôt que la nouveauté, l’invention, le beau… Le succès n’est pas obligatoire, ni proportionnel au talent. Il peut vous tomber dessus sans que vous vous y attendiez ou alors, vous pouvez l’obtenir parce que vous le recherchez. La recherche du succès est un problème d’égo. Riad Sattouf a voulu ce succès et il l’a obtenu. Tant mieux pour lui. La plupart des auteurs de BD hyper-médiatisés ont cette même soif de reconnaissance médiatique. Leur image est plus importante que la qualité de leurs images. La bande dessinée est une tribune plutôt qu’un but. Le niveau "dessin de presse" suffit, ce ne sont pas les qualités esthétiques de ce dessin qui importent aux journalistes mais ce que raconte la petite phrase écrite au-dessus du personnage, dans la bulle. Le dessin n’est qu’un véhicule pour exprimer une idée. Pas l’idée elle-même qui ne peut s’exprimer que par des moyens graphiques. Les caricatures de Charlie Hebdo ne valent pas celles de Simplicissimus. Le dessin aujourd’hui doit être rapide et bref comme un tweet. Si un auteur veut plaire aux médias, il ne faut pas qu’il fasse de la littérature mais du journalisme. Voilà pourquoi il ne faut pas être jaloux de ce qu’ont les autres que vous ne voudriez pas avoir.

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                • Répondu par Laurent Colonnier le 9 novembre 2020 à  20:23 :

                  C’est incroyable comme tout est bête et à côté de la plaque dans cette pseudo-analyse anonyme.

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                  • Répondu par kyle william le 9 novembre 2020 à  21:00 :

                    Au contraire, c’est lumineux.

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                    • Répondu par Laurent Colonnier le 9 novembre 2020 à  21:09 :

                      Lumineusement bête en effet.

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                      • Répondu par kyle william le 9 novembre 2020 à  22:07 :

                        Non c’est très exact. Sattouf plaît à la presse grâce à l’angle journalistique qu’on peut utiliser pour parler de son travail , davantage que pour ses qualités d’auteur de BD, qui sont réelles par ailleurs.

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                        • Répondu le 10 novembre 2020 à  17:08 :

                          Ce qui est faux c’est que Riad Sattouf n’a pas cherché le succès à tout prix (il n’aurait pas été chez Allary pour ça) et que son image n’est pas plus importante que la qualité de ses images et de son travail, si c’était le cas, le public ne suivrait pas, et ce n’est pas un succès l’Arabe du Futur, c’est un triomphe, il n’y a rien de calculé là-dedans ne serait-ce que parce que c’est impossible.

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                          • Répondu le 11 novembre 2020 à  07:07 :

                            Je n’ai pas écrit qu’il avait cherché le succès à tout prix. Il a cherché le succès mais pas en faisant n’importe quoi pour dire n’importe quoi mais en communiquant avec intelligence. Même le titre "L’arabe du futur" est réfléchi. Et puis, un auteur sera toujours mieux défendu chez un petit éditeur qui met les moyens que chez un gros qui a trop de titres dans son catalogue. Allary était un excellent choix.

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                          • Répondu le 11 novembre 2020 à  07:49 :

                            Mais Riad Sattouf est l’auteur de plusieurs énormes succès. Ce qui vous semble impossible pour vous ne l’est pas pour lui.

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                  • Répondu le 11 novembre 2020 à  09:58 :

                    Ce qui est bête, c’est que vous affirmez de manière définitive sans argumenter. Comme d’habitude, Colonnier a raison parce qu’il ne peut pas avoir tort.

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    • Répondu le 5 novembre 2020 à  18:54 :

      oui mais attention après il devient pére, puis oncle et enfin grand pére
      dix tomes me semble juste pour raconter le futur.

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  • Il me semble que l’un des mérites de cette bd est d’avoir aussi intéressé un public éloigné du 9ème art. Des personnes qui lisaient peu (ou pas) de bd ont eu envie d’en lire d’autres.

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