Suivent alors, une fois les invités partis, toute une série de quiproquos, de malentendus jusque fort tard dans la nuit. Dans cette BD écrite comme une pièce de théâtre, nos deux personnages vont se confier ce qu’ils ont de plus caché au fond d’eux mêmes. Malgré les tentatives d’explication de Florent, la jeune femme passe alors en revue vingt ans de vie commune avec son lot de frustrations, de non-dits et de secrets inavoués.
Dans ces échanges émergent aussi un bon nombre de préoccupations très contemporaines au carrefour de la fameuse crise de la quarantaine : peur de vieillir, érosion du désir, quête d’un bonheur éternel et aseptisé. Si l’ensemble est traité sous forme de comédie moderne et légère, les auteurs n’en ont pas moins oublié de ménager quelques coups de théâtre (et ici l’expression prend tout son sens !) qui, non seulement justifient bien évidemment une suite à paraître prochainement, mais aussi maintiennent l’attention dans ce mélodrame chic et branché.
Ceux qui espéreraient une histoire coquine alternant scènes torrides et gros plans osés en seront pour leur frais. En dépit de son titre, un brin provocateur, le dernier album de Jim fait davantage référence à une pièce du genre « au théâtre ce soir » plutôt qu’à un porno plus ou moins explicite.
À partir d’une intrigue et d’un décor minimaliste, Chabane et Jim nous font pénétrer dans l’intimité d’un couple lisse et conforme, voire conformiste, qui bascule dans un vaudeville décomplexé à cause d’un malentendu un peu... particulier !
Plus très jeunes, mais toujours désireux d’entretenir la flamme, Florent et Léa correspondent à ce panel de gentils bobos parisiens, middle-class chic , cœur de cibles des publicitaires et des instituts de sondage. Vie facile et moderne, sans véritable souci, voilà un gentil petit couple comme en raffole le cinéma ou le théâtre de boulevard. L’engueulade magistrale que va subir Florent met à jour des failles dissimulées sous le poids des habitudes et des faux-semblants. Elle révèle aussi en les ridiculisant, des travers de nos sociétés où chacun se sent obligé d’être performant, de tout réussir. Parfois même au prix d’une combine minable, de petits calculs qui finissent par faire tout voler en éclat !
Nourri d’images standardisées dopé par le culte de la performance, du bonheur moderne et obligatoire, notre couple de quadras se retrouve, l’espace d’une soirée, confronté aux contradictions et à la dérision de ses propres illusions.
Depuis plusieurs albums, Jim s’emploie à ausculter les soubresauts sociétaux qui secouent les années 2000, aussi bien dans ce qu’ils ont de plus fragiles, que dans ce qu’ils ont parfois de plus dérisoires ou de plus inattendus.
Comme pour les autres histoires parues également chez Bamboo, ses héros sont aux prises avec le bilan de leur quarantaine tout juste assumée.
Traité avec une certaine tendresse et une forme de complicité, ce récit nous les montre, une fois de plus, en train de se débrouiller avec des désirs contradictoires. Comme eux, Florent et Léa sont prisonniers de destins ordinaires et finalement pas si faciles à vivre. A travers ce prisme narratif, Jim invente en quelque sorte une nouvelle forme d’anti-héros.
Le dessin précis et appliqué de Chabane s’accorde parfaitement à l’univers de ces récits hésitant toujours un peu entre littérature facile tendance Musso ou Lévy et la volonté d’offrir au lecteur adulte des récits qui lui ressemblent.
Maquette et réalisation soignées, couleurs et cartonnage de belle qualité. Les albums de Jim font partie de ceux qui ont ouvert le label Grand angle à d’autres horizons. L’ensemble se révèle séduisant et attractif et l’on se prend vite à suivre avec intérêt et amusement les mésaventures de ces personnages à la recherche d’un bonheur fantasmé.
(par Patrice Gentilhomme)
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