Lorsque le pirate mercenaire gaulois Coax rencontre, au terme d’un pillage, un jeune romain en fuite, il n’est pas encore gladiateur mais il finira dans l’arène une fois la rançon du romain versée, suivie d’une implacable vengeance. Ce jeune Romain répond au nom de Caius Julius César et les deux hommes sont amenés à se recroiser car leurs destins sont intimement liés.
En effet, quelques années plus tard, César rachète le gladiateur Coax, arrivé au faîte de sa gloire. Cette propension à avancer face à la mort, le Gaulois la tient du meurtre de son enfant et du suicide de son épouse : il n’a plus rien à perdre ! Dès lors, César va instrumentaliser cette arme vivante en lui promettant de découvrir les responsables de sa déchéance.
On ne présente plus Jean-Pierre Pécau, scénariste prolifique qui aime à se glisser entre les lignes de l’Histoire, que cela soit pour y apporter un autre regard ou pour les tordre à l’envi comme dans la fameuse série Jour J qu’il co-écrit avec Fred Duval.
Sa nouvelle série L’Espion de César entre dans la première catégorie. Sans dossier historique attenant, difficile de savoir où se situe la part de vérité et celle de la fiction, mais il est effectivement établi que César fut enlevé et rançonné par des pirates de Cilicie en -75 av J.-C. Il est donc légitime d’imaginer que des espions étaient à sa solde pendant la Guerre des Gaules, que cela soit pour glaner des informations ou pour manipuler les décisions de ses adversaires.
Fort de ces faits, Pécau surfe sur l’idée que César a d’une façon ou l’autre incité les Helvètes à quitter leur territoires en direction des Allobroges, alliés de Rome, ce qui a déclenché la Guerre des Gaules et l’invasion qui en a découlé. On se souvient que cette hypothèse avait déjà été évoquée dans la bande dessinée Vae Victis.
Le scénariste ne se limite heureusement pas à se glisser dans les coulisses de ces machinations, il dresse également un portrait assez rude et machiavélique de Caius Julius, tout en nous offrant une intéressante description de la vie quotidienne romaine.
La grande particularité de la série tient pourtant dans le traitement graphique de Fafner qui lui confère une atmosphère âpre, rude et violente. Il faut d’ailleurs quelques pages pour s’habituer à son découpage du récit, mais il faut reconnaître que son dessin ne laisse pas d’ambiguïté : soit on entre dans son univers graphique, où son héros prend presque les traits d’un Conan gaulois, montagne de muscles et de sensibilité, soit on passe rapidement son chemin.
Fort de son expérience de quatre albums traitant de Rome (dont justement trois réalisés avec Jean-Pierre Pécau), Fafner a acquis une solide maîtrise de l’Urbs. Les fans d’Histoire qui cherchent une vision sans ambages de cette période chamboulée apprécieront.
(par Charles-Louis Detournay)
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L’Espion de César, tome 1 : Memento mori - par Jean-Pierre Pécau & Fafner - Delcourt, 76 pages, 17,95 €
Concernant les précédents albums de Fafner, lire :
Jour J, T. 28 : L’Aigle et le cobra - Par Duval, Pécau & Fafner-Delcourt
Carthago Adventures, T2 : Chipekwe - Par Christophe Bec & Max Von Fafner - Les Humanoïdes Associés
Imperator – Tome 1 : Les Fascistes sont éternels – Par Valérie Mangin et Fafner – Quadrants