Ce volume se présente comme un objet étonnant. C’est avant tout une enquête menée par David Kushner, journaliste primé et enseignant en journalisme à l’université de Princetown. Une enquête sur le long terme, dont le résultat se trouve là compilé et mis en planches par Koren Shadmi.
Elle retrace, chapitre après chapitre, la vie de Gary Gygax, co-inventeur du culte Donjons & Dragons, icône absolue de la pop culture de la fin du XXe siècle. Passionnante de bout en bout, elle expose les différentes étapes qui conduisirent un amateur de wargames à élaborer un nouveau système de jeu dont s’inspireront par la suite nombre de créateurs de tous les domaines de l’industrie du divertissement.
Si du point de vue de la bande dessinée il n’y a pas grand chose à noter, le fond allie précision documentaire, qualité d’écriture et sensibilité narrative. Les différents acteurs de cette formidable aventure sont rencontrés, et notamment Dave Arneson, l’autre créateur de Donjons & Dragons, et leurs points de vue - au sens strict - intégrés.
L’étude se poursuit sur le phénomène de société que fut le jeu, son influence, y compris dans les jeux vidéo naissant, sur ses produits dérivés et sur la guerre commerciale que le succès de TSR (Tactical Studies Rules), la société créée par Gygax, entraina. Tout cela, sans jamais se départir d’une empathie manifeste pour les acteurs de cette aventure et l’objet premier, ce jeu assez miraculeux qu’est Donjons & Dragons. Un monde peuplé d’un bestiaire extraordinaire et où les joueurs laissent libre cours à leur imagination, accompagnés par un système de jeu alliant caractéristiques chiffrées et divers polyèdres en guise de dés.
Et pour qui a été enfant, adolescent et jeune adulte, c’est-à-dire de longues années durant, rôliste, c’est-à-dire amateur de jeu de rôle, qu’il s’agisse d’AD&D (Advanced Donjons &Dragons) ou de ses divers héritiers, comme Shadowrun outre-atlantique ou Nephilim en France, cet album, touchant, réjouit et fait tout bonnement du bien. Et alors que vibre la fibre nostalgique l’album se clôt sur une ultime surprise : une postface de François Marcela-Froideval !
Car le scénariste des Chroniques de la Lune Noire fut, avant de se lancer dans la bande dessinée, un acteur majeur du jeu de rôle en France. Créateur et rédacteur en chef de la revue spécialisée de référence Casus Belli, il fut également ami et assistant de Gary Gygax dans les années 1980. Et son témoignage, en fin de volume, parachève joliment un portrait de qualité.
(par Aurélien Pigeat)
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