"L’Herbier Sauvage" : Quand la BD parle de sexe

On ne présente le prolixe scénariste Fabien Vehlmann (Seuls, Spirou & Fantasio, Jolies Ténèbres, Le Marquis d’Anaon...) Quelle surprise pourtant de le découvrir à la conférence de presse de Soleil en ce début d’année, une maison d’édition avec laquelle il n’avait pas encore collaboré. D’autant plus que ce scénariste dont la production s’adresse généralement au grand public avoue publiquement s’orienter sur un terrain qu’il n’avait jusque là pas encore expérimenté : le sexe.

Mais ce qui intéresse Vehlmann dépasse très largement le cadre de la bande dessinée de genre, qu’elle soit coquine, érotique ou pornographique. Non que le scénariste désire fermer la porte aux fantasmes, mais son maître-mot dans cette aventure est la sincérité. Il a donc décidé d’aller à la rencontre des anonymes, de France ou d’ailleurs, afin de récolter leur vécu en termes de sexe, qu’il s’agisse de découvertes, d’expérimentations, de fantasmes, de révélations... Il explique d’ailleurs en détails sa démarche dans les deux vidéos ci-dessous :

Ce qui passionne et touche à la lecture de cette compilation de confessions anonymes, c’est justement la sincérité que recherchait Fabian Vehlmann. N’en déplaise aux érotomanes qui auront été attirés par la couverture (et le titre de cet article), on évoque plus le plaisir (et l’amour) qu’une quelconque perversité. Et si certains comportements sexuels sortent de la norme, le fait de les placer dans la bouche de Monsieur- ou Madame-tout-le-monde crée un lien nouveau avec le lecteur.

On en vient d’ailleurs se demander comment le scénariste a pu recueillir des aveux aussi impudiques. Une fois de plus, il l’explique en se mettant en scène, lui qui a tant souhaité s’effacer derrière les témoignages qu’il a recueillis :

L’Herbier sauvage est sans doute l’un des plus beaux livres qui ait été consacré au plaisir et au sexe. Par son expérience scénaristique, Vehlmann est parvenu à transformer chaque témoignage en une réelle histoire, avec son phrasé propre, un contexte qu’il distille pour marquer des pauses et souligner les effets, avec un humour omniprésent qui transcende le plaisir sexuel sans le galvauder.

Le moment de surprise passé, on en vient à attendre, presque comme dans une addiction, l’illustration suivante de Chloé Cruchaudet. Si le style de la dessinatrice semble parfois très cru, une certaine forme de poésie et de retenue est également présente dans l’image qu’elle s’est faite d’une expérience hors-norme. Saluons également le jeu de la mise en page qui permet de déplier certaines pages pour mieux en découvrir les secrets, comme les portes d’une alcôve secrète qu’on ouvre avec curiosité et parfois délices...

Un triptyque étonnant

En dépit de toutes ces qualités, L’Herbier sauvage souffre de deux petits défauts. D’une part, l’illustration de couverture aussi étrange qu’explicite a tendance à détourner le regard du public féminin plutôt que de l’intriguer. Dommage car le livre s’adresse autant aux hommes qu’aux femmes, plaçant une réelle réflexion sur la place du plaisir dans l’amour et la relation.

D’autre part, il manque un signet pour retrouver plus facilement sa page au milieu de l’abondance de ces témoignages. A moins que cela ne soit pour mieux en relire une partie ? En effet, dans un monde où les sites pornographiques sont à la portée d’un clic et rivalisent d’excès, difficile de dénicher un plus bel ouvrage consacré au plaisir sexuel, dans toute sa diversité et surtout son humanité.

On en vient à espérer que Fabien Vehlmann prolonge son incroyable quête ! Comme il laisse une adresse mail à la fin de l’ouvrage, il va certainement encore recueillir de futures confessions destinés à nous faire entrevoir de nouveaux secrets… avoués !