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"L’Athénée" de M. Quintanilha, belle adaptation d’un classique de la littérature brésilienne

Par Frédéric HOJLO le 29 décembre 2017                      Lien  
Le dessinateur brésilien Marcello Quintanilha, remarqué en Europe pour son polar "Tungtsène", avait auparavant adapté le roman semi-autobiographique "L'Athénée" de Raul Pompeia. Racontant la vie d'un jeune garçon dans un pensionnat de Rio, il nous plonge dans la société brésilienne du XIXe siècle. Une adaptation réussie pour un récit vivant et subtil.

Sergio est un garçon de onze ans, issu de "bonne famille" et à l’enfance paisible et préservée. Mais pour parfaire son éducation, ses parents le confient à un pensionnat réputé de Rio. L’Athénée, qui accueille des fils de l’aristocratie et de la bourgeoisie brésiliennes des années 1870, est dirigé par Aristarco Argolo de Ramos, tyrannique et paternaliste, qui affiche ses valeurs d’ordre et de travail mais qui demeure surtout préoccupé par la survie financière de son établissement.

L’intégration de Sergio à L’Athénée ne va pas sans mal. Dans cet univers presque clos, les rapports entre enfants et adultes, mais aussi entre les enfants eux-mêmes, sont souvent violents, changeants et ambigus. Ils révèlent à la fois les liens hiérarchiques qui structurent la société brésilienne et la difficile construction personnelle et sociale de ces garçons subissant la pression de leurs camarades, du directeur et de leur famille.

Cette histoire, qui fut racontée par l’écrivain brésilien Raul Pompeia (1863-1895), est mise en dessins par Marcello Quintanilha, lui aussi brésilien, auteurs de plusieurs bandes dessinées parues au Lombard (Sept balles pour Oxford, 2003-2012) et aux Éditions çà et là (Tungstène et Mes chers samedis en 2015, Talc de Verre en 2016). Il fut distingué pour Tungstène, Fauve Polar SNCF au Festival d’Angoulême 2016 et finaliste du Grand prix de la critique ACBD 2016. Mais cet ouvrage remarqué constitue une porte d’entrée dans une œuvre plus vaste, comme l’atteste L’Athénée, publié également aux Éditions çà et là.

"L'Athénée" de M. Quintanilha, belle adaptation d'un classique de la littérature brésilienne
L’Athénée © Marcello Quintanilha / Éditions çà et là 2017
L’Athénée © Marcello Quintanilha / Éditions çà et là 2017
L’Athénée © Marcello Quintanilha / Éditions çà et là 2017

L’Athénée est adapté du roman O Ateneu, écrit en 1888 par Raul Pompeia, écrivain à la carrière littéraire aussi courte que brillante - il a mis fin à ses jour à l’âge de trente-deux ans. Ce récit est considéré comme l’un des classiques de la littérature brésilienne. Qualifié parfois de "roman impressionniste", il relève d’une forme de naturalisme étonnante de modernité, par la description de la psychologie des personnages et des relations qu’ils entretiennent. Inspiré, au moins en partie, de la propre jeunesse de Raul Pompeia, O Ateneu passionne par la minutie de la description de la vie du pensionnat, la caractérisation forte et subtile des personnages et l’aperçu qu’il nous offre de la société brésilienne du XIXe siècle.

Toutes ces qualités se retrouvent dans la bande dessinée de Marcello Quintanilha. Grâce à la traduction de Dominique Nédellec [1], nous profitons d’une écriture au rythme particulier, au vocabulaire choisi et précis, recréant un regard sur l’enfance d’où est exclue toute nostalgie. Le travail de Marcello Quintanilha accompagne et renforce ces qualités. Ses couleurs, qui rappellent un peu le fauvisme, transcrivent aussi bien la claire lumière du Brésil que les sombres recoins du pensionnat. Ces couleurs reflètent aussi les émotions et sentiments exacerbés des garçons, dont les rapports entremêlent compassion et rejet, amitié et rivalité, amour et haine.

Son découpage et sa composition, enfin, imposent une lecture rapide, presque saccadée. Le nombre important de cases par planche - une douzaine au moins - et la petitesse des dessins, qui rappellent l’enfermement de la vie au pensionnat ainsi que le rythme auquel sont soumis les pensionnaires, sont compensés par le choix de "détourer" les cases. Apportant fluidité à la lecture, ce choix montre également que la période du pensionnat n’est qu’un passage dans la vie des garçons et qu’ils aspirent avant tout à davantage de liberté. Le thème de l’évasion et de la fuite est d’ailleurs récurrent dans L’Athénée.

Il y aurait encore à écrire sur L’Athénée, tant le roman comme son adaptation recèlent de détails réalistes, de profondeur psychologique et même d’interrogations politiques et sociales, par exemple sur ce que peuvent être l’éducation ou encore les rapports de classes. Soulignons simplement que la qualité de la traduction de Dominique Nédellec comme de la "patte graphique" de Marcello Quintanilha permettent d’entrer aisément dans une œuvre importante, et pourtant un peu oubliée, tout en appréciant une bande dessinée qui mérite plus d’une lecture.

L’Athénée © Marcello Quintanilha / Éditions çà et là 2017

(par Frédéric HOJLO)

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Code EAN : 9782369902447

L’Athénée - Par Marcello Quintanilha - Éditions çà et là - titre original : O Ateneu, Editora Ática, 2012 - traduit du portugais (Brésil) par Dominique Nédellec - 20 x 28 cm - 96 pages couleurs - couverture cartonnée, relié - parution le 13 octobre 2017 - commander ce livre chez Amazon ou à la FNAC.

Lire les premières pages du livre.

Lire également sur ActuaBD : Tungstène - Par Marcello Quintanilha (trad. M. Zeni et C. Zonzon) - çà et là

[1Traducteur également cette année du Burroughs de João Pinheiro, édité par Presque Lune.

 
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