On sait que L’Association vit en ce moment l’une des crises les plus graves de son histoire. En cause : le maintien ou non de Jean-Christophe Menu comme gérant et/ou directeur éditorial. Une Assemblée Générale qui aura lieu à Paris le 11 avril prochain en décidera, davantage dans la volonté de rétablir un fonctionnement normal de la société que de trancher entre les « anti-Menu » et les « pro-Menu ».
Rarement, une AG, un acte en général ordinaire et discret dans le fonctionnement d’une entreprise, aura eu un tel retentissement. C’est la rançon de la gloire. Le label associatif a fêté ses 20 ans l’année dernière et son ascension qui a révélé quelques-uns des grands noms de la BD française des années d’aujourd’hui : Marjane Satrapi, Joann Sfar, Lewis Trondheim, David B, Stanislas ou Emmanuel Guibert, s’est révélée phénoménale.
À qui en attribuer les mérites ? À un collectif sans doute, comme le nom même de l’éditeur le revendique. Qui a fixé ce que JC Menu appelle : « L’Idéal de l’Association » ? Les versions divergent et Lewis Trondheim a bien l’intention de faire entendre sa part de vérité, lui qui était là, au début.
Dans « Petits riens », une collection de moments de sa vie qu’il publie depuis plusieurs années sur son blog et qui fait l’objet de publications en volume dans la collection Shampooing qu’il dirige chez Delcourt, Trondheim raconte avec le talent qu’on lui connaît « sa » version de certains moments historiques de l’Association.
La forme est celle, habituelle de ses carnets, à savoir une transposition de personnages connus et plus ou moins reconnaissables sous la forme d’animaux. Bon nombre de scènes sont parlantes et décrivent bien le caractère collectif de certaines décisions-clés de l’évolution de la structure éditoriale.
Ainsi pour la création du logo. Trondheim montre bien que le célèbre logo co-dessiné par les fondateurs du label, l’une de ses marques de fabrique, n’est pas une idée de JC Menu qui en aurait proposé un tout autre.
Mais d’autres scènes montrent les conflits larvés qui subsistaient en son sein du fait du caractère autocratique de celui qui finit par s’imposer comme son dirigeant.
Ainsi, Trondheim raconte cette réunion entre Menu et les membres éminents de L’Association après que son « modeste dictateur graphique et éditorial » ait tenté en 2002 de créer son propre label « JC Menu éditeur ». Il propose à ses membres les plus célèbres de créer une collection à leur nom, une façon de les écarter de toutes les autres décisions éditoriales. Mais ceux-ci lui retournent la proposition : et si l’on en créait plutôt une au nom de JC Menu ? Une proposition qui le laisse coi.
Plus loin, Trondheim sollicite Sfar pour rendre compte dans ses carnets d’une réunion cruciale de l’Asso. Comme « observateur neutre », précise-t-il. Au moment de publier la scène, Menu imposera à ce qu’elle ne soit pas publiée.
On sait qu’en 2006, Trondheim, David B, et d’autres fondateurs de l’Asso, de même que des auteurs reconnus comme Sfar avaient fini par claquer la porte du comité éditorial, excédés parle comportement de JC Menu.
En 2009, le label entrait dans une crise financière sans précédent. Fin 2010, avec la fermeture de son diffuseur, le Comptoir des Indépendants et son passage aux Belles Lettres, un plan de licenciements était envisagé qui entraîna une grève en janvier dernier. Ces fondateurs et autres personnalités notoires du catalogue, soucieux de la pérennité du label qui les édite, revinrent aux affaires pour tenter de redresser la situation. Menu parla de « putsch » dont la résolution aura lieu en avril prochain.
Comme on le voit, L’Association a une histoire qui ne manque pas de rebondissements. On a hâte d’en lire les minutes dans la version de Lewis Trondheim, l’un des meilleurs raconteurs d’histoire de sa génération. Vivement septembre !
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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On peut lire ces pages quelques jours encore sur le blog de Lewis Trondheim
© Illustration : Lewis Trondheim & Delcourt.
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