Claire est une femme dont la vie semble très cadrée, rythmée en premier lieu par les besoins de ses deux jeunes enfants. L’absence de son mari, pour déplacement professionnel, ne tombe donc pas au meilleur moment, quand un coup de téléphone totalement inattendu lui apprend la présence de son père dans un hôpital proche. Plongé dans le coma, il est condamné à court terme. Son père, qu’elle n’a jamais connu. Faut-il y aller ou pas ? Laisser ou non passer cette dernière chance ? La réponse semble évidente, mais le récit qu’en fait Isabelle Pralong est tout sauf simpliste.
Il faut le reconnaître, le dessin de l’auteure ne nous pas accroché au premier regard. Rêche, froid et un peu vide, ainsi apparaît-il tout d’abord. Et pourtant, au fil des pages, on se rend compte de sa finesse, de sa justesse, aussi bien technique qu’émotionnelle, qui offre au lecteur une certaine distance correspondante au refus du mélodrame. Il y a également cette narration en six cases, dont la régularité met en valeur les cadrages d’une grande variété, ainsi que le jeu sur les profondeurs et les gros plans dont se sert l’auteure de façon très intelligente. Les pages d’Isabelle Pralong sont d’une grande richesse et la quantité d’informations portées par la combinaison de tous ces éléments nous paraît finalement plus importante que ce qu’offrent parfois des styles plus réalistes et détaillés.
Le ton adopté tout du long de cet album est tout aussi fin et juste, entre introspection et gestes de la vie quotidienne. On découvre petit à petit la psychologie de Claire, ses rapports à la maternité, semble-t-il marqués par l’absence d’un père dont elle ne sait rien et qui, des profondeurs de son coma, fait remonter en elle des sentiments qu’elle croyait à tout jamais enfouis. Isabelle Pralong réussit à dresser un portrait touchant de cette femme qui ne manque d’humour ni vis-à-vis des autres, ni vis-à-vis d’elle-même, et qui, confrontée à une situation qui est à la fois source de peur et d’espoir, reprend petit à petit le contrôle d’une vie moins réglée qu’il n’y paraissait.
L’Éléphant est un très bel album qui ne manquera pas de laisser des traces dans l’esprit de ses lecteurs.
(par François Peneaud)
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